Crise du transport TIR, blocage des camions sur les routes espagnoles, formation, manque de compétitivité de la logistique… le patron du groupe FTA et président de l’OEA donne son avis sur les grands problèmes qui menacent le secteur du transport et de la logistique au Maroc.

Comment évaluez-vous le besoin de l’Espagne de recruter 26000 chauffeurs de camions marocains? N’est-ce pas un grave problème pour le secteur du transport TIR national?

La forte demande pour des ressources humaines qualifiées est devenue un enjeu mondial, dans le secteur du transport et la logistique, cette pénurie est aggravée par des facteurs conjoncturels et structurels comme la guerre en Ukraine qui a privé l’Europe d’un nombre important de chauffeurs des pays de l’Est, le manque d’attractivité du métier participe également à cette tension que connaît le marché de travail. Les entreprises marocaines du TIR ont fortement investis dans la formation de leurs charffeurs et ont supporté les coûts cachés de leur apprentissage, il est donc tout à fait légitime qu’elles voient d’un mauvais œil toute tentative de détournement de cette main d’œuvre.

Quelle a été votre réaction et surtout votre réponse au ministère de la tutelle concernant cette affaire?

L’ensemble des professionnels du TIR ont exprimé leurs craintes sur ce sujet, si la satisfaction de ce besoin en chauffeurs, pour un pays partenaire comme l’Espagne, se fait dans une logique gagnant-gagnant nous ne sommes pas contre mais nous y serons plutôt favorables.
A notre avis, il faut prioriser le recrutement des jeunes chauffeurs sans emploi, ceci leur permettra une première expérience professionnelle et un perfectionnement de leur apprentissage. Le risque de voir cette opération de recrutement cibler plutôt les chauffeurs expérimentés va être contre-productif et va causer beaucoup de dégâts au secteur du TIR au national.

Le secteur fait également face à de grands ennuis sur les routes espagnoles à cause du blocage effectué durant plusieurs semaines par les agriculteurs. Peut-on déjà estimer les pertes coté marocain aussi bien pour les entreprises qui exportent que pour les transporteurs ?

La campagne agricole cette année a été fortement impactée par les conditions météorologiques défavorables, les manifestations des agriculteurs en Europe qui ont dégradé plusieurs chargements de produits agricoles marocains n’ont pas arrangés les choses, on peut dire que le secteur du TIR frigorifique vit une année très difficile et que des mesures doivent être entreprises pour aider les opérateurs du secteur à dépasser ces difficultés.

A votre avis comment doit réagir le gouvernement marocain pour que ce genre de situations cessent d’exister ou au moins diminuer drastiquement ?

La réforme du secteur du TIR est annoncée depuis longtemps mais sans jamais voir le jour, aujourd’hui il est plus que temps qu’un véritable contrat-programme soit élaboré et mis en œuvre dans le cadre d’un partenariat public privé.

Avez-vous donné des propositions dans ce sens?

Nous avons comme professionnels transmis des propositions concrètes à la tutelle concernant la mise à niveau du secteur, sa digitalisation et le renforcement de sa compétitivité. Il y a de réelles opportunités d’investissement et de création d’emplois dans le secteur du TIR si une véritable politique volontariste est engagée par les pouvoirs publics.

Dans les rencontres que vous organisez au sein du Club OEA, vous évoquez les principaux problèmes auxquels font face les entreprises marocaines exportatrices. Quels sont à votre avis les entraves auxquelles font face ces entreprises et qu’il faudrait rapidement résoudre ?

Les entreprises exportatrices pointent surtout du doigt le manque de compétitivité de la logistique, si des efforts importants ont été consentis ces des dernières années malheureusement nous n’avons pas pu suivre le rythme de croissance de nos exportations qui ont évolué plus rapidement, si des réformes majeures dans le secteur logistique ne sont pas entamées rapidement nous allons au devant de graves difficultés. Il faut que l’ensemble des acteurs publics et privés se mettent à table pour discuter des solutions plutôt que de pointer les problèmes, au sein du Club OEA du Maroc nous avons toujours plaider pour une Taskforce logistique public privé.

Propos recueillis par Abdeslam REDDAM