Multiplication et gestion des parapharmacies: «Je pense que c’est un crime dans tous les sens»

«…Je suis une personne assez simple qui a toujours refusé de travailler dans l’image classique de la pharmacie-épicerie…»

Docteur en pharmacie, basée à Tanger, Yasmina Homrani est sûrement la pharmacienne la plus «Instagramable» au Maroc. Ses amis et clients saluent en elle cet effort considérable qu’elle réalise chaque jour pour les informer de tout ce qui est en relation avec leur santé et bien-être.
Dans cette interview, elle explique pourquoi elle a choisi cette manière qui l’a rend si distincte.

Vous êtes pharmacienne et vous vous distinguez sur les réseaux sociaux et les médias en présentant d’intéressantes capsules et des lives où vous abordez différents sujets relatifs à la santé, aux soins de beauté, au sport, etc.
Pourquoi avez-vous choisi cette méthode de communication pour approcher vos clients?

Je pense que les médias ne sont pas le futur mais plutôt le présent. Je me soucis énormément de ce que les gens font de leur santé, souvent des maladresses qui peuvent avoir des conséquences fatales, mais il n’y a pas assez d’information, car plusieurs choses sont prises comme évidentes tandis qu’elles ne le sont pas.
C’est évident qu’être connecté aux réseaux sociaux est devenu si indispensable que l’air qu’on respire, alors rien de mieux pour faire passer des messages.
Peut-être ce qui rend mon profil un peu différent c’est que j’essaye d’avoir un langage très fluide, loin des mots techniques et adaptés à tous les niveaux. Je fais un effort pour que presque tous mes posts soient carrément en «darija» avec mon accent tangérois auquel je reste très fidèle.
Mon but n’est pas de montrer aux autres que je sais beaucoup mais plutôt de partager avec eux ce que je sais.

Vous aimez également vous montrer personnellement en photos et vidéos que vous partagez volontiers sur fb et Instagram.
Vous mettre en exergue ainsi vous aide-t-il a être suivie et écoutée par un nombre plus important de personnes?

Je poste mes photos, je me montre telle que je suis sans afficher jamais ma vie personnelle car c’est quelque chose de sacrée pour moi. Je le fais car les gens qui me suivent ont le droit de voir que je suis une personne comme eux, avec une vie très normale, qui part travailler tous les jours, et que je n’ai pas besoin de voyager au Maldives ou porter un sac hyper cher pour être bien dans ma peau. Malheureusement le moral de plusieurs personnes est souvent touché par si leur vie est «instagramable» ou pas, surtout les jeunes. Je poste des photos avec mes vêtements de tous les jours, devant une maison abandonnée de la Médina, peu importe. Ce que je veux transmettre comme message c’est que c’est à nous de rendre nos photos belles avec l’énergie qu’on peut dégager. On a tous des problèmes mais on doit chercher des instants de bonheur dans notre quotidien.

Pensez-vous que ce rôle que vous assumez parfaitement devrait aussi être celui de bien d’autres professionnels du secteur de la santé, pour conseiller correctement les citoyens, sachant qu’il existe beaucoup de charlatans qui induisent les gens en erreur et leur vendent des mensonges sur YouTube, entre autres réseaux sociaux?

Je ne pense pas que ça devrait être leur rôle mais plutôt leur obligation. Quand on choisi d’avoir des enfants automatiquement on choisi de les protéger. Avec le métier c’est exactement la même chose. Chaque professionnel devrait donner de son temps pour protéger les gens de ces pseudo médecins, pseudo pharmaciens, pseudo avocats, etc., car le fait de ne pas réagir est une façon de laisser sa communauté à l’abri et en recherche d’information qui sera proposée par de charlatans sans conscience.

Quel est votre avis sur la multiplication des magasins de parapharmacie en dehors de la gestion exercée par des pharmaciens? Quel est votre opinion sur la gestion de cette activité et comment faudrait-il la réorganiser si vous pensez que cette gestion laisse à désirer?

Je pense que c’est un crime dans tous les sens. On néglige souvent l’importance des produits cosmétiques car c’est juste à appliquer sur la peau et non pas à avaler. Mais on oublie que la peau est l’organe le plus grand de notre corps et qu’on ne pourrait pas vivre sans, même si tous les autres organes sont en parfait état.
Pour ouvrir une Parapharmacie (et cela me dérange énormément que le mot «pharmacie soit inclus dans cette dénomination…) on n’a besoin que de l’argent, aucune formation n’est nécessaire. Une personne qui vend des croissants dans une boulangerie peut se retrouver à conseiller une femme sur une crème dépiguementante qui peut mettre en risque sa grossesse sans le savoir. On pense qu’une crème peut au max créer une irritation mais c’est faux.
Je pense que les gens se laissent attirer par les promos et la pub et l’idée généralisée que les para sont moins chers, et pourtant ce qu’elles font souvent est d’augmenter le prix initial pour que la remise soit attirante. Je pense qu’il faut fidéliser sa pharmacie et si on pense que le prix d’un produit diffère beaucoup par apport à ailleurs il faut le dire au pharmacien. D’une part cela va vous permettre de tout acheter dans votre pharmacie et, d’une autre, d’informer ce pharmacien qu’il existe moins cher ailleurs.

A part la partie «Conseils» qui fait un joli buz, comment raconter Yasmina Homrani, la personne. Ses autres hobbies, ses lectures préférées, sa vie en famille et avec les amis?

Je suis une personne assez simple qui a toujours refusé de travailler dans l’image classique de la pharmacie-épicerie, donc pour moi cela devait être un endroit où les gens se sentent à l’aise, rassurés et en confiance, raison pour laquelle même la déco de ma pharmacie sort de l’ordinaire.
Je suis une passionnée de l’écriture, j’adore lire surtout des bouquins de psychologie et de sociologie. Je me retrouve énormément dans la communication, les conférences, les formations, pouvoir transmettre aux autres ce que j’ai pu apprendre de la vie.
Dans les médias je me sens très dans ma sauce, je m’éclate.
J’ai une chienne qui apparaît souvent dans mes photos car elle est mon trésor que j’adore.
Ma vision sur ce que j’aime et je veux faire de ma vie est très claire et je n’abandonne pas mes objectifs. Je suis assez déterminée et ambitieuse et je traite les autres comme j’aurais souhaité être traitée. Je pense que dans la vie on doit utiliser les pierres qu’on nous jette pour construire un château, pas pour bloquer nos roues.

Propos recueillis par Abdeslam REDDAM