Quand on visite le nouveau musée de Dar Niaba, on a cette impression du “déjà vu”. Le musée est, en effet, une copie collée des autres musées récemment ouverts au sein de l’ancienne Médina de Tanger. Rien de nouveau. Rien de très particulier. Sauf une seule chose: ces tableaux en mosaïque presque “volés” du hall d’un bâtiment de l’avenue Hassan II et accrochés sur les murs de Dar Niaba sentant encore une peinture toute fraîche.
A Dar Niaba, le visiteur doit être amateur de la peinture pour apprécier l’offre, sinon il ne va pas trop aimer. Car le nouveau musée, à part une carrosse et un ou deux objets ne présente que peu d’intérêt. C’est sûrement pour cette raison que les autorités responsables ont préféré le nommer “maison de l’artiste”. En faire au fond une galerie d’art parmi d’autres. Une galerie/musée.
Car un musée a aussi pour mission de raconter une partie de l’histoire de la ville où il se trouve. Et précisément, Dar Niaba, à elle seule, est longue histoire à raconter et à protéger.
Voici, pour les responsables qui gèrent les affaires culturelles de Tanger sans bien connaître l’importance de son passé, un aperçu relatif à l’histoire de ce bâtiment. Une histoire qui mérite la lecture et la réflexion.
«A partir de 1850, Tanger reçoit de plus en plus d’étrangers: britanniques, espagnols, français, portugais, italiens…
Le Makhzen, éprouvant le besoin de contrôler l’arrivée des délégations étrangères à Tanger, y établit en 1851, Dar Niaba dans la rue des Syaghine qui devient alors un rouage essentiel de la diplomatie marocaine. Le Mendoub représentait le Sultan dans la ville et constituait l’interlocuteur principal des consuls des grandes puissances européennes. En 1856, un important traité anglo-marocain de libre échange commercial est signé. Les britanniques créent un service postal en 1857, imités ensuite par les français et les espagnols. Une liaison télégraphique est également établie avec Gibraltar, Ceuta et Algésiras.
Pour la première fois dans l’histoire du pays, Moulay Abderrahmane décide de déléguer la gestion des Affaires étrangères à un na’ib (représentant) du sultan qui résiderait, non dans la capitale, Fès, mais à Tanger où se trouvent les représentations diplomatiques et consulaires des puissances européennes. Choix judicieux car, au lieu d’attendre que ces puissances demandent l’ouverture d’ambassades ou consulats dans la capitale du pays -une éventualité qui serait fâcheuse à plus d’un titre-, le sultan décide de devancer l’évolution des choses en cantonnant l’activité diplomatique, et les affaires des ajnas en général, dans un port du nord, loin du siège du gouvernement.
En 1848, le premier na’ib nommé, Bouselham Aztut, est encore gouverneur de Larache et des provinces méridionales. Mais, à partir de 1854, Mohammed Al Khatib se consacre exclusivement aux Affaires étrangères. Désormais, la «Dar al niaba al sa’ida» s’installe à Tanger, et jusqu’à l’établissement du protectorat en 1912, aura le monopole des relations avec les puissances étrangères.
Certains historiens ont voulu voir dans la création de cette institution un acte audacieux de la part du sultan et une volonté de réformer le Makhzen en le dotant d’un appareil moderne pour la gestion des Affaires étrangères».
Le musée de Dar Niaba aurait été plus intéressant s’il était utilisé pour raconter cette partie de l’histoire de Tanger. Ces événements qui y ont eu lieu durant cette époque et bien d’autres évènements qui se sont déroulés à Syaghine, la première rue diplomatique de Tanger.
Mais il est clair que personne ne veut valoriser cette importante histoire. L’objectif étant d’effacer la mémoire de la ville.