Le déplacement des collaborateurs engendre toute une gymnastique de comptabilisation et de remboursement des frais de mission. Pour ce faire, les entreprises ont le choix entre le remboursement sur la base de note de frais ou des forfaits. Les deux méthodes peuvent tout aussi bien être utilisées comme motivation.
Pour l’ensemble des métiers, où le travail se fait essentiellement en dehors des bureaux, la problématique du traitement des notes de frais est très délicate et ce, à plusieurs niveaux. Les gestionnaires des services financiers et comptables se retrouvent entre le marteau de la satisfaction des besoins élémentaires et accessoires des cadres et agents en mission et l’enclume de la vérification de la véracité des dépenses listées et l’authenticité des pièces justificatives systématiquement présentées. La problématique des notes de frais se pose, dans un premier temps, chez les cadres VRP. Il s’agit principalement des responsables commerciaux, des gestionnaires de réseaux de ventes, des ingénieurs chefs de mission et bien d’autres fonctions, qui diffèrent en fonction du secteur d’activité et de la taille de l’entreprise. La problématique se pose avec encore plus d’acuité pour les métiers de vadrouilleurs par excellence. Il s’agit principalement des délégués médicaux chez les laboratoires pharmaceutiques, des chefs de chantiers dans les entreprises de BTP… Pour ces métiers, ce n’est pas une gestion ponctuelle mais quotidienne des notes de frais, qui n’est pas de tout repos pour les services comptables et financiers de l’entreprise.
RISQUE DE GONFLEMENT
D’autant plus qu’il n’y a pas uniquement des personnes de bonne foi parmi les vadrouilleurs. Il n’est pas rare, en effet, que des collaborateurs sans scrupules cherchent à gonfler leurs notes de frais pour arrondir leur fin de mois. Il se raconte même, dans les milieux professionnels, que certains collaborateurs en déplacement font tout pour se procurer le maximum de remboursement indu, avec des pièces justificatives fictives, souvent non vérifiées. Pour toutes ces catégories de collaborateurs, il faut mettre des garde-fous. Par exemple, le paiement des frais d’hébergement et de restauration avant le départ, assurera un niveau de confort suffisant au cadre, qui se concentrera sur sa mission première, celle de développer le business, sans se soucier de la logistique. Encore faut-il trouver un juste milieu, car si l’on avance les frais de déplacement, mais pas assez, le cadre perdra du temps à chercher le restaurant et l’hôtel le moins cher, au lieu de se concentrer sur sa mission.
DEUX TYPES DE NOTES DE FRAIS
Pour arriver à cet équilibre, deux principales méthodes sont utilisées. La première procédure n’est autre que le remboursement sur la base des pièces justificatives. Cela s’appelle dans le jargon comptable, le remboursement «au dirham le dirham». Il s’agit tout simplement, pour le collaborateur, de payer de sa poche l’ensemble des dépenses liées à sa mission. A son retour, il est remboursé sur la base de pièces justificatives présentées au comptable. Qu’en est-il des missions qui nécessitent d’importantes dépenses ? Il s’agit, en l’occurrence, des voyages à l’étranger. Pour ce genre de voyages, la pratique consiste à avancer un montant pour couvrir les dépenses du séjour ; l’excèdent ou le déficit étant rendu ou remboursé sur la base, encore une fois, de pièces justificatives. Deux problèmes se posent pour ce dernier. Le premier est celui des indemnités ki¬lométriques, dont bénéficient les cadres qui se déplacent avec leurs propres véhi¬cules. Le seul référentiel qui existe pour ces dépenses est celui de la CNSS. Ra¬res sont les conventions collectives qui mentionnent ce point dans leurs textes. Aussi, chaque entreprise fixe son propre référen¬tiel en fonction de ses procédures. Le second problème est celui de la vérification de la véracité des pièces justificatives présentées. Les compta¬bles méticuleux vérifient les dates, les heures et les montants et les compa¬rent aux usages reconnus lors des déplacements. A titre d’exemple, un péage d’autoroute effectué dimanche matin ne semble pas entrer dans le cadre d’une mission professionnelle. La seconde méthode de couverture des frais de mission est celle des forfaits. Pour ne pas trop se casser la tête à vérifier la véra¬cité des pièces justificatives, la direction fixe des montants mensuels versés aux cadres et non cadres, aux fins de couvrir leurs divers déplacements. Cette métho¬de est principalement dédiée aux cadres mobiles. Généralement, ces forfaits ne sont pas versés en nature. Ils sont plu¬tôt souvent matérialisés par des cartes de carburants, de péage d’autoroute…
MOTIVATION NOTABLE
Que ce soit au forfait ou «au di¬rham le dirham», le remboursement des notes de frais dépasse sa fonction pure¬ment comptable, car il constitue incon¬testablement un moyen de motivation, voire de promotion. Au fur et à mesure que le cadre évolue dans la hiérarchie, le montant du forfait augmente, les éta¬blissements fréquentés (hôtels et restaurants) lors de ses missions sont, dès lors, de catégorie plus élevée dans le système « au dirham le dirham ». Les salariés en bas de la hiérarchie ne semblent pas profiter de ce système. Il s’agit principalement des chauffeurs, des coursiers et des autres camionneurs, qui bien qu’ils soient appelés à effectuer des déplacements quotidiens, n’ont pas le droit à un confort de même standing. Il ne s’agit pas là d’une forme de discrimination, mais plutôt d’un souci de cohérence avec le statut de chaque personne de l’entreprise. Comme cela est d’ailleurs le cas dans toutes les entreprises à travers le monde.
Par Mohamed LAHYANI
Expert-comptable & Commissaire aux comptes diplômé d’Etat à Paris.
Membre de l’Ordre des Experts-comptables au Maroc et en France.
Fondateur du cabinet Audit & Analyse Tanger www.audit-analyse.com
Président de la commission Etudes Fiscales & Juridiques du Conseil Régional de l’Ordre des Experts-comptables de Tanger Tétouan Al-Hoceima.
Auteur de nombreux ouvrages en: fiscalité, audit, finance, comptabilité, évaluation des sociétés, consolidation, contrôle de gestion…