La Dépêche revient avec Mokhtar Mimoun, architecte et président du Conseil régional de l’Ordre des architectes-Tanger, sur les causes du dangereux incendie qui avait ravagé, le 23 février, un grand immeuble à Valence, en Espagne, à cause du produit utilisé dans l’isolation thermique. Un incendie qui s’était propagé très rapidement, ravageant en quelques minutes tout le bâtiment.
Au Maroc, les nouvelles constructions sont-elles sécurisées et les normes sont-elles appliquées et respectées. Voici les réponses du grand professionnel.

L’incendie qui a ravagé  l’immeuble à Valence, il y a 3 semaines, a remis en question les lois qui organisent le secteur de la construction dans toute l’Espagne. Est-ce que cet incident vous a surpris ou ces dangers potentiels étaient bien prévus chez les professionnels du secteur?

Le sinistre survenu à Valence est dû, il me semble, à une propagation très rapide à tout un immeuble d’un incendie localisé dans un appartement. Le produit combustible mis en cause est l’isolation thermique, probablement en mousse de polyuréthane, appliqué en façade de cet édifice. Ce produit est non seulement combustible mais il dégage aussi des gaz toxiques qui peuvent entre létaux s’ils sont inspirés en grandes quantités. Ce qui est en cause c’est la méthode de pose en extérieur dans un vide ventilé protégé par un composite à base d’aluminium. C’est ce vide ventilé entre la maçonnerie de l’immeuble et les panneaux en composite qui a alimenté en oxygène le feu initial et l’a fait se propager si rapidement. C’est une première constatation qu’on peut faire en attendant les expertises en cours actuellement.

Finalement ces mêmes matériaux utilisés pour la protection de l’environnement dans la construction des nouveaux bâtiments ont été la source directe de la propagation de l’incendie (plastique,  aluminium,  etc.) Et au Maroc, dans les nouvelles constructions, on utilise aussi ces matériaux en grande quantité. Vous en pensez quoi en tant que professionnel?

Les normes marocaines relatives au bâtiment existent mais elles ne couvrent pas encore ni tous les matériaux, ni leur mode de pose. Les professionnels font généralement appel à des normes internationales, dont les européennes et françaises. Parmi les documents de référence on peut citer les Documents Techniques Unifiés (DTU) que nous sommes amenés à consulter souvent pour la mise en œuvre de matériaux divers dont les revêtements de façade.
C’est l’occasion de recommander au public en général, les promoteurs en particulier de faire appel à des professionnels confirmés pour la conception et la mise en œuvre de ces revêtements.
Par exemple les revêtements comme les marbres ou les grés ne peuvent être simplement collés en façade. Il doivent être fixés mécaniquement selon des normes précises. Les tôles et les panneaux composites doivent aussi être posés selon des normes qui sont d’autant plus sévères que l’édifice est haut. Et que les conditions climatiques de la zone, notamment le vent, connaissent des enregistrements extrêmes.

Pensez-vous qu’il existe aussi une urgence de réviser le code régissant le secteur de la construction au Maroc concernant les moyens d’assurer une meilleure sécurité pour éviter ou au moins minimiser les dégâts dans ce domaine?

Il est nécessaire, pour assurer la sécurité de nos constructions, que la chaîne de conception, contrôle, mise en œuvre et réception de nos constructions suive les meilleurs standards de qualité internationaux. Surtout au moment où on réalise des bâtiments de grande hauteur et qu’on utilise des matériaux et des techniques nouveaux.
Ceci met en évidence la question non seulement de la formation de base des professionnels, de la nécessité pour les jeunes architectes de suivre des stages auprès de leurs confrères confirmés, des architectes moins jeunes de se prêter à la formation continue, aux instances professionnelles comme l’Ordre des Architectes d’organiser et coordonner tout cela.
Et à l’Etat de mettre en place les textes juridiques et réglementaires et mobiliser les ressources financières pour atteindre les objectifs de professionnalisation et de sécurité que nous cherchons tous.

Propos recueillis par Abdeslam REDDAM