Femme courageuse Nafissa Mchich Alami adore les grands défis que la vie ne cesse de lui présenter.
Son secret: un jour, très jeune encore, elle avait juré de tout réussir !

Bio.
Née à Tanger, Maître Nafissa Mchich Alami est avocate, vice-présidente au Conseil communal de Tanger, past présidente du Lions Club Tanger Montagne, membre du conseil national du parti de l’Istiqlal et ancienne conseillère au cabinet du ministre Nizar Baraka..

Maître Nafissa Mchich Alami, vous êtes avocate au barreau de Tanger, vice-présidente au Conseil Communal et membre très active du parti de l’Istiqlal. Mais avant tout, vous êtes une femme aux multiples expériences dans sa vie privée et professionnelle. A quel point le cumul de ces expériences a-t-il forgé votre personnalité et votre parcours dans la vie?

Les gens qui me connaissent savent que ma vie, depuis mon jeune âge, a été faite d’une longue série de défis et d’expériences. J’ai passé de longues années à combattre et à lutter contre les aléas de la vie, ce qui m’a énormément aidé à me forger, à construire solidement ma personnalité et à savoir gérer le temps, les problèmes, ma famille et mon entourage proche.
Quand mon papa s’était fatigué, j’ai tout de suite retroussé les manches pour qu’il n’y ait aucun déséquilibre dans notre famille.
Je suis ainsi devenue le «patriarche» de ma famille, la grande et la petite, alors qu’au fond j’étais encore assez jeune.
Cette situation était le grand défi de ma vie. Je n’avais pas d’autres choix. Je devais réussir, tout et à chaque fois.
A partir de là, je me suis jurée de ne pas échouer. J’avais ma mère à protéger, mais aussi mes deux filles à préparer intelligemment pour qu’elles sachent, plus tard, gérer elles-mêmes leurs propres vies.
Pour assurer toutes ces responsabilités, j’avais décidé de mettre en mode «pause» mes propres objectifs personnels. Devenir avocate, comme l’a été mon père, entre autres rêves, n’avait plus la priorité dans ma vie. D’abord c’était mes filles et ma famille. Ce n’est que plusieurs années plus tard et après avoir créé et géré plusieurs sociétés dans divers domaines d’activité, que j’ai décidé de faire le pas dans la réalisation de mes propres objectifs dans la vie. Mes objectifs personnels.

En plus d’être un défi personnel, devenir avocate est-il en quelque sorte un hommage à votre père qui l’était aussi à Tanger?

Effectivement. Mon père était mon autre âme et mon unique soutien dans la vie. Quand il est décédé, c’est à ce moment que j’ai réellement senti à quel point, sans lui, la vie était très dure. Et pour une jeune femme, maman de deux filles et ayant une famille à protéger, croyez moi, la vie n’était en roses pour moi.
Oui, devenir avocate et reprendre le bureau de mon père est mon hommage spécial à ce grand avocat et militant, mais surtout père de famille.
Un mois après son décès, je suis revenue à la faculté de droit de Tanger pour y avoir ma licence me permettant de faire le premier pas dans ce secteur.
Je me rappelle, quand j’étais jeune et j’en parlais avec mon père, il était toujours contre que je le deviennes un jour. Il était un grand visionnaire et savait très bien comment aller devenir ce métier plus tard. Et actuellement, nous sommes en train de vivre exactement cette même situation dont il me parlait il y a presque 30 ans.
Au fond, je ne pouvais pas ne pas devenir avocate. Encore très jeune, dans son bureau, je dévorais les livres de droit, les lois, etc. Chez-nous, c’était le thème central de nos débats et discussions…
Mon père, indirectement, me préparait à être responsable, comme s’il savait que j’allais avoir d’énormes responsabilités à assumer plus tard toute seule.
En résumé, je suis la suite du parcours de mon père qui, pour rappel, était à l’origine, avec d’autres intellectuels de la ville, de l’initiative visant la création de la faculté de droit à Tanger.

Quel est votre avis sur les problèmes qu’affrontent les avocats concernant la situation fiscale, l’accès au concours national? Que proposent les avocats marocains pour régler ces litiges avec le ministère de la justice?

Concernant ce sujet d’actualité, il faut absolument éclaircir certains malentendus, voire même des idées fausses qui circulent au nom des avocats marocains.
D’abord concernant le refus du concours donnant accès à la profession, il faut rappeler que personne n’est contre ce concours, ou contre le fait que des jeunes candidats puissent avoir naturellement accès à la profession. Tout le monde sait qu’il s’agit là de rumeurs créées pour diaboliser les avocats.
Mais la vérité est autre. Ce que les avocats marocains veulent et demandent depuis quelques années déjà, c’est une nouvelle révision de la loi organisant la profession de l’avocat, des statuts réglementaires de l’Institut de formation des avocats, etc.
On attendait cette révision depuis l’année dernière et le gouvernement n’a rien fait encore dans ce sens. Aujourd’hui, les syndicats ne peuvent plus assumer tous seuls leur rôle de formation, de stages, etc., sans la moindre participation du gouvernement.
L’autre problématique de la profession réside dans les champs d’intervention des avocats au Maroc qui sont devenus très restreints. A lui seul, c’est un chantier énorme qu’il faut réviser et étendre davantage afin que tous les avocats puissent travailler convenablement.
Si la concurrence est trop rude actuellement, comment serait-elle quand on aura 5000 ou 6000 nouveaux jeunes avocats cette année et d’autres l’année suivante…?
Ainsi, ce qu’on demande au gouvernement ce n’est pas d’annuler le concours, mais de résoudre certains problèmes liés au métier de l’avocatie pour que tout le monde travaille convenablement.
La deuxième partie du bras de fer actuel concerne les taxes à payer à l’Etat. Et là, j’ai une seule phrase à dire pour résumer la situation. Un avocat ne vent pas une marchandise ou un produit. Son champ d’intervention est «humain» et social. Et la TVA a été créée pour taxer les marchandises. Donc là aussi, il faut tout revoir et trouver d’autres solutions. Donc, il faut dialoguer, discuter et non pas décider et imposer.
Rappelons nous d’une chose très importante. Quand SM le Roi Mohammed VI a porté la toge des avocats c’est le signe royal que cette profession est noble et doit le rester.

Vous êtes également vice-présidente du Conseil de la commune de Tanger et présidente de la commission culturelle qui est d’une extrême importance.
A Tanger, la vox populi dit que la commune et les arrondissements, un an après les dernières élections, n’ont réalisé aucun projet pour améliorer les services dont elles sont responsables. Quelle serait votre réponse et comment justifier l’inaction des élus, voire leur impuissance à réagir?

Déjà pour parler du Conseil communal actuel, il faut préciser que les populations locales demandait un changement à partir des urnes et le changement a eu lieu.
L’actuel bureau est constitué de jeunes, hautement diplômés (tous) et ayant passé de longues années dans les milieux associatifs.
Maintenant, je vais expliquer pourquoi certains citoyens pensent que ce bureau, un an après son arrivée à la Commune n’a rien encore réalisé. La vérité, c’est tout à fait normal et logique. Cette équipe avait d’abord besoin de temps pour «liquider» tous les anciens dossiers légués de l’ancien bureau et ces affaires étaient tellement nombreuses qu’il nous a fallut une année entière pour remettre de l’ordre.
Dans la réalité, notre véritable mandat ne commence que le 1er janvier 2023.
Nous aurons notre premier budget également et en passant aux choses sérieuses, les citoyens pourront alors juger notre efficacité.
Actuellement, nous préparons le plan d’action communal à partir duquel nous allons cibler les projets que notre ville mérite pour son développement.
En plus d’être vice-présidente au Conseil communal, je suis également présidente de la commission «Culture» et croyez moi, cette commission est d’une importance vitale pour les populations.
Notre nouvelle vision pour développer ce secteur si important est d’investir dans le facteur humain. Aider les citoyens à savoir développer une nouvelle identité culturelle en le formant notamment dans des concepts comme la liaison entre la culture et le droit ou le droit de la culture.
Un concept peu connu encore à Tanger et même sur le plan national.
Nous mettrons aussi l’accent sur la culture comme moyen de diplomatie parallèle qui aide énormément au développement d’une ville et à son rayonnement à l’extérieur.
Et puis, nous allons tout faire pour que ce slogan «la culture pour tous» soit véridique.
Il est en effet une bonne chose d’avoir deux ou trois expositions artistiques par semaine à Tanger, mais la culture ce n’est pas que des tableaux. La culture ce sont aussi les livres, les livres pour enfants, le théâtre et plein d’autres activités que nous comptons soutenir et développer, surtout dans les zones périphériques où le mot «culture» n’existe presque plus.
Pour réussir cet objectif, nous avons intégré les 4 arrondissements dans ce chantier, de manière à ce qu’une manifestation soit organisée en même temps dans les quatre arrondissements.

Quels seraient à votre avis les moyens efficaces pour améliorer les actions des institutions communales? Juste avoir plus de moyens financiers, ou s’agit-il même d’une révision totale des attributions réservées à celles-ci ?

Le problème du budget est posé au niveau national et ce n’est pas une caractéristique propre à Tanger. La ville ne cesse de grandir chaque année, prenant des dimensions gigantesques, mais le budget de gestion réservé à la commune est toujours le même. Il n’a pas changé. Devant cette situation fatale, il ne faut pas s’attendre à un miracle et il ne faut pas blâmer le conseil communal. C’est mathématique. Sans un budget, on ne va pas avancer.
Mais dans la gestion d’une ville il y a aussi le facteur humain qu’il faudrait savoir mieux choisir et mieux préparer dès le départ (au sein des partis politiques). Quand on gère une ville, il faut oublier pendant tout le mandat sa couleur politique et partisane et travailler la main dans la main pour réaliser le maximum d’objectifs pour la cité et ses habitants.
Et puis finalement et c’est aussi essentiel pour la ville, il est devenu en effet urgent de revoir les attributions des communes qui sont très limitées. Sans oublier qu’à la commune de Tanger, nous avons un manque terrible de cadres et employés. Petit exemple: à peine 4 personnes s’occupent de la gestion des affaires culturelles d’une ville où le nombre des populations locales dépasse de loin le million.

L’autre facette de votre vie active tourne autour du Lions Club. Une magnifique expérience qui vous a également forgée. A quel point exactement ?

Le Lions Club, c’est le résultat logique du militantisme où j’ai grandi. Comme déjà dit au début de cette interview, petite encore, j’ai accompagné mon père dans toutes ses actions et réunions qu’il organisait chez nous. Je n’allais pas jouer à la poupée ou dormir. Je regardais faire et j’écoutais ce que les grands disaient.
Il était tout à fait naturel que plus grande je me donne corps et âme à l’action sociale. Cela fait presque 20 ans que je suis membre du Lions Club où je me ressource de force, de volonté et de beaucoup d’inspirations.
Quand on a affaire à des petits enfants démunis qui ont besoin d’insuline pour continuer à vivre comme les autres enfants, à jouer et à aller à l’école, croyez moi vous avez une volonté en fer pour trouver cette insuline à cet enfant.
Le Lions Club a été ma seconde école de la vie et je suis fière et reconnaissante à cette merveilleuse grande famille.

En dehors de votre famille et de votre réussite professionnelle, qu’est-ce qui rend véritablement fière Nafissa Alami?

Mes amis, femmes et hommes et de tous les horizons. J’aimerais être claire sur ce point. Souvent durant de longues périodes de ma vie, surtout durant ces périodes difficiles, sans certains amis j’allais très souvent lâcher et tout abandonner.
Il y a eu des moments assez difficiles, même insupportables, durant lesquels un(e) ami(e) était fort heureusement là pour me rediriger vers le la bonne décision ou le bon chemin que je devais prendre.
En plus du rôle de mon père dans l’organisation de ma vie et les choix à faire, j’ai eu des amis qui étaient présents à l’endroit et au moment qu’il le fallait, exactement comme des anges que Allah a mis sur mon chemin pour me guider, me conseiller et m’accompagner.
Ma vie sans ces amis allait être une autre vie. C’est la pure vérité.