Par Chemseddoha Boraki
C’était une belle expérience cet été que de sillonner le Maroc avec le programme «Autonomisation des femmes aux rôles de leadership dans la région Mena : Jordanie , Maroc, Tunisie» financé par le Forum des fédérations dans le cadre de l’Académie Politique pour accompagner des femmes potentiellement candidates aux élections du 08 septembre 2021 et les former en communication politique, en communication non violente et en gestion de la campagne électorale. Plus d’une soixantaine des femmes accompagnées par mes collègues et moi ont réussi le pari et sont élues à Moulay Yacoub, à Figuig, à Zagora, à Essaouira, à Martil, à Nador , à Fès, et dans d’autres régions encore .Villes et villages vont faire l’expérience de la gestion de la chose publique au féminin.
C’est une belle expérience car elle confirme que la représentativité politique des femmes est sur la bonne voie au Maroc.
C’est une belle expérience surtout car elle prouve l’ancrage de la démocratie ne réussir sans la reconnaissance institutionnelle du rôle joué par ce Leaderes des régions qui au quotidien œuvrent pour le changement des comportements et élargissent la pratique de la justice sociale pour les femmes, mais aussi pour d’autres catégories sociales.
C’est devenu une tradition pour certains journaux ou hebdomadaire de fêter chaque année les femmes les plus influentes dans les capitales. Certainement qu’elles contribuent au changement de la société mais le changement apporté par les leaderes des régions dans leur entourage direct doit aussi être reconnu et visibilisé à longueur de l’année. Non par souci de publicité mais parce qu’en racontant leurs histoires, il est possible de se rend compte à quel point la société marocaine a changé et combien, en restant focalisé.es sur l’axe Rabat Casa Fes, on contribue à donner raison aux personnes qui croient encore que le Maroc roule à deux vitesses, que le droit coutumier doit prendre le pas sur le droit positif dans certaines régions du Maroc, qu’ il y a des inégalités culturelles qui peuvent justifier les inégalités sociales et économiques au Maroc d’aujourd’hui. Les personnes qui pensent comme cela perpétuent des stéréotypes et s’attribuent un pouvoir qui fait mal au développement de la société.
Les femmes que nous avons accompagnées tout au long du processus du programme sus-cité ont des positions au sein d’une structure familiale ou/et professionnelles, se déplacent d’une position à l’autre, voyagent dans un espace restreint en quête d’un objectif ; réaliser le bien être de leur entourage direct avant de satisfaire leur désir.
Saadia, drapée de blanc, portait le deuil de son mari quand elle était venue vers nous. Elle n’avait pas peur que son mari se retournât dans sa tombe. Elle savait que là où il était, il bénissait son acte. Se présenter aux élections était leur décision commune. C’est que Saadia, mariée de force à un homme plus âgé qu’elle , avait pesait sur son destin la première fois quand elle avait décidé de suive des cours d’alphabétisation dans la mosquée de son village situé à des kilomètres de la ville d’Essaouira. Un heureux hasard avait fait qu’un projet d’autonomisation économique avait débarqué dans son village. Elle s’y inscrivit. Entre son devoir familial, la corvée du bataille, ses obligaations sociales, elle trouva le temps d’apprendre à lire, à écrire, à compter, à se former avant de créer une coopérative familiale et de la diriger. Au fil du temps et des formation, elle apprit à prendre la parole chez elle puis en public , à définir ses priorités et celles de son village. L’épreuve principale survint quand grâce à l’Initiative du développement humain (INDH), elle avait pu développer la coopérative, élargir le marché de ses produits, recruter plus de main d’œuvre locale. Quand le village lui proposa de se présenter aux élections communales de 2015, Saadia connut son épreuve glorifiante.
Je vous concède que ces quelques lignes résument un parcours mais ne disent pas l’histoire d’une vie que seule la voix de la personne concernée saura porter , exprimer la ou les valeurs qui l’ont poussée à agir, évaluer son actions.
Elles sont nombreuses au Maroc qui, comme Saadia, jouent leurs rôles de citoyennes agissantes qui, en défendant les valeurs de l’égalité, de l’équité, changent les comportements. Quand ces femmes sont au cœur des structures institutionnelles, ce changement se fait plus efficace : à Zagora où l’appartenance ethnique est forte, le moindre changement a de l’importance. Dans cette ville, selon que la femme appartient à l’ethnie des chorfas ou des non chorfas, elle est obligée de porter à vie une melahfa, un pagne de couleur noire ou bleue. Comment pensez-vous qu’a réagi la communauté quand une de ses femmes a décidé de porter des chaussures rouges ? Quelles épreuves les femmes de l’Instance de l’Egalité et de l’égalité des chances du Conseil Régional de Zagora ont-elles traversé avant de pouvoir présenter six avis consultatifs au Parlement ? Il nous sera peut être donné de revenir sur les histoires de vies de ces Leaderes des régions.
L’augmentation de la représentativité politique des femmes lors des élections du 08 septembre 2021 révèle une substantielle unité culturelle du pays, et peut aller dans le sens de la réduction des inégalités régionales. Sommes-nous alors face à une révolution mentale ?
Quelle marge de manœuvre sera donnée aux femmes élues dans la gestion de la chose publique ?
Quelle part de créativité le leadership féminin apportera-t-il en politique ?
le suivi-évaluation de l’action de nos élu.es est aussi un devoir citoyen.