Qui sont-ils? Quel pouvoir ont-ils?
Un élu est une personne désignée par une élection, elle est nommée par voie de suffrage pour remplir une fonction et accomplir un devoir national ou corporatiste.
À la veille de la rentrée scolaire et à la fin de l’été, et toujours en pleine crise du coronavirus, chez nous au Maroc, ont lieu les élections communales (afin de renouveler pour 5 et 6 ans les membres des conseils communaux, régionaux, professionnels et législatifs). Au total ce sont des milliers de personnes qui vont être élues. Connaissons-nous ces futurs élus ? Leur niveau académique, ainsi que leur expérience sur le terrain (critère souvent négligé) ?
Pour les communales, et dans le cadre de la décentralisation, le nombre des communes est estimé à 1 538 (256 communes urbaines et 1 282 communes rurales). Le Bulletin officiel du 8 juillet lève le voile sur dix décrets adoptés en préparation des futures échéances électorales. Parmi ces textes, deux intéressent particulièrement le découpage électoral au niveau des arrondissements, provinces et préfectures. Avec la nouveauté de l’augmentation du nombre de sièges pour les femmes…ce qui laisse prédire une certaine idée de la parité en représentativité territoriale en genre et en nombre…
Qui va donc nous représenter au niveau territorial? Les connaissons-nous réellement ou surgissent-ils à la dernière minute derrière des slogans, sous la bannière des partis politiques et sur les réseaux sociaux?
Concernant les élections législatives, la nouveauté réside dans l’instauration, cette année, du quotient électoral, permettra selon une lecture politique basique de supprimer la prédominance d’un « parti unique », c’est à dire un parti qui domine la scène politique (avec 7% des voix potentiellement électeurs). Contrairement aux législatives, ce quotient électoral n’a pas été adopté pour les élections communales.
Rappelons aussi que le Maroc a adopté le multipartisme depuis son indépendance, ce qui a laissé la place à une certaine balkanisation du champ politique, qui compte à peu près 30 partis, à tel point que certains partis qui obtiennent des scores très serrés, parviennent difficilement à se mettre d’accord sur la formation du gouvernement.
Mais a-t-on véritablement besoin de tout cet arsenal pour asseoir la démocratie ? La démocratie, souvent liée à la voix de la majorité, n’est-elle pas parfois un “tue la démocratie” telle que rêvée de façon utopique? Combien coûte réellement la démocratie? Et combien coûte l’accréditation pour être « tête de liste » dans un parti politique?
Des questions souvent tabous auxquelles on ne trouve pas de réponses directes et honnêtes de la part des élus.
Ces derniers déboursent, en effet, des sommes pharamineuses (entre 200 000 dirhams en moyenne) et cela peut se chiffrer à plusieurs millions de dirhams pour avoir une accréditation et être tête de liste d’un parti politique, à défaut d’appartenir à une petite formation politique (ce qui reste une exception).
Les chiffres sont encore plus exponentiels quand il s’agit d’une candidature pour les législatives, ce qui nous renvoie à la question de la légitimité de l’élu et de son pouvoir. Une personne qui ne dispose pas de ces moyens de financement est-elle apte à représenter le peuple?
Pourquoi ces dépenses et ce financement de la campagne électorale si les postes à la clef à l’issu des élections sont bénévoles et sans salaire? Est-ce cela même la démocratie des peuples et la notion de la représentativité?
Ce système électoral est fait pour remplir certaines conditions dans le système de notation international relatif à l’indice de démocratie, qui stipule que les pays démocratiques sont ceux qui ont un indice entre 8 et 10 ; les démocraties imparfaites ont un indice entre 6 et 8 ; les régimes hybrides sont ces pays qui ont un indice entre 4 et 6 ; les régimes autoritaires sont les pays qui ont un indice inférieur à 4…
Tout cet engouement pour un classement? Alors, quelle définition donneriez-vous à la démocratie en dehors de ces carcans?
Il faut savoir que comme dans la vie politique, l’engouement pour les postes dans les groupements corporatistes est souvent similaire. Pour faire le parallèle, je citerai l’expérience électorale du conseil National de l’Ordre des Architectes. Là encore on a remarqué 4 groupes constitués à l’instar des partis et dont 2 ont fini représentés dans le bureau Exécutif. En temps « normal », dans la formation du bureau comme dans la formation du gouvernement, cette dernière devrait être inclusive de plusieurs sensibilités importantes (d’où le nouveau quotient électoral de 2021).
Là encore, il y a lieu de constater les différents statuts en jeu. Les élus ordinaux sont subdivisés en 3 catégories: un élu du bureau à qui la loi 16-89 confie la gestion quotidienne du conseil, un élu assesseur, et un élu suppléant qui, en principe, devrait pouvoir prendre part à l’activité du conseil, quand il est inclusif, et quand leurs points de vue sont pris en compte de manière décisive par la majorité. Autrement, refusant de faire de la figuration dans des réunions non statutaires, où sa voix n’est pas écoutée, un élu assesseur est légalement tenu d’assister uniquement aux réunions statutaires réglementaires, seule instance habilitée à engager les décisions du Conseil National de l’Ordre des Architectes, pour que son point de vue soit consigné dans des PV officiels, à défaut d’être pris en compte.
Ajoutons que le fonctionnement des instances ordinales coûte cher à la communauté des architectes (on parle de 70 à 80 millions de DH, par mandat de 3 ans -cnoa et croa cumulés- en l’absence de chiffres officiels).
L’efficacité d’un Conseil, comme d’un Gouvernement, est autant jugée sur ses résultats (positifs ou négatifs) que sur son coût de fonctionnement. D’où la nécessité de rationaliser les dépenses en limitant les déplacements et les rencontres physiques qu’on peut remplacer par des réunions virtuelles, à l’instar de ce qui se fait dans toutes les organisations modernes et développées. Ce cas est encore plus justifié en ces tragiques périodes covidéennes.
Au final tous ces moyens dépensés justifient-ils la fin vers un avenir meilleur? Et si la base avait plus de prérogatives pour faire entendre sa voix en dehors de ce système?
Soukayna BENJELLOUN