Tout montre que l’affaire COMANAV sera finalement résolue durant cette année 2021 ou au plus tard en 2022. Tous les ingrédients sont, en effet, reunis: la volonté des victimes qui sont plus solidaires, les nombreux médias qui reparlent de cette affaire, les syndicats qui s’intéressent de nouveau…
L’affaire COMANAV va sûrement exploser très bientôt. Pour comprendre la situation, M. Adnane Ouzzine explique cette affaire de A à Z.
Vous avez récemment tenue l’assemblée générale de l’association défendant les intérêts des marins et personnels victimes de l’affaire COMANAV et aussi un sit-in pour rappeler ces droits. Quels sont vos autres objectifs dans cette affaire?
Effectivement, il y a eu renouvellement du bureau de l’Association Marocaine du Personnel Naviguant et Sédentaire de COMANAV en date du 27 Juin 2021 où il convient de signaler que cette association a été créée le 05/08/2014. Encore faut-il savoir que cette association se joint au militantisme de l’Association Marocaine Maritime qui a été créée le 13/02/2021 dans le but de trouver une solution au dossier communément connu sous l’appellation de « l’Affaire COMANAV ».
Toutefois ces deux associations : l’Association Marocaine du Personnel Naviguant et Sédentaire de COMANAV (AMPC) et l’Association Marocaine Maritime (AMM) ont organisé conjointement une conférence de presse à Casablanca le 27 Juin 2021, où il a été porté au grand public l’ensemble des données afférentes à l’affaire COMANAV dont la privatisation remonte à 2007.
A ce propos, je vous prie d’insérer le lien suivant : https://drive.google.com/drive/folders/19Od3bBBd8CqU4eW6zXzmSyYxbZCJ9ItI?usp=sharing
Concernant le Sit-In, il a été organisé le 5 Juillet 2021 devant le siège de la société CMA CGM à Casablanca et il est important à ce juste de titre de préciser que cette manifestation syndicale pacifique a été organisé par le Bureau National de la Marine Marchande (BNMM) sous l’égide de l’Union Démocratique des Syndicats au Maroc (UDSM). Ce bureau syndical (BNMM) est l’entité légale pour pouvoir mener des manifestations pacifiques et autres et vous allez le remarquer dans le dossier de presse préparé pour les besoins de cette manifestation syndicale pacifique : Le BNMM est l’entité légale pouvant plaider dans les conflits collectifs du travail. Cependant le bureau syndical national en question a demandé la conciliation auprès de l’Inspection de Travail dans le ressort du siège de CMA CGM à Casablanca, pour solliciter ensuite l’intervention de la Commission Provinciale d’Enquête et de Conciliation (présidée par le Gouverneur de la Préfecture d’Arrondissements de Casablanca-Anfa). Enfin après écoulement des délais impartis à tout un chacun dans le traitement du conflit collectif, le bureau national de la Marine Marchande a sollicité l’intervention de la Commission Nationale d’Enquête et de Conciliation (présidée par le Ministre du Travail et de l’Insertion Professionnelle).
Pour rebondir sur votre question concernant les objectifs attendus de notre mobilisation, il convient de préciser que le sujet est épineux. Autrement dit si l’affaire COMANAV était une affaire simple, on aurait pu trouver des solutions depuis 2007. Or ni le gouvernement dans ce temps n’a pu trouver une solution à ce sujet ni les deux gouvernements qui se sont suivis respectivement en 2011 et 2016 n’ont parvenu à changer la donne. D’ailleurs parmi les slogans du Sit-In du 05/07/2021 : « Les gouvernements viennent un après un et la situation est la même (statu quo) ». Donc l’objectif ultime est de trouver une solution à ces 1356 salariés de la COMANAV abandonnés au vrai sens du terme.
Sentez-vous que vous aurez un interlocuteur sérieux pour vous écouter et agir enfin dans le bon sens?
Malheureusement non !
A commencer d’abord par la partie en cause et je parle de CMA CGM car il y a une nette distinction entre la responsabilité de la multinationale CMA CGM et la responsabilité de la société COMARIT dans cette affaire.
En dépit des multiples lettres recommandées avec accusé de réception et des courriels envoyés afin de trouver un terrain d’entente, aucun écho radar n’apparait sur nos écrans ! Encore faut-il savoir que ni l’inspecteur de travail ni la commission provinciale et encore moins la commission nationale des conflits collectifs de travail n’ont répondu à notre doléance de pourvoir les ayants droits du cahier de charges de privatisation de la COMANAV au profit de la CMA CGM.
Pouvez-vous nous éclaircir d’avantage sur la responsabilité de CMA CGM et de COMARIT dans l’affaire COMANAV ?
Quand on parle de CMA CGM, on parle d’une privatisation qui remonte à 2007. Cette privatisation doit bien obéir à des règles strictes et à un cahier de charges en conformité avec les lois en vigueur. On parle donc de la loi 39-89 concernant la privatisation et qui stipule clairement que la sauvegarde d’emploi est une priorité faisant objet d’un décret d’application à part entière. Nous faisons surgir ici la responsabilité de la CMA CGM qui n’a pas préservé l’emploi. En effet immédiatement après la privatisation en 2007, COMANAV a été scindée en deux au cours de l’année 2008 à savoir : COMANAV Cargo qui est toujours opérationnelle à Casablanca et COMANAV Ferry qui a été vendue au groupe COMARIT l’année qui suit, c’est-à-dire en 2009. Donc c’est à partir de 2009 que nous allons parler de la responsabilité de COMARIT qui a fait faillite et qui a conduit la COMANAV Ferry à la faillite également.
A noter qu’en matière de corpus législatif concernant la privatisation, l’article 23 du Décret d’application 2.90.402 concernant l’article 5 de la loi 39-89 qui stipule clairement qu’il y a possibilité pour l’Etat marocain de prendre des mesures contre l’acquéreur et dans la présente espèce on fait référence à la CMA CGM. Il n’est pas à préciser que non seulement cette dernière n’a pas préservé l’emploi mais il y a 1356 salariés dont les droits sont bafoués et qu’aucun salarié n’a perçu une indemnité de ce licenciement abusif tout en disposant d’un jugement définitif.
Si de nombreux gouvernements sont passés sans prendre la peine d’ouvrir une enquête et faire de sorte que plus de 1356 victimes aient leurs droits de dommages et intérêts, avez-vous confiance en l’actuel gouvernement dirigé par le PJD ?
En tant que victime de la COMANAV d’abord et en tant que porte-parole de toutes les victimes de la COMANAV, nous saluerons le courage du député ou du gouvernement qui oserait ouvrir une enquête.
Il m’est important de préciser que nous avons demandé à plusieurs parlementaires de toutes les couleurs politiques de poser une question au parlement concernant l’affaire COMANAV. Ceci est un sujet tabou ! et aucune suite favorable n’a été donné à nos multiples demandes.
Or le soubassement juridique est là, la proclamation des droits est légitime et nous avons l’ultime conviction que justice sera rendue.
Nos attentes du PJD sont au-delà de la réponse donnée Mardi 22 Juin 2021, par le Chef du Gouvernement à une question centrale relative aux « dispositions d’accueil et d’accompagnement des MRE à la lumière des contraintes induites par la pandémie du Covid-19 ». En effet l’affaire COMANAV surgit devant la crise du transport maritime des MRE et Monsieur Saad Dine El Otmani a exprimé clairement dans le cadre de la séance mensuelle de politique générale à la chambre des conseillers qu’on ne peut pas questionner le présent gouvernement sur une opération de privatisation qui remonte à plus de 10 ans.
Nous aurions aimé que suite à l’expression du Chef de Gouvernement de son regret suite au sort de cette compagnie nationale, qu’il y ait une commission d’enquête parlementaire ou une mission exploratoire sur le sujet. D’ailleurs il convient de se poser la question : Pourquoi le Maroc ne dispose pas de flotte maritime ?
Avoir confiance en l’actuel gouvernement du PJD, c’est voir au niveau du parlement, la Commission des Finances et du Développement Economique ainsi que la Commission des Infrastructures, de l’Energie, des Mines et de l’Environnement traiter l’affaire COMANAV. Si au contraire le sujet continue d’être un sujet tabou nous ne pouvons malheureusement pas faire confiance à ce gouvernement qui contrairement aux propos du Chef du Gouvernement, c’est le Ministre de l’Equipement du Transport, de la Logistique et de l’Eau qui a œuvré dans ce désastre en 2012. On se rappelle tous des navires immobilisés à Sète en France et à Algesiras en Espagne et le Ministère de tutelle en 2012 n’a pas trouvé de solution bien au contraire il a forcé le secteur maritime à couler. Le gouvernement de 2016 non plus n’a pas trouvé de solution et le Ministre de tutelle aussi bien en 2011 qu’en 2016 est un Ministre qui relève du PJD. Pour conclure, la gérant Abdelmoula de la société COMARIT est un parlementaire du PJD et avec tout le respect à ce parti et à ses militants, il n’a pas su trouver une solution pour l’affaire COMANAV, bien au contraire le statu quo a perduré durant les 10 ans de mandat du PJD dans les deux derniers gouvernements successifs.
Quelles seraient vos prochaines actions durant la prochaine étape?
Le transport maritime est souvent connu par l’expédition maritime du fait du caractère incertain de ce voyage à cause des intempéries et à cause du risque encouru en mer. Donc devant un état d’esprit qui prend ce risque pour la dignité et pour accomplir l’estime de soi, il ne peut y avoir d’autres alternatives que l’obtention de tous les droits garantis par le code de travail d’abord et par la convention collective du secteur maritime qui demeure un cas d’école au Maroc.
Nous élaborons une compagne marketing non pas pour promouvoir un produit mais plutôt pour faire connaître notre cause que nous qualifions de cause nationale. L’Affaire COMANAV c’est plus qu’une entreprise en difficulté financière qui se voit en redressement puis en liquidation, c’est un patrimoine culturel et un savoir-faire que le Royaume du Maroc a développé depuis 1946 jusqu’à la privatisation.
Quel gâchis de voir tout ça s’envoler dans l’air !
Chaque navire qui bat le pavillon national et qui traverse les mers et océans est plus que symbolique et le marin est un ambassadeur du Royaume dans tous les ports du monde. Il y aurait certainement plusieurs étapes avant de voir le maritime marocain sur le bon Cap.
Les 1356 victimes de la COMANAV est un trésor pour le Maroc. Peut-être la perception de ces gens se voit comme une enveloppe budgétaire qui faudra tôt ou tard décaisser pour que justice soit rendue et pour que le salarié perçoive ses indemnités qui sont avant tout protégé par la loi. Mais la réelle perception de la chose est le savoir-faire que ces victimes de COMANAV ont capitalisé durant leur carrière et qui au bout de quelques années, ce capital immatériel sera enterré à jamais. N’est-il pas opportun d’investir en ces gens et préparer la relève pour les générations futures, pour un maritime meilleur et pour un Maroc MEILLEUR !
Propos recueillis par A. R.