Les points positifs existant dans la relation entre le Maroc et l’Espagne dépassent de loin les problèmes politiques et sont une raison essentielle pour les dépasser à jamais.
Dans les domaines économiques, sociaux et culturels, les deux pays voisins ont nourri, à travers des siècles, des rapports souvent exemplaires qu’il faut savoir protéger et améliorer.

Sommes-nous réellement « amis »?
En dehors des moments de crises et de guerre (oui il y a eu des guerres entre le Maroc et l’Espagne qu’il ne faut pas oublier), Espagnols et Marocains ont vécu ensemble durant des décennies (et vivent toujours) dans la paix totale et la cordialité absolue.
A Tanger, Tétouan, Larache, Chaouen et Ksar el kebir, pour ne citer que ces villes du Nord du Maroc, Musulmans et chrétiens se sont liés à jamais fondant des familles mixtes et leurs progénitures et petits enfants se comptent en dizaines de milliers de personnes.
Ces relations ont laissé des traces impossibles à effacer dans les coutumes, les traditions et même le langage. Si la langue espagnole comporte des milliers de mots d’origine arabe, au Nord du Maroc le dialecte marocain garde toujours des mots espagnols.
A Tanger et Tétouan, à Larache et Chaouen, la culture espagnole est très présente dans plusieurs arts comme la peinture, la littérature, le théâtre et le cinéma. Plusieurs Marocains sont des écrivains et des poètes hispanophones et dans lautre rive plusieurs écrivains espagnols et autres artistes racontent Tanger, ses ruelles, ses restaurants et bars, ses plages et ses montagnes, sa lumière et son coucher de soleil, ses hommes et ses femmes.
La vida perra de Juanita Narboni de Ángel Vázquez est un roman témoin parfait d’un écrivain espagnol né à Tanger et mort à Madrid.
Ce livre n’est pas n’importe quel livre. C’est l’un des meilleurs chefs-d’œuvre de la littérature espagnole durant le XXe siècle.
La réécriture filmique de l’œuvre littéraire d’Ángel Vázquez par la réalisatrice Tangéroise Farida Benlyazid est une preuve concrète de cette richesse culturelle partagée des deux côtés du détroit de Gibraltar.
Juan Goytisolo, né à Barcelone et mort en 2017 à Marrakech  où il a vécu 20 ans.
N’est-ce pas en grande partie grâce à lui que la célèbre place Jama’al Fna a été classée par l’Unesco «patrimoine oral et immatériel de l’humanité» ?…
Et puis il y a le sport. La liga espagnole du Barça et Real, de l’Altelico et du FC Sevilla qui a terminé le championnat à la 4e position grâce au trio marocain Yassine Bounou, Youssef Ennesyri et Munir El Haddadi.
Qui n’aime pas ces joueurs à Séville et qui n’a pas aimé Iniesta, Chavi et Raoul au Maroc?
D’autres disciplines sportives sont très suivies  au Nord du Maroc depuis très longtemps comme le tennis, le basket-ball…
Les médias espagnols sont aussi très suivies. Les radios depuis toujours et les chaînes de télévision depuis les années 70, quand la télé était encore en noir et blanc, à Tanger  et à Tétouan, on regardait déjà la primera cadena et la secunda, les deux premières chaînes de la télévision espagnole.
Aujourd’hui encore, beaucoup de gens écoutent les chaînes de la radio espagnole, même Los 40 principales, sur les ondes de FM, est une chaîne très appréciée par les jeunes des deux villes.
Au Nord du Maroc, on lit la presse espagnole. El Pais, El Mundo, ABC, La Vanguardia… mais aussi de plus en plus de sites électroniques sont suivis périodiquement  El español et ok diario sont souvent lus par les Marocains.
A Tanger et Tétouan mais dans d’autres grandes villes marocaines, il existe depuis des décennies des établissements scolaires fréquentés par des milliers d’élèves marocains qui partent presque tous poursuivre leurs études universitaires en Espagne. Dans ces mêmes villes il y a aussi l’institut Cervantes dont l’importante action culturelle n’est plus à démontrer.

Bizarrement et d’une manière très incompréhensible, le Maroc et les Marocains sont moins connus pour la majorité absolue des Espagnols.
Ces derniers adorent le pays et ses gens quand ils ont loccasion de les découvrir directement, mais en dehors d’un voyage touristique ou d’un séjour pour le travail, l’Espagnol n’a aucun moyen de connaître la vérité marocaine, ce pays qui est juste à 14 km de Tarifa mais qui reste très mal connu.
Malheureusement, l’histoire du Maroc telle que racontée officiellement en Espagne (par les médias, à l’école ou dans les coutumes et traditions) continue de donner une mauvaise image de ce pays dit « voisin et ami ». Le Maroc est cet ennemi à craindre. « El Moro conquistador » qui n’a pas oublié l’Andalousie et risque d’y revenir.
Dans l’esprit espagnol, souvent à cause de certains problèmes politiques (comme celui du Sahara marocain), ce « Moro » reste un danger potentiel et permanent qu’il faut éviter et repousser, tel qu’il a été conseillé par la reine Isabel la catholique. Fort heureusement que pas tous les Espagnols pensent de cette façon et que les sages sont de plus en plus nombreux à demander aux dirigeants politiques et aux penseurs et intellectuels espagnols d’effacer cette image qui n’est point véridique sur un pays et ses populations qui ne sont que de bons alliés des Espagnols.
Sans entrer dans les détails de l’actuelle crise, l’essentiel aujourd’hui est de faire de sorte que le couteau ne soit pas plus enfoncé et que la blessure guérisse rapidement.
Aux sages des deux pays d’intervenir pour essayer de mettre un terme à cette crise, en encourageant au dialogue jusqu’à atteindre la confiance détériorée actuellement.

Abdeslam REDDAM