Fouad Laroui, mathématicien, ingénieur des ponts et chaussées, docteur en sciences économiques, enseignant de la philosophie des sciences. Écrivain, essayiste, poète, analyste politique, chroniqueur. Il est l’auteur de plus d’une trentaine d’ouvrages (romans, nouvelles, essais, poésie).il a obtenu le prix Goncourt de la nouvelle en 2013 et la grande médaille de la francophonie de l’académie de la nouvelle française en 2014. Son  roman, Les Tribulations du dernier Sijilmassi, a reçu le Grand prix Jean-Giono.


À ce titre, il est possible de qualifier les écrits de Laroui comme illustrant la transculturalité qui l’inscrit dans le monde contemporain et en fait un double ambassadeur à la fois de la culture marocaine  pour les Français et plus largement pour les Européens, puisque certains romans sont traduits en néerlandais et en italien. Le parcours personnel de Fouad Laroui transparait dans ses écrits, invitant à la rencontre de cultures diverses. La notion de transculturalité le définit clairement, ne serait-ce que par la présence de la France, de la Grande-Bretagne, des Pays-Bas, de la Belgique et naturellement du Maroc de ses origines, comme autant d’influences qui ont forgé son identité et son écriture. Transculturel est un adjectif combinant le préfixe latin trans et la notion de culture(s).Ce terme provient du concept de transculturation élaboré par l’anthropologue et ethnologue cubain Fernando Ortiz Fernández en 1940. Il sert à désigner des contacts entre plusieurs cultures au même titre que : interculturel et multiculturel.
L’interculturalité ne désigne pas une situation statique, mais plutôt une posture ou, en d’autres termes, une disposition en constante construction. Bien qu’elle comprenne nécessairement des actions concrètes, des pratiques culturelles et sociales et, par conséquent, des pratiques discursives, nous la prenons ici comme une disposition, comme une pratique potentielle, incorporée, devenue habitus, comme le dirait le grand sociologue Pierre Bourdieu. Ainsi, être interculturel désigne l’acte même de penser et d’agir conformément à un mode de pensée interculturel, prêt à entrer en relation avec le différent, l’étranger, le différent de soi. À partir de cette conception, nous pouvons établir des différences autour des discours qui sont construits et réalisés dans des situations où l’interculturalité en tant qu’acte est présente. Ainsi, l’interculturalité implique toujours une communication interculturelle. C’est-à-dire l’interaction avec ce qui est différent. Les processus de communication interculturelle requièrent des attitudes et des dispositions coopératives qui permettent aux différents acteurs de partager des connaissances, des actions et des représentations symboliques. Comme on le voit, les communautés sociales ne sont pas figées, elles ne sont pas des constructions monolithiques et immuables, mais elles sont sujettes à des changements. L’identité est une construction permanente qui évolue à travers des processus très variés, souvent contradictoires, parfois instables et traumatisants dans un monde de plus en plus globalisé.
Nos sociétés tendent à être plurielles dans le futur et seront composées d’une mosaïque d’identités polymorphes (multiformes), résultat du brassage ou de l’hybridation des différents peuples de la terre. Cette hybridation culturelle est basée sur la collecte d’éléments de différentes traditions et est finalement le produit de la communication avec l’autre.
Parmi les médiateurs de culture perméables aux mutations, conscients de leur propre culture et de  la culture de l’Autre, l’écrivain  représente la figure la plus emblématique, la plus ouverte aux rencontres. Si nous définissons la littérature comme système de représentation des idées et des idéaux enracinés dans la vie. L’écrivain  peut aussi apparaître comme un passeur, un « traducteur » d’une culture à une autre.
La notion de « passeur culturel » selon l’anthropologue américaniste Serge Gruzinski, auteur de la pensée métisse,  recouvre une très grande diversité de situations, qu’il s’agisse du traducteur, de l’éditeur, du libraire, du journaliste, du créateur ou du diffuseur d’information et de culture.
Les écrivains on le sait se lisent entre eux, Laroui est un grand liseur et lecteur, multiplie ses lectures, donc décide de sa culture, la véritable biographie d’un auteur, consiste pour plus de la moitié, dans la liste des livres qu’il a lus. Le lettré est d’ abord un linguiste et un philologue, un écrivain polyglotte  aura toujours un immense avantage  sur un écrivain unilingue.
Laroui éprouve très jeune  un vif plaisir à apprendre, parler et écrire les langues étrangères.il a la réputation d’être un grand voyageur, ce n’ est pas un touriste pressé en quête de sensations fortes ou d’ exotisme. Il a l’habitude d’effectuer plus de séjours prolongés que des périples. La France, la Hollande, la Belgique, l’Amérique, l’Angleterre sont pour lui des refuges ou il se déracine.il y prend ses quartiers, il s’installe un bureau  et se constitue une bibliothèque. Selon Bernadette Rey Mimoso Ruiz : Laroui est un écrivain transculturel. (Voir Actes d’une rencontre scientifique célébrée par l’université de Beni Mellal) sous la direction de  Bernadette Rey Mimoso-Ruiz (Dir.), Mounir Oussikoum (Dir.)
[La littérature  contemporaine s’arrache aux nationalismes ; elle tend à être un laboratoire de l’universalité supranationale. La littérature passe de plus en plus avant la nationalité… La littérature est la somme des livres traduits ; elle est un patrimoine commun, une médiatrice médiatisée d’où la nécessité d’écrivains passeurs maitrisant les langues étrangères  selon Jean-Yves  Guérin].
L’humour, la dérision, l’esprit se mettent au service d’un humanisme héritier des Lumières et des grands penseurs arabes dans l’œuvre de Laroui. Son regard lucide sur le Maroc, mais aussi sur l’Occident, s’exprime à la fois avec grâce et pertinence, posant les questions fondamentales de la liberté individuelle, de l’identité et de l’altérité.
[L’échange interculturel est un moyen d’empêcher la barbarie dans un monde  menacé par les intégrismes…le monde  ne devrait  plus avoir, un jour il n’aura plus de centre de périphérie. La cosmopolis, c’est le centre partout. Tout  le problème  est de penser l’universel dans la particularité d’une littérature  ou tout simplement d’une œuvre]. (Op.cit. Jean Yves Guérin).
Laroui, écrivain sans frontières, livre dans ses essais comme dans ses fictions, un combat contre l’obscurantisme. Dans son essai plaidoyer pour les arabes il tente de redonner à la civilisation arabe la place qui est la sienne, tout en demandant aux pays arabes de redevenir dignes de leur passé. Il y eut un temps guère lointain où les Arabes pouvaient se projeter avec optimisme dans l’avenir.  Du VII au XIII siècle la civilisation arabe a été en avance sur toutes les autres, innovant tous les domaines, en 1884  Gustave Le Bon écrivait : »Au point de vue des civilisations, bien peu des peuples ont dépassé les arabes »
Avant de donner la parole à notre invité d’honneur Fouad Laroui, Je vais conclure ma présentation lisant  cette Citation de GK Chesterton, qui introduit le livre Dieu, les mathématiques, la folie et ou Fouad Laroui  met en scène des mathématiciens aux destins fulgurants, parfois tragiques, toujours passionnants. Le russe Perelman, le français Grothendieck, l’allemand Cantor et l’autrichien Godel en sont des exemples frappants.
« C’est la raison qui rend fou, pas l’imagination. Les mathématiciens et les joueurs d’échecs sombrent dans la folie, pas les  poètes. Le danger est dans la logique. »
La poésie est une arme pleine d’avenir. (Gabriel Celaya).

Mostafa Akalay Nasser, directeur de l’Esmab UPF Fès