Ali GHOUDANE
Docteur Chercheur en Sociologie

En marge de l’agression dont le professeur d’éducation physique et sport (A.H) a été victime par un élève au sein du Lycée Ksar Sghir le 7 février 2024, nous saisissons l’occasion pour essayer de traiter le thème de la violence en milieu scolaire.
Au-delà des causes et des suites de cet incident, que peut-on déduire de ce fait divers qui a secoué l’ensemble du personnel, enseignants et cadres administratifs, et des habitants du petit village Farsioua ?
En fait, la violence en milieu scolaire constitue un thème préoccupant dans le monde de l’éducation. Phénomène mondial, la violence à l’école suscite l’intérêt des chercheurs, éducateurs, psychologues et sociologues de par le monde.
Au Maroc, plusieurs chercheurs soulignent l’ampleur de la violence sous ses différentes formes (harcèlement, insultes, menaces … agressions) à l’école et dans son environnement. Le rapport de l’Observatoire National de Lutte contre la Violence en milieu scolaire a recensé quelques 24.000 cas de violence au cours de l’année scolaire 2013-2014 ! À savoir que la violence verbale est considérée comme une des raisons principales du conflit favorisant assez souvent le passage à la violence, voire à l’agression physique !
Le constat du Rabat Social Studies Institute souligne les défis auxquels le système éducatif marocain est confronté, notamment les déperditions, les difficultés d’insertion socio-économique, et le manque de soutien à la liberté d’expression et au respect des différences. Ces problèmes peuvent potentiellement contribuer à un environnement propice au conflit et à la violence. S’ajoute à ces dysfonctionnements la nécessité de développer la communication entre les différents acteurs dans leurs relations basées sur “l’empathie, la coopération harmonieuse, l’écoute et le respect de soi et des autres”.
Favoriser une telle communication nécessite la connaissance des droits et devoirs et du règlement intérieur de l’établissement de la part de l’ensemble des intervenants (personnel et élèves). Chose à dispenser aux enseignants et cadres administratifs lors de leur formation et stages ; et aux élèves et leurs parents à la rentrée scolaire en début d’année. Ce n’est qu’ainsi que l’établissement scolaire pourrait assumer sa mission et assurer la sécurité mentale et physique des tous les intervenants. Ceci en vue de garantir un apprentissage de qualité le plus sereinement possible.
Toutefois, comment remédier à un certain nombre de comportements déviants à l’école, prévenir et prendre en charge les violences intra-scolaires envers les enseignants dont on parle peu ? Comment pourrait-on en finir avec la violence en général en milieu scolaire entre les élèves ou envers le personnel éducatif ?

En finir avec la violence scolaire ou du moins la réduire nécessite une approche globale qui implique le personnel scolaire, les élèves et leurs parents et la communauté dont les associations de parents d’élèves. D’où la nécessité d’ouvrir le dialogue avec la direction et son staff administratif, les enseignants, les parents et les responsables communautaires afin de parvenir à une perception commune du problème de la violence dans leur établissement ; à savoir que les enseignants n’ont pas à eux seuls les moyens de prévenir la violence et d’autres conduites à risques. Tous doivent émettre un message clair et fort pour dire que la violence est inacceptable à l’école.
Nonobstant, il est conseillé d’élaborer un plan d’action en collaboration avec tous les intervenants déjà cités, les professionnels de la santé et les représentants de l’autorité pour que le plan d’action de la prévention de la violence scolaire ait de plus grandes chances d’aboutir. De plus, on devrait s’efforcer à réduire les risques de violence (encombrement des élèves) et donner aux élèves les outils qui leur permettent de prévenir la violence (par exemple la qualité de l’éclairage, des caméras de surveillance dans les couloirs et terrains de sports …). De même, veiller à ce que les règles de classe soient positives, instructives et concises. Les règles doivent être formulées de manière positives plutôt que négatives afin d’indiquer clairement aux élèves la conduite à suivre plutôt que d’énumérer des interdits. Ces règles ne doivent pas être contradictoires avec le règlement intérieur de l’école (insister sur le respect du port de l’uniforme, c’est important !). Certes, « Tous les membres de la communauté éducative doivent connaître le règlement intérieur, s’y conformer et le faire respecter » (N. Anton).
En outre, il est souhaitable d’organiser des activités parascolaires (sportives : football, athlétisme …) en plein air et même dans l’enceinte de l’établissement. L’objectif est de permettre aux apprenants de se défouler et d’acquérir l’épanouissement physique et moral, la maîtrise de soi, l’esprit d’équipe et le respect de la discipline. Dans le même sens, œuvrer à la création de clubs tels ceux de lecture, jeux d’échecs, théâtre, musique, dessin et peinture … Donc faire occuper les élèves par quelque chose d’utile et de fructueux (surtout pendant les heures creuses !), car ces activités parascolaires sont source de persévérance scolaire, de divertissement, de bien-être et de fierté personnelle.
Finalement, il y a là un vrai problème de gestion qui nécessite effectivement un courage énorme de la part des politiques publiques, mais aussi de la direction, l’ensemble du personnel de l’établissement et du système éducatif en général. Cela souligne l’importance de la sensibilisation, de l’éthique, de la culture de l’établissement pour faire face aux différents phénomènes de violences scolaires.
Références :
– UNESCO : En Finir avec la violence – Guide à l’intention des Enseignants, ED-2009/WS/43.
– Bénédicte Lorier, “Violences d’élèves envers des enseignants : Causes, Conséquences et pistes de solution”, Analyse Union Francophone des Association de Parents de l’Enseignement Catholique, Décembre 2019.
– Beaulieu J., “La violence à l’école secondaire”, Mémoire de Maîtrise, Faculté des Sciences de l’Éducation, Faculté Laval, 2005.
– Nathalie Anton, L’Art d’enseigner – Comment bien enseigner à nos enfants aujourd’hui ? Ixelles Éditions, 2012.