Humblement, en matière de compréhension de l’économie quand je me vois, je me désole, mais quand je vois les autres, je me console.
Depuis quelques années, j’essaie de convaincre les hommes d’État marocains qu’il m’arrive de rencontrer, que je pourrais peut-être les aider, non pas à prendre les bonnes décisions mais au moins à ne pas en prendre de stupides.
Mais malheureusement, ils défendent des idées auxquelles ils ne croient pas tandis que notre pays continue son lent et inévitable naufrage.
C’est dans cet esprit que je vais faire une comparaison entre la Suède et notre pays.
En 1992, la Suède était gérée par une idéologie toute acquis aux idées socio-démocrates, fît faillite, et son rétablissement depuis a été incroyable.
Comme étant toujours optimiste, je me dis que ce qui a marché en Suède pourrait peut-être marcher au Maroc?
Bien entendu, aucun parti ne défendra ces idées, et je ne me fais aucune illusion sur les chances qu’elles peuvent être retenues puisque nos problèmes ne viennent que de l’incroyable incompétence de ceux qui nous gouvernent.
Mais au moins, je n’aurai pas déserté. Car globalement, l’incompétence et le manque de préparation étaient et sont, hélas, la marque des élites. Et je résiste face à l’esprit du temps. C’est le plus important.
Revenons-en à la Suède.
M. JOUAHRI, un jour, un de mes profs me raconta que par le hasard du calendrier, en novembre 1992, il était dans le bureau du Gouverneur de la banque centrale suédoise (la plus ancienne du monde), et ce jour-là justement, tout le système financier Suédois était en train de sauter: la monnaie était violemment attaquée, le taux de change étant bloqué vis-à-vis du DM dans l’imbécillité qu’était le SME (l’ancêtre de l’Euro), les réserves de change disparaissaient à vue d’œil, les taux cours étaient à 35%, les taux longs à 12%, la bourse s’effondrait avec l’immobilier et une panique bancaire d’anthologie commençait puisque tout le monde savait que les banques avaient prêté comme des malades à l’immobilier Suédois. Bref, une atmosphère de fin du monde.
Et pourtant, il trouvait le Gouverneur de la banque centrale Suédoise parfaitement détendu, voir rigolard. Et il lui fit comprendre, en peu de mots (le Suédois est peu bavard) que lui aussi pensait qu’il valait mieux “la fin dans l’horreur qu’une horreur sans fin”, l’horreur sans fin étant la combinaison de politiques monétaire et budgétaire débiles combinées avec un taux de change inefficace. Dans un accès de générosité surprenant pour un banquier central, il conseilla à mon prof d’acheter les obligations gouvernementales suédoises indexées sur l’inflation qui offraient un rendement réel de plus de 7% et qui furent le meilleur placement des 10 années suivantes.
Le lendemain, ou le surlendemain, la couronne sortait du SME et flottait librement, et les Suédois se mirent au travail, en bon ordre comme d’habitude.
Les banques, toutes en faillite virent leurs dépôts garantis par l’Etat Suédois et furent nationalisées, leurs actionnaires perdant tout, et quelques dirigeants de ces institutions mis en prison, pour entretenir le moral des troupes …
Quelques années plus tard, les mêmes banques furent privatisées et réintroduites dans le marché des actions et l’Etat suédois fit plusieurs fois la culbute.
Les dépenses de l’Etat, à plus de 60% du PIB, furent coupées fort intelligemment, le principe de base étant que l’Etat devait devenir “prescripteur” et cesser d’être “producteur”
Ce principe fut par exemple appliqué dans l’éducation, les retraites, la gestion des transports publiques, les hôpitaux … et les effets de cette baisse furent remarquables.
Les dépenses gouvernementales s’écroulèrent (de 65% à 50%, l’une des plus fortes baisses dans l’histoire), tandis qu’elles continuaient à monter chez nous, passant de 50% à presque 70% aujourd’hui …
Contrairement à ce que pensent les Keynésiennes, “JE (DE)PENSE, DONC JE SUIS”, ce qui sert de pensée économique à notre classe dirigeante.
Donc, la croissance S’ACCELERA en Suède et S’ECROULA au Maroc.
La Suède oscille depuis 1998 entre des surplus (en temps normal) et des deficits budgétaires (pendant les récessions) tandis que le Maroc, depuis cette date, voit son déficit budgétaire augmenter de cycle en cycle et devenir pire de récession en récession.
A partir de 1999, la dette Suédoise a été divisée par 2 tandis que notre dette doublait.
Bien entendu, la hausse du poids de l’état dans l’économie entraine une détérioration des comptes extérieurs puisque peu de fonctionnaires produisent des biens ou services exportables. Mais ils aiment bien importer et conduire des voitures allemandes comme tout le monde, ou prendre leurs vacances à Courchevel ou aux Baléares. Et donc nos déficits tant intérieurs qu’extérieurs vont continuer à grimper.
Et tout cela finira, comme en Suède il y a 30 ans, dans une faillite du secteur privé, qui ne pourra plus rembourser ses prêts au système bancaire, qui lui-même sautera comme un bouchon comme son homologue en Suède en 1992.
Nous sommes en bonne voie, plus de la moitié du chemin étant déjà parcouru.

Conclusion.
Comme je ne pense pas être invité par M. JOUAHRI, le WALI de BANK AL-MAGHRIB, pour lui prodiguer mes conseils le jour de la crise finale et comme les Suédois ne sont pas des Marocains, je ne m’attends pas vraiment à ce que les choses se passent socialement aussi bien au Maroc qu’en Suède.
Mais les évènements se passeront exactement de la même façon et dans le même ordre.
Le coup partira des marchés obligataires se cassant la figure, alors même que nous serons en récession, et se terminera avec des files d’attente devant les banques qui devront être nationalisées.
La question subsidiaire, à laquelle je ne peux pas répondre, est de savoir s’il y aura des distributions de claques dans les rues, ou pas.
Achetez vos gilets jaunes, je crains une pénurie et vous allez en avoir besoin pour pouvoir passer les barrages quand vous voudrez rejoindre vos maisons de campagne.

Oussama OUASSINI

L’homme qui murmure aux oreilles des Hommes d’état