Et de 4 pour l’écrivain Tangérois Najib Arfaoui, qui nous régale avec son nouveau roman « Au-delà du simple souvenir ». Un succès qui suit 3 autres et qu’il faut lire absolument.
Najib Arfaoui, vous êtes à votre quatrième roman et vous êtes toujours à Tanger comme scène de toutes vos histoires. Pourquoi le choix de votre ville natale est-il si déterminant dans vos récits?
Tanger, n’est-elle pas finalement l’objet réel de vos romans ?
J’ai avec Tanger une relation bizarre, le sentiment qu’éprouverait un homme trompé par celle qu’il continue à aimer en dépit de tout. Adolescent vers les années 56, Tanger représentait pour moi une promesse d’ouverture sur le monde, avait une identité à part de laquelle j’étais fier et qui m’avait guidé dans mes choix de vie. Cette relation puissante car désirée du plus profond de mon âme fut rompue unilatéralement. Je me suis senti trahi, abandonné. Je l’ai quitté à mon tour. Mais elle continue à vivre en moi, la nostalgie se mêlant aux souvenirs. Il est donc normal que Tanger trouve une place éminente dans tous mes récits.
Dans ce nouveau livre vous avez traité le problème du racisme au sein de la communauté Tangéroise, donc marocaine. Quel est pour vous le poids réel de ce racisme?
Dans mon nouveau roman «Au-delà du simple souvenir» le racisme n’est pas traité à la façon d’un essai ou d’une réflexion philosophique. Il alimente simplement une fiction. Il s’agit d’un racisme ordinaire qui s’exprime au quotidien, bien enraciné dans nos mœurs. Ce sont des préjugés et des poncifs qui semblent indolores mais produisent des dégâts importants. Ils s’apparentent souvent aux détestations entre peuples conduisant parfois à la guerre, entre tribus, entre villes et parfois entre quartiers. On les retrouve quelquefois au sein d’une même famille. Le racisme ordinaire dont je fais état dans le livre n’est pas violent, c’est le rapport d’un être humain ordinaire avec l’autre qu’il a déshumanisé, soit parce qu’il le considère d’essence inférieure, ou qu’il lui attribue des défauts et de mauvais comportements inhérents à sa couleur de peau ou à son ethnie.
Le narrateur découvre que sa propre famille a pratiqué l’esclavage, une forme supérieure de ce racisme, socialement admis. Cela le révolte au plus haut point et ajoute une couche à son conflit intérieur. Trouvera-t-il dans ce drame une réponse à ce qui le mine? Y a-t-il encore des formes d’esclavage héritées de ce passé récent dans nos rapports sociaux actuels? Ce sont quelques-unes des questions qui le travaillent.
«A force de traquer mes zones d’ombre, de réveiller des souvenirs, de soulever des doutes, ne suis-je pas simplement en train de jouer au psychologue de salon qui chercherait à démêler des sentiments complexes que résumerait le mot insupportable de raciste», se demande le narrateur.
Quelle est la portée de vos romans chez les lecteurs français? Avec 4 livres, sentez-vous déjà que vous avez réussi à attirer un lectorat séduit par votre style et les histoires que vous racontez?
«Au-delà du simple souvenir» est mon quatrième roman, après «Tingis café», «Vers cette rive inconnue» et «La fille Dar Baroud».
A 78 ans, j’écris dans l’urgence, comme si le temps m’était compté pour extirper de mon être les sentiments douloureux que j’ai traînés, avant que les souvenirs ne s’estompent, comme pour témoigner d’une époque que la grande majorité n’a pas connue et que moi-même je fantasme probablement.
Écrire est un soulagement. Éditer est une obligation dictée par le besoin du partage. Promouvoir est la tâche la moins drôle. C’est la raison pour laquelle je suis resté «local», parisien et tangérois. Le succès très relatif de mes trois derniers romans m’oblige à faire un peu plus en France comme au Maroc. Ainsi j’ai programmé dans les semaines qui viennent une rencontre/dédicaces dans les salons de mon éditeur l’Harmattan et dans deux librairies de la région parisienne. Je suis inscrit à divers salons du livre. Mes livres commencent à se faire connaître. De bons commentaires paraissent chez Babileo. Au Maroc, j’ai étendu mon activité à Tétouan. Des présentations sont prévues à Tanger comme à Tétouan au mois de mars prochain.
J’ai observé que le prix du livre édité en France est quasi prohibitif pour nos compatriotes marocains, surtout les jeunes. J’ai obtenu pour mon dernier roman de l’Harmattan que le Maroc soit exclu du contrat d’édition. J’ai pu ainsi éditer à Tanger à compte d’auteur «Au-delà du simple souvenir» à un prix accessible. J’espère qu’il trouvera son public à Tanger et ailleurs. J’espère que les médias apprécieront et m’aideront, s’il le mérite, à le diffuser.
Je remercie La Dépêche qui défend bec et ongles les intérêts de notre ville et en premier lieu ses écrivains, artistes et promoteurs économiques.
Propos recueillis par A. REDDAM