Si les gratte-ciels, les télécommunications, les moyens de transport ultra modernes et amis de l’environnement, la stabilité financière, etc., sont un signe de développement des grandes villes intelligentes, ces dernières sont également connues pour être très respectueuses de leur histoire et de leur patrimoine culturel.
En fait, le respect de l’histoire est présent même dans les petits villages des pays européens, pour ne citer que l’Europe comme exemple si proche du Maroc.
En Espagne, le leg andalou aura complètement disparu si les autorités espagnoles et les populations de l’Andalousie ne l’auraient pas préservé et protégé.
En Espagne, comme partout en Europe, il est inimaginable, impossible et entièrement interdit de toucher à un patrimoine historique, qu’il soit matériel ou immatériel. Qu’il soit même une pierre, un petit mur, un jardin ou un bâtiment, ce patrimoine est déclaré intouchable.
De même que pour les miradors, les phares, les ponts, etc.
Il y a quelques semaines, les autorités de la ville de Larache ont démoli El Balcon Atlantico, qui est pourtant l’un des plus beaux miradors dans cette région. A Larache, les autorités ont cassé une partie importante de l’histoire de la ville pour aménager une corniche « moderne ». Imaginons une seconde que les autorités de la ville espagnole de Benidorm décident de casser le mirador de cette ville touristique, El Balcon Mediterráneo, que visitent environ 4 millions de touristes chaque année. Impensable! Les Espagnols diront même qu’ils ne sont pas stupides ni fous de penser à un tel crime. Ce mirador existe depuis le 18eme siècle.
Dans ce contexte, il est logique de se poser la question sur ce qu’il se passe à l’ancienne maison-musée de Carmina, sise rue Sidi Hosni, à deux pas du café Baba. En fait, plusieurs questions restent sans réponse. Et la première concerne la partie qui a délivré l’autorisation de construire sans mener aucune recherche, ni demander à une commission de donner son avis dans ce dossier avant d’entamer les travaux.
L’absence d’une enquête avant la livraison du permis de construire veut dire que les autorités responsables ignoraient totalement que ce nouveau projet menace un des plus anciens miradors de l’ancienne Médina de Tanger.
Pourtant, il n’y a pas un seul touriste, marocain ou étranger, qui visite la Casbah de Tanger sans s’arrêter devant ce mirador pour admirer la baie et prendre des photos.
Permettre que cette vue panoramique soit interdite aux citoyens et aux touristes c’est exactement comme si demain on décide de fermer entièrement Bab el Bhar, le site des tombeaux phéniciens ou le café Hafa. Tous ces espaces ont en commun le même paysage: une vue panoramique sur la mer.
Donc, si personne ne va décider de fermer Bab el Bhar, le café Hafa et le site des tombeaux phéniciens, pourquoi on laisse à un étranger le droit de fermer le mirador de Bab el Assa, de la maison de Carmina? Pourquoi aurait-il le privilège de faire sienne cette vue panoramique et d’en priver des milliers de citoyens et de touristes? De quel droit?
Les informations qui circulent actuellement prouvent que, d’une manière ou d’une autre, ce mirador sera réduit et rétréci. Même les décisions de la commission, qui a visité le chantier et observé les problèmes que pose ce projet, paraissent vouloir donner raison à tout le monde, en laissant le nouveau propriétaire construire sa maison, mais sans dépasser une certaine hauteur, gardant ainsi une sorte d’espace « fenêtre » permettant de continuer à voir un petit brin de cette baie. Une miette. Ainsi, on fait plaisir à tout le monde, mais en donnant surtout raison à l’étranger propriétaire, puisqu’il ne risque pas de modifier ses plans.
Finalement, comme l’a dit un jeune habitant de l’ancienne Médina, désormais pour admirer la baie de Tanger, les gens devront payer l’accès aux terrasses des cafés et maisons d’hôtes situés dans cet espace.
Le mirador de Bab el Assa n’existera plus si le Wali Younes Tazi ne prend pas personnellement cette affaire en main.
Affaire donc à suivre avec attention !
A. REDDAM
