En plus d’être un travail fascinant, être architecte du patrimoine est à la fois une distinction et une lourde responsabilité pour les professionnels qui exercent de beau métier. Pour Dalila Akdim, il s’agit aussi d’un rêve qu’elle nourrit depuis son enfance.
Un parcours exceptionnel à découvrir dans cette interview.

Sûrement devenir architecte n’est pas un hasard dans votre vie mais bel et bien un choix. Comment Dalila Akdim est-elle devenue architecte ?

Oui devenir Architecte était un choix dès le départ, l’architecture pour moi est une passion et une très belle aventure que je vis chaque jour.
Je crois que mon enfance y est pour beaucoup de chose, étant enfant, j’ai eu la chance de vivre dans plusieurs villes du Royaume, où j’ai pu découvrir la diversité et la richesse de notre culture. Partant des régions du Sud avec l’architecture en terre des vallées présahariennes des Ksour et Kasbah, la médina de Marrakech et d’Essaouira avec ses forts d’inspiration portugaise, tout en arrivant à l’Architecture moderne du centre-ville d’Agadir.
Agadir, la ville qui m’a le plus marqué car j’y ai passé une grande partie de mon enfance, entourée des bâtiments emblématiques de l’architecture moderne au Maroc, édifiés lors de la reconstruction de la ville après le séisme des années 60, des œuvres architecturales et urbanistiques des grands Architectes marocains comme : Azagury, Zevaco, De Mazière, Amzallag et Ben Embarek.
C’est ainsi que j’ai grandi en s’initiant à une architecture marocaine à la fois authentique, diversifiée, plurielle et moderne.
Maintenant, je suis installée à Tanger, cette ville joyeuse, cosmopolite et multiculturelle à laquelle je m’identifie facilement, retrouvant cette ressemblance implicite avec ma personnalité.

Quel a été votre cursus d’études ?

Après mon baccalauréat, j’ai fait l’Ecole Nationale d’Architecture de Rabat, où j’ai obtenu mon diplôme d’Architecte. Quatre ans après, j’ai décroché le Diplôme Supérieur en Architecture du Patrimoine délivré conjointement par l’ENA de Rabat et l’Ecole de Chaillot de Paris.
Ce qui me passionne le plus en Architecture, c’est qu’il s’agit d’une discipline transversale où convergent plusieurs autres disciplines c’est un art savant qui englobe une multitude de champs de connaissance : de l’art plastique jusqu’au génie civil, en passant par l’économie, la sociologie, le patrimoine…et autres ; pour moi, Etre un bon Architecte est d’abord être un grand passionné de la vie et de la connaissance.
J’ai fait des études post diplôme spécialisées en architecture du patrimoine car j’ai l’ultime conviction que le patrimoine de notre pays est d’une grande richesse mais qui reste mal exploitée, alors qu’il possède un grand potentiel économique capable de générer une vrai dynamique de développement économique.
En plus, au niveau économique, le patrimoine possède le pouvoir de créer cette particularité et spécificité d’un territoire pour le faire distinguer au niveau mondial et le positionner dans le marché comme un bien à part entière.
Pour notre pays – où la question du développement économique est prioritaire- le patrimoine constitue un vrai capital à investir dans le développement socio-économique.

Vous êtes architecte à l’Agence de développement des provinces du Nord (ADPN) et vous êtes chargée de gérer des projets très sensibles, dont celui de la restauration des Arènes de Tanger. Quelle est exactement votre mission dans ce cadre et quels autres dossiers supervisez-vous en parallèle?

« La conservation du patrimoine comme outil de développement » est mon aspiration depuis mes années d’études, l’Agence pour la Promotion et le Développement Economique et Social des Préfectures et Provinces du Nord du Royaume, m’a permis d’œuvrer davantage pour la réalisation de cet objectif.
Mon travail au sein de l’Agence se fait dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire d’ingénieurs, de financiers et de cadres administratifs et nous travaillons en collaboration avec des partenaires publics pour assurer la mise en œuvre et la bonne gestion des projets qui promeuvent le développement dans la Région du Nord.
Actuellement, je gère un ensemble de projets de développement dans les Provinces de Tétouan, Larache et dans la ville de Tanger ; entre autres, des projets à grande valeur patrimoniale, notamment : le projet de réhabilitation de la Plaza de Toros et le projet de restauration du théâtre Cervantès, ces deux monuments emblématiques de la ville de Tanger et de la mémoire collective des tangérois.
Les projets à caractère patrimonial revêtent une grande importance au sein de l’Agence du Nord et ils sont directement supervisés par le Directeur Général qui accorde une intention particulière à ce genre de projets à valeur culturelle, historique et identitaire.
Ma mission en tant qu’Architecte du Patrimoine au sein de l’APDN, consiste à assurer la gestion et le suivi de la réalisation des projets depuis les études jusqu’à l’achèvement des travaux tout en veillant à la fois, sur la sauvegarde de l’authenticité des bâtiments patrimoniaux et sur leur intégration dans une dynamique de développement socio-économique.
Cette équation s’avère primordiale au sein de l’Agence du Nord qui œuvre d’abord pour le développement économique et l’amélioration des conditions de vie des populations de la Région du Nord.

Est-ce que Tanger peut être classée patrimoine mondial de l’UNESCO ?

En tant qu’Architecte du Patrimoine ayant bénéficié de plusieurs formations de l’UNESCO concernant la convention du patrimoine mondial et la classification des biens culturels, je ne peux que confirmer le grand potentiel patrimonial de la ville de Tanger qui mérite d’être classée patrimoine mondial de l’UNESCO.
D’ailleurs, l’Agence du Nord avait organisé deux ateliers de réflexion autour du classement de la ville de Tanger sur la liste du patrimoine mondial.
Les deux ateliers ont connu la participation d’experts nationaux et internationaux qui ont échangé autour du potentiel de la ville et qui ont confirmé à l’unanimité sa valeur universelle exceptionnelle ; d’abord de par sa situation géographique sur le détroit entre deux mers et deux continents ainsi que par son identité multiculturelle illustrée à travers son tracé urbain historique et ses monuments, témoignant d’une coexistence harmonieuse de plusieurs cultures et plusieurs religions dans la ville. 

Jusqu’à quel point 2021 est-elle une année spéciale pour Dalila Akdim au niveau professionnel ?

L’année 2021 est une année spéciale pour moi car j’ai eu l’honneur d’intégrer le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes de Tanger ; où j’occupe le poste de Vice-Présidente, c’est un grand honneur d’avoir la confiance et le soutien de mes consœurs et mes confrères de Tanger qui m’ont élue pour faire partie de l’équipe du CROAT.
A travers ce poste j’aspire à joindre mes efforts à ceux de toute l’équipe afin de pouvoir améliorer les conditions de l’exercice du métier d’Architecte que ce soit dans le secteur public que dans le secteur privé et promouvoir le rôle de l’Architecte en tant qu’acteur majeur dans le développement de la Région.

Dalila Akdim dans sa vie personnelle, elle est comment? Quels sont vos hobbies, vos préférences en lecture, en sport?

Dans ma vie personnelle, je suis quelqu’un qui croit en l’équilibre comme chemin du bonheur. J’aime diversifier mes activités et J’aime faire tout ce qui entretient ma santé physique, mentale et spirituelle : alors, je fais du sport (principalement le jogging et la natation), du yoga qui m’aide beaucoup pour la concentration et la relaxation, j’aime aussi les voyages et la lecture, ces deux activités me permettent de s’ouvrir sur d’autres cultures et découvrir d’autres horizons et je les considère comme une thérapie efficace contre les maux de nos jours comme le stress et l’anxiété.

Propos recueillis par Abdeslam REDDAM