Si on se limite juste à juger l’action des autorités, qui se sont attaquées à la lutte contre les constructions anarchiques dans diverses zones de la périphérie deTanger, et dire que cette action est bonne ou abusive, on n’aura rien compris dans cette affaire.
Le problème est beaucoup plus profond qu’il le paraît et concerne d’abord le rôle de deux éléments essentiels dans ce dossier: le rôle exact des autorités responsables (toutes les institutions concernées) et celui de la « mafia » qui met la main sur tous les terrains nus, forêts et espaces verts aussi bien à Tanger que dans tout le territoire marocain.
Pour ne citer que le cas de Tanger, la spoliation des terrains, forêts et zones vertes a démarré peu de temps après la décennie suivant l’indépendance. D’abord après le départ des familles Tangéroises, juives et catholiques, qui avaient abandonné leurs biens patrimoniaux croyant qu’ils étaient bien protégés par la loi marocaine. Tout le monde sait à Tanger, en effet, que nombreux sont les biens de cette communauté qui ont été spoliés, devenant du jour au lendemain propriétés privées de X ou Y et revendus, plus tard, pour être remplacés par des immeubles appartenant aux nouveaux riches de la ville.
Il y a ensuite ces terrains de plusieurs hectares appartenant notamment aux eaux et forêts, ou au domaine public, où ont été construits des quartiers entiers de bidonvilles, ou même des logements économiques et sociaux qui ne devaient jamais y être bâtis. Et il y a finalement toute cette zone périphérique de la ville où des hectares de terrains ont été morcelés et vendus illégalement à des pauvres citoyens, ne connaissant pas la loi ou préfèrant rester en marge de celle-ci, jusqu’à tomber finalement dans ses pièges.
La loi ne pardonne pas. Malheureusement, cette même loi n’est appliquée que d’un seul côté, celui de la victime. Les autorités concernées ferment leurs yeux et la mafia a vendu les terrains spoliés faisant des bénéfices en milliards de Dirham sans jamais être inquiétée.
Qui est finalement le premier responsable de cette dramatique situation?
Juste avant la pandémie du Coronavirus, une nouvelle loi est venue responsabiliser les architectes de tous les actes de la construction, les menaçant même de dures condamnations en cas de non-respect de ce qu’elle stipule comme obligations. Comme si tous les ministères concernés par ce secteur ne savaient pas auparavant que la responsabilité des architectes est beaucoup plus limitée en comparaison avec celle des établissements dépendant de leurs propres départements ministériels, ceux des ministères de l’Intérieur et de l’habitat tout spécialement…
Plus de 90% des constructions anarchiques bâties à Tanger le sont sans aucun plan délivré par un architecte. Et sans aucune autorisation de construction respectant véritablement les lois en vigueur, sinon des autorisations délivrées par qui de droit mais sans aucun respect de la loi.
A la fin, celui-là même qui délivre ladite autorisation revient plus tard avec un ordre de démolition exécutable sur place.
Qui est victime de cette abominable situation ? La ville d’abord, entièrement défigurée à partir des années 1980, et ces milliers de pauvres citoyens qui ont perdu toutes leurs économies.
A la fin, la solution la plus facile pour les autorités est de démolir les maisons anarchiques sans aucun dédommagement et surtout sans jamais couper la tête du serpent.
A.R.