L’hôtel Cecil fait désormais partie du passé. La seule façade qui restait de ce bâtiment a été démolie, le mardi 30 mars, en présence des représentants des autorités locales.
Cette façade, dernier témoin du passé glorieux de cet exceptionnel hôtel de Tanger, avait longtemps résisté comme gardant un ultime espoir de voir le bâtiment renaître de ses cendres.
Un espoir qui avait existé durant les dernières années quand une pancarte avait été affichée devant ce qui restait de ce mur, annonçant la réhabilitation de l’hôtel. Cecil devait revenir mais ne l’a pas fait, comme si le destin de Tanger était de perdre la majorité de ses grands monuments historiques et de n’en sauver que très peu.
Et définitivement, l’hôtel Cecil a disparu, faisant partie du lot de ces bâtiments qui avaient tant de valeur mais qui ont subi le même maudit sort de l’abandon et la même malédiction des hommes.

A rappeler que les pluies diluviennes tombées à Tanger dursnt février dernier avaient provoqué l’effondrement d’une partie de la façade de l’hôtel.
Une façade que le ministère de la Culture avait classé en 2017 comme patrimoine historique de la ville qui ne peut être altéré. Mais pour quelles raisons exactement si, à l’intérieur, l’hôtel Cecil n’existait déjà plus ?

Voici la vraie histoire du Cecil


Selon un article des historiens Andrew Clandermond et Terence MacCarthy intitulé «Il n’y a pas de meilleure direction!  Une brève histoire sociale de l’Hôtel Cecil, Tanger », l’hôtel a été construit en 1865.
C’était l’un des premiers hôtels de Tanger après le Continental, et le premier à être construit face à la mer, directement sur la plage, exactement sur l’ancienne avenue d’Espagne, aujourd’hui avenue Mohammed VI.
Il a été inauguré sous le nom d’Hotel New York, mais après quelques réformes d’agrandissement, au début du XXe siècle, il a été nommé Hotel Cecil.
Les documents officiels affirment que l’hôtel Cecil appartient à une famille « Tangéroise » Hindoue qui possède plusieurs propriétés immobilières sur cette même avenue, sur le boulevard Pasteur et dans la Médina.
Aujourd’hui le nombre des héritiers de cet établissement dépasse 120 personnes. C’est la raison pour laquelle aucune solution n’avait été trouvée pour sauver le Cecil, puisque tous les héritiers vivent à l’étranger et n’ont aucun représentant légal à Tanger. Même leur avocat est également décédé il y a quelques années.
A cause de cette impasse, le ministère de la culture voulait « racheter » le bâtiment tombant en ruines pour la somme d’un Dirham symbolique. Une association a d’ailleurs été créée dans ce but et c’est ce qui explique la pancarte informant l’opinion publique de la relance du projet de la reconstruction de l’hôtel Cecil.
L’autorité voulait à tout prix mettre la main sur cet établissement, oubliant deux points essentiels : d’abord il est impensable que les 120 héritiers acceptent tous ce deal, puisqu’ils savent que le terrain coûte une fortune, et d’autre part il existe dans cette affaire un gérant légal (feu Bouanani) possédant un contrat de bail et un fond de commerce qui datent de plusieurs décennies. L’ancien gérant de l’hôtel Cecil avait également signé un accord avec les propriétaires du bâtiment lui garantissant le remboursement de tous les frais des opérations de rénovation et réaménagement de l’hôtel dont la facture s’élève actuellement à environ 600.000 DH.
Faut-il rappeler par ailleurs que l’essentiel désormais n’est pas de se lamenter devant ce mur démoli ni de savoir si oui ou non l’hôtel Cecil serait reconstruit ? L’essentiel aujourd’hui est de protéger les carreaux de zellige habillant les murs intérieurs de l’hôtel et que ceux qui avaient volé les carreaux des murs de la Villa Perdicaris ne répètent pas leur vandalisme à l’avenue Mohammed VI.

L’hôtel avait des chambres spacieuses et aérées avec éclairage électrique, terrasses et gazebo, ainsi qu’un court de tennis sur gazon.
L’hôtel était un lieu de prédilection pour les familles royales telles que le prince Louis Philippe, le duc d’Orléans et petit-fils du roi Louis Philippe Ier de France, la princesse Margaret Mathilde de Saxe, le prince d’Italie Charles Murat, et la princesse Schoenburg et RB Cunninghame -Graham , entre autres.
Le roi Mohammed V avait aussi séjourné à l’hôtel Cecil lors de sa visite à Tanger en 1947.
Une partie de cette histoire est très bien protégée par la famille Bouanani qui gérait l’établissement. Elle représente un énorme trésor qui pourrait être exposé si un jour l’hôtel est reconstruit.
A. REDDAM