Il y a des villes dans le monde qui jouissent d’une légende, d’un attrait supplémentaire aux yeux du reste de l’humanité, et cet intérêt légendaire repose sur des éléments très différents qui lui donnent enfin son propre profil, clairement identifié et avec un pouvoir de séduction par rapport aux autres villes, plus modernes, plus logiques, plus propres, plus cosmopolites. Et l’une de ces villes est Tanger, dont l’attraction est associée à celle de Shanghai, Beyrouth ou Vienne dans un autre concept. Il y a des villes et il y a aussi des boulevards qui en sont le cœur. C’est le cas du boulevard Pasteur pour Tanger!
Dans un livre délicieux, « Un cierto Tánger, » son auteur, Fernando Castillo, affirme à la page 13 « que défilent des événements, des lieux, des objets, des écrivains, des artistes et des livres, formant une mosaïque de mandarine avec ce ton clair-obscur qui caractérise la ville ». Et plus tard, il donne une impression esthétique en soulignant que Tanger chérit les «odeurs anachroniques», qui sont «l’odeur de la mer, un souk aux épices, des parfums ambrés, et de la verveine, du poisson, de la viande et du cuir, des odeurs anachroniques, qui se joignent au bruit des voitures et des motos, ils nous avertissent que c’est Tanger»· (p. 23).
Dans ce paragraphe ou l’autre, le lecteur imagine entre autres belles choses, cette terrasse du café de Paris, ou de France, juste en face desquelles le somptueux bâtiment du Consulat de France. Comme beaucoup d’autres cafés et restaurants du boulevard Pasteur, ces deux grands cafés étaient les lieux où aimaient se donner rendez-vous les écrivains, les espions et les diplomates qui vivaient à Tanger.
Un boulevard qui réunissait différents personnages pour différentes raisons allant de Paul Bowles à Paul Morand qui s’est réfugié à Tanger fuyant son statut d’ambassadeur du gouvernement de Vichy, où encore la «mythique femme fatale». Marga d’Andurain, originaire de la ville de Bayonne, qui était une double espionne – pour la France et l’Angleterre – et qui a disparu en 1948 alors qu’elle traversait le détroit avec son yacht…
Et grâce aussi à la librairie des Colonnes où Jack Kerouac, Gore Vidal, Allen Ginsberg, Juan Goytisolo, Luis Escobar, Jean Genet, Truman Capote, Tennessee Williams, Francis Bacon et le précité Paul Bowles et bien d’autres grands écrivains et artistes sont toujours présents sur ce boulevard.
En un mot, Castillo a raison de conclure ce livre avec la réflexion bien écrite par Eduardo Haro Tecglen, (page 233) «Tanger ne déçoit pas, pas même ceux qui persistent à chercher les restes de la beat generation, des brillants réfugiés de l’après-guerre ou les bad boys des années 60 dans les cafés, bars, clubs autour du boulevard Pasteur ou entre les palmiers du fabuleux hôtel El Minzah et de la Villa de France… »