D’un enfance grenobloise à la Jérusalem juive, de Tanger à Ramallah, Philippe Guiguet Bologne nous invite à un voyage tout en légèreté, qui constitue le quatrième volet d’un cycle poétique initié avec Prémisses. Dans ce premier opus, qui faisait office de petit manifeste pour la série entière, l’auteur s’était volontairement astreint à écrire une poésie arythmée, à l’os, dépourvue de séduction et de plaisir, pour y exprimer l’expérience de la trahison dans une langue mise à nu, à l’épreuve de sa propre littérarité ; s’en suivirent Tacles, sur l’abandon¸ et Check-point sur la désappropriation – de l’identité autant que d’une terre -, qui tous deux tentèrent de redonner de la chair à l’expérience humaine, aussi grave fut-elle, ainsi qu’à celle poétique. Avec Souffles, Philippe Guiguet Bologne s’octroie à nouveau le droit du plaisir et de la légèreté, de la fluidité et de l’envoûtement. Les pentes de la médina de Tanger sont parcourues de rires, le soleil nourrit son petit monde, et l’espoir rayonne dans l’air transparent ; Jérusalem est entièrement comblée d’ardeurs amoureuses, amicales et spirituelles ; la résistance devient un long chant plein d’une douce mélancolie et de sourires, si ce n’est un parcours à travers une terre supposée sainte, une chambre noire photographique sur l’épaule. Cette ode à l’amitié, qui passe par l’amour pour en exprimer toute l’exaltation, est heureuse de renouer avec la joie de vivre et celle de célébrer les plaisirs encore possibles. Souffles, dont la couverture a revêtu le vert de l’espérance, est accompagné d’un dessin du plasticien Younes Rahmoune. L’ouvrage est tiré à cinq cents exemplaires , dont deux cent cinquante numérotés et signés par l’auteur. Le livre est publié par les éditions des frères Slaïki, à Tanger.

Extrait :
Là débute tout ce qui se peut de suspens
Quand dans un ciel de traîne et d’ennui
S’écoule un lent mouvement de temps
Immobile presque et prêt à s’effacer
Où je démêle ce qui nous reste de souffles
En tisse un linceul au fil de l’inspiration
T’en couvre aimant les cheveux et l’épaule
Puis le hisse haut en voile de notre Argo

À ferler tout ce qui de nous était advenu
Élevés au sommet de ce que nous sommes
Feulant tels des vents à leur propre piège
Ivres de nos vertiges attisés de tels faîtes

Oh là là ! Que nos plaisirs furent impies !

Je t’ai aimé comme on prépare une guerre

Viens et chuchote en moi tes doutes
Nous fûmes jeunes ne t’en déplaise
D’une vie pleine d’elle-même
Et de l’arrogance des libertés comblées

T’ai-je déjà raconté le chergui ?
Il est la couleur du détroit
Un souffle de ses deux infinis
Où gisent de vieux fantômes
Ceux épris des courants étamés
Et de nos mélancolies bleutées