« Ou qu’on n’a rien compris ou on le fait exprès! Mais la manière dont est menée la restauration des bâtiments historiques de la Casbah de Tanger est une nouvelle démonstration du manque terrible du savoir-faire chez les sociétés qui en sont responsables ». Ce témoignage résume l’inquiétude d’une bonne partie des Tangérois qui reste mal informée sur les différents projets de réaménagement actuellement cours de réalisation.
« Cette main d’oeuvre est tout simplement nulle dans ce domaine qui nécessite pourtant un savoir-faire exceptionnel », lit-on encore sur les réseaux sociaux.
« Dire à un restaurateur professionnel de bâtiments historiques qu’à Tanger on couvre des murs de pierres datant de plusieurs siècles avec du mortier, c’est comme insulter ce métier et tout ce qui est historique dans le monde », ajoute une autre source.
Ces témoins ont tous l’impression que personne ne veut protéger les bâtiments historiques qui sont la seule et unique identité existante de Tanger.
La preuve est vécue quotidiennement à travers les ruelles de l’ancienne Médina et sa Casbah.
Quand certains ouvriers font l’horreur à la terrasse de Bab Marsa, d’autres signent la catastrophe sur les murs des bâtiments de la Casbah.
Mais jusqu’à quel point cela est-il vrai?
Est-il vrai aussi que cette équipe qui restaure les monuments de l’ancienne Médina est tout simplement composée de « nuls » qui n’ont aucune notion ni de ce que veut dire patrimoine et histoire, ni de la valeur d’une ville comme Tanger?
En matière de restauration des bâtiments historiques, la première leçon est pourtant très claire: « les façades et l’intérieur de ces édifices ne doivent jamais être modifiés ou changés ».
Historique veut dire garder à un espace son origine de toujours et son cachet et ne jamais utiliser une autre matière qui efface l’originale.
Selon des experts contactés par La Dépêche, c’est exactement ce qui se fait dans cet énorme chantier Tangérois. Certes il se peut qu’il y ait des erreurs ici et là (le cas des canalisations de la terrasse de Bab Marsa est édifiant), mais en général ces projets touchant les bâtiments historiques de l’ancienne Médina et sa Casbah, respectent à 100% l’état original de ces bâtiments tel que retrouvés dans d’importants archives constitués essentiellement de photographies datant du début du 20e siècle.
A titre d’exemple, la façade du bâtiment de l’ancienne prison de la Casbah n’a jamais été construite en pierres uniquement (voir photo).
Adil Hafidi Alaoui, président de la Fondation Tanger Al Madina explique son point de vue:
« La réhabilitation ou la restauration d’un monument ou d’un patrimoine n’est pas une chose facile et même définir «préserver à l’identique» n’est pas aussi évident. Il y a l’histoire de l’architecture et l’histoire de construction et en fonction de cette dernière l’enduit est utilisé pour assurer une fonctionnalité et surtout préserver contre les infiltrations etc …
Par la suite, l’utilisation de la chaux qui est avant tout un matériau traditionnel a été largement utilisé autrefois et techniquement on peut l’utiliser tout en améliorant ses caractéristiques par l’ajout d’adjuvants, ce qui est une chose largement pratiquée et répandue.
Je pense qu’il y’a juste un problème de communication, souvent les gens réagissent par amour à la culture et au patrimoine et ils ne souhaitent que le bien pour notre chère ville et surtout d’être informés. J’avais proposé à plusieurs reprises de nous associer à ces projets soit comme Fondation Tanger Al Madina ou comme université pour associer nos étudiants à ces travaux pour qu’à la fois on assure une transmission du savoir et également pour communiquer autour de ce qui se fait et d’avoir un relais à la fois compétent et amoureux de son patrimoine ».
Et à Jaber El Hababi d’insister sur l’importance de bien communiquer avec l’opinion publique: « La restauration du patrimoine n’est pas chose facile oui, effectivement, et elle créera toujours débat. C’est bien pour cela qu’il faut communiquer ( conférence de presse ) sur les travaux en cours et à venir et informer les Tangérois qui ne cherchent qu’à avoir un espace protégé et mieux vivre. Ils veulent participer, qu’il y ait débat et qu’ils se sentent acteurs également, parcequ’ils sont orphelins et n’ont pas de représentants qui parlent au nom de la ville.
Et le bétonnage des sols et ruelles? Et ce pvc suspendu? Et les sous terrains fermés
Parlez en… ! »
Oui, absolument. Une conférence de presse autour des projets de l’ancienne Médina et sa Casbah s’impose.
A. REDDAM