Moment inoubliable à la Légation Américaine de Tanger. Le jeudi 28 mars 2024, lors d’un Ftour pas comme les autres, l’Ambassade des États-Unis à Rabat y a rendu un vibrant hommage à Rabha El Haymar, une femme dont l’histoire est une énorme leçon de la vie.
En présence du Wali de la région, M. Younes Tazi, et de l’Ambassadeur des États-Unis, M. Puneet Talwar, une cinquantaine d’invités a eu l’honneur d’assister, ce soir-là, à un scénario qu’on a rarement la chance de vivre.
Accompagnée d’Ithimad Bouziane, Jen Rasamimanana, la directrice de la Légation Américaine de Tanger, voyait passer devant ses yeux, sans doute, l’un des plus beaux moments de l’histoire récente de cette institution.
“Je suis honorée d’être reconnue par les États-Unis, parmi ces femmes formidables et d’horizons divers que j’ai eu la chance de rencontrer ici, à Washington. En partageant nos histoires et en apprenant de nos expériences, nous avons découvert que le fil conducteur dans nos parcours respectifs est effectivement le courage, associé à la resilience”.
C’est la déclaration que Rabha El Haymar avait fait à la presse lors de son voyage à Washington, il y a quelques semaines, où elle a reçu le prix IWOC 2024. Même sentiment à Tanger, peut-être ressenti doublement dans cette magnifique Légation lieu de son travail et sa deuxième famille.
Émue, Rabha était très heureuse lors de cette seconde cérémonie lui rendant hommage. Ses expressions étaient un cocktail de petites larmes quand elle regardait pour la énième fois ce grand reportage que lui a dédiée la cinéaste britannique Deborah Perkin.
Les deux tiers des invités étaient des femmes, dont Lalla Malika Alaoui, Hanae Bekkari, des avocates membres d’associations défendant les mamans célibataires ou victimes de mariage forcé alors qu’elles étaient encore mineures.
Rabha a été obligée de se marier à l’âge de 14 ans avec un cousin habitant très loin de son village natal, muet et surtout extrêmement agressif. Elle raconte que durant deux ans de mariage (officialisé par une simple lecture de la “Fatiha” devant un Fquih et dans l’absence des Adouls), elle était tout le temps battue et “violée” par un mari qui a toujours refusé de reconnaître qu’il était le légitime père de sa fille, la belle Salma.
C’est après avoir abandonné cet enfer que Rabha a décidé de mener sa propre guerre. Elle voulait que sa fille ait son nom de famille et l’accès à l’école, comme tous les enfants du monde. Après tant de batailles, elle a gagné sa guerre obtenant le droit de sa fille à obtenir ses droits. Rabha a aussi eu la reconnaissance du monde entier, et son histoire va sûrement aider à changer les droits des femmes au Maroc.
Depuis 2007, le prix IWOC décerné par le secrétaire d’État des Etats-Unis d’Amérique, a reconnu plus de 190 femmes de plus de 90 pays, ayant fait preuve de courage, de force et de leadership exceptionnels dans la promotion de la paix, de la justice, des droits humains, de l’équité et de l’égalité des sexes, ainsi que de l’autonomisation des femmes et des filles, dans toute leur diversité – souvent au prix de risques et de sacrifices personnels considérables.
Le film documentaire intitulé Bastards. Diffusé à la télévision nationale marocaine et projeté dans le cadre de festivals de cinéma internationaux, sensibilise le public au parcours des mères d’enfants sans papiers, et aux lois de la famille marocaines qui permettent aux femmes dans la situation de Rabha de réclamer justice.
Abdeslam REDDAM