Abdellah Khairouni: Un autodidacte qui dépasse les grands artistes peintres
Dans sa librairie/galerie les Insolites de la rue Vélasquez, Stéphanie Gaou organise, jusqu’au 12 novembre prochain, l’une des plus belles expositions d’un peintre pas comme les autres.
Abdellah Khairouni est un pur autodidacte aux dons multiples. Professeur d’anglais vivant à Tanger depuis 2007, il est surtout un artiste peintre au talent exceptionnel.
Comment Abdellah Khairouni a découvert l’artiste peintre qu’il est devenu?
Depuis tout petit j’étais toujours fasciné par le dessin. J’ai eu des amis et des collègues de l’école qui étaient de très bons dessinateurs et cela m’encourageait à le faire moi aussi, sauf que j’ai été un très mauvais dessinateur. J’avais toujours raté mes tentatives. La dernière fois que je l’ai fait, j’étais en 6e année secondaire. J’avais dessiné le portrait d’une femme, avec un stylo vert. C’était très mauvais. Là j’ai compris que ce n’était plus la peine de continuer. Je me suis alors tourné vers la poésie. Toute cette période se passait à Ouezzane, ma ville natale. Après avoir obtenu mon baccalauréat, je suis parti à Kenitra pour y poursuivre mes études universitaires. J’ai obtenu ma licence en langue et littérature anglaise en 2004.
Durant ces années je me suis plongé dans la vie politique au niveau estudiantin en laissant de côté mon amour à l’art qui m’a toujours fasciné.
Et comment vous vous êtes retrouvé de nouveau sur ce chemin?
C’est surtout grâce à la littérature. Aux livres. J’ai lu beaucoup de livres en arabe et en anglais. Lire des chefs-d’œuvre de la littérature arabe et anglaise m’a permis plus tard d’écrire des textes, des analyses et des chroniques, notamment dans des magazines et des revues étrangères, suédoises en l’occurrence.
Après avoir obtenu ma licence, j’ai passé quelques temps en chômage, j’ai pu intégrer un centre de la langue arabe classique et du dialecte marocain où je donnais des cours de la langue arabe à des étrangers. C’est durant ce moment là que le changement du cap a réellement commencé.
Durant cette période, j’ai fait la connaissance de deux étudiantes étrangères qui me faisaient toujours voir leurs dessins et peintures, et puis il y a aussi mon ex amie, professeure de la langue allemande en Jordanie, qui était une très bonne peintre.
Ce sont donc tes amies qui t’ont redonné envie de redessiner de nouveau?
En effet, c’est sûrement grâce à elles que ce rêve m’est revenu et a resurgi en moi. La preuve, quand je commençais à écrire des poèmes ou des textes littéraires, j’avais ma main qui abandonnait l’écriture pour aller vers le dessin. Les traits ont toujours éloigné les lettres et les remplaçaient. C’était devenu automatique. Le peintre essayait toujours de revenir, de s’installer en moi.
Et quand est ce que l’artiste peintre l’a définitivement remporté sur l’écrivain et le poète ?
C’était à Tanger où je suis arrivé pour travailler comme commercial. J’avais découvert la galerie Delacroix de l’Institut français et cela m’a permis de découvrir énormément d’artistes Marocains et étrangers. Grâce à cette galerie, j’ai aujourd’hui de très bonnes relations avec beaucoup d’artistes et même des écrivains.
Et qui a été à l’origine de votre relation avec la Beat generation que vous aimez tant dessiner jusqu’à être le sujet principal de votre exposition à la librairie/galerie les insolites?
Quand j’étais étudiant à la faculté de Kenitra, j’avais eu l’énorme chance d’avoir comme professeur, Mourad el Mkinsi, qui est un grand romancier. Un jour, il nous a raconté son voyage à Tanger avec d’autres étudiants pour découvrir le monde de Paul Bowles, sa femme Jane et ses amis de la Beat generation.
Depuis, ce nom est resté gravé dans ma mémoire. Plus tard, quand je suis devenu professeur d’anglais, mon amie m’avait envoyé un livre de Paul Bowles. Il était le premier roman que j’avais lu de lui, suivi par plusieurs autres livres pour ne pas dire tous.
A travers ses livres, Paul Bowles m’a permis de plonger dans sa vie personnelle et celle de tous ses amis formant la Beat generation. Mais il y a aussi toutes ces histoires racontées par les Tangérois qui sont aussi fascinantes que les romans.
Quand j’étais professeur à Oulad Berhil, petite ville près de Taroudant, j’ai aussi pu découvrir la vie et le personnage de l’artiste espagnol Claudio Bravo qui a vécu dans cette région.
Quand les gens regardent les tableaux, ceux qui connaissent bien la vie de Paul, Jane Bourrow et Choukri, savent automatiquement que leurs toiles racontent une histoire qu’ils avaient déjà lu dans un roman. Mes tableaux représentent en effet une histoire de la vie de ces artistes, et sont le résultat de beaucoup de recherches et d’études que j’ai effectuées sur ces personnages.
En regardant une de mes toiles de Paul Bowles ou sa femme, les experts qui connaissent parfaitement leur vie y voient directement le roman qui raconte l’histoire de cette peinture, même son titre parfois.