Par Dr Soukayna Benjelloun

Je tiens à exprimer mon entière solidarité à tous les étudiants Architectes du Maroc qui sont en ce moment dans un grand moment de solitude et ont du mal à se projetter à cause de l’application du stage obligatoire de 2 ans post diplôme avant de pouvoir excercer en leur nom propre dans le privé, ce qui quelque part étire le cursus à 8 ans au lieu des 6 années classiques. Par devoir de réserve, et puisque j’ai déjà adressé un courrier aux membres du conseil National exprimant le fond de ma pensée, tout en restant convaincue qu’ils prendront la bonne décision même si je ne suis pas sur place avec eux, je voulais juste mettre le doigt sur d’autres questions d’ordre public qui aujourd’hui apporteront si tous nous efforts sont réunis, un dénouement heureux à cette affaire de stage sans créer de division au sein de la profession, car au vu des circonstances, et vu la crise du secteur BTP en général, le travail et les opportunités se font de plus en rares face au nombre d’architectes qui augmente de façon considérable d’année en année ce qui crée un déséquilibre entre l’offre et la demande.
Cette situation interpelle la gouvernance territoriale de toutes les ENA du Maroc ( école Nationale d’Architecture).
A mon époque il n’y avait qu’une seule ENA et une seule promotion d’architectes par an, à qui on offrait la possibilité de faire des stages même à l’etranger et de travailler en parallèle, pour ceux qui pouvaient le faire à partir de la quatrième année pour gagner en experience et en rémunération! Énorme opportunité pour un étudiant qui se forge et devient indépendant avant l’obtention de son diplôme…  Aujourd’hui elles sont plusieurs et la coordination de la formation entre toutes ces écoles se fait de façon verticale directement avec le Ministère de tutelle sans créer forcément une transversalité entre les territoires des ENA ce qui remet en cause la solidité de la formation dans ces écoles?
Ayant déjà été vacataire, j’ai observé de près ce système qui favorise les vacations au détriment des postes d’enseignants titulaires, sans pour autant imposer des cahiers de charges précis, et donc le seul gage de la qualité du cours dispensé dépendra uniquement de l’appréciation du directeur de l’école qui parfois autorise les vacataires privilégiés à dispenser des cours à distance même après la fin de la période du confinement obligatoire pour tous par exemple ! Et cela est dû au nombre de kilomètres parcourus par les architectes pour aller assurer des vacations. Certains font des allers retours Tanger tetouan pour dispenser des cours de 2 heures ou 3 !
Oui ! Parce que Tanger la ville qui concentre le plus grand nombre d’architectes n’a pas une école d’Architecture, il faudra pour ceux qui désirent enseigner en vacation se déplacer jusqu’à Tétouan ! Un écosystème qui ne crée aucune valeur ajoutée pour la ville de tetouan si ce n’est une emprunte carbone occasionnée par la navette des architectes vacataires …
Sans parler des concours de recrutement des professeurs titulaires, et là c’est une autre paire de manche. Quand on voit que des profils d’architectes et de plus docteurs écartés de ces concours ( et encore ces profils là se comptent sur le bout du doigt aujourd’hui au Maroc car ils ne sont pas nombreux !) Au profit de d’autres profils non architectes issus de la faculté pour la plupart, on se demande quelle plus-value pour la formation de futurs jeunes diplômés ?
Qui est plus apte à parfaire la formation d’un élève architecte ? Madame la ministre devrait sérieusement enquêter sur cette affaire si nous voulons que nos futurs architectes aient eu une solide formation à l’issu de leur cursus pour qu’ils soient prêts à exercicer juste après l’obtention de leur diplômes et pour que le problème de stage ne soit plus qu’une simple procédure de réforme des textes de loi en vigueur.