Des licenciés en droit, qui se retrouvent du jour au lendemain enseignants d’EPS, sans avoir la moindre notion sur le domaine

Ancienne enseignante d’éducation physique, Naima Filali est coach sportive professionnelle. Dans cette interview elle nous explique l’importance primordiale d’une activité négligée ou mal pratiquée par la majorité des gens.
Des idées très intéressantes à découvrir avec une femme qui a escaladé le Kilimandjaro.

Vous étiez prof d’éducation physique au lycée Moulay Youssef. Quel est votre avis sur le niveau de cette discipline aussi bien dans les écoles publiques et privées?

Si jai à donner mon avis, je dirais que le niveau des élèves était meilleur. Mes meilleures années étaient les plus belles. En effet, les élèves voulaient apprendre et même se surpasser.
Franchement, le niveau a vraiment baissé. Beaucoup de dispensés qui cherchent à avoir du temps libre au lieu de fournir l’effort requis par l’activité sportive.
Avant les dispensés, selon les instructions officielles, devaient participer au bon déroulement de la séance, d’une part ils profitaient des cours théoriques qu’ils notaient sur leur cahier de sport et d’autre part ils apprenaient  le sens de la responsabilité.
Dans le privé, je pense que la plupart des écoles primaires ne disposent pas d’installations sportives. Il faut signaler que la santé publique ne nous facilite pas la tâche en attribuant facilement ses autorisations.

Est ce que la matière de l’éducation physique dans ces écoles a été mal valorisée et quels sont les vrais bénéfices qu’on peut en tirer pour le bien-être des enfants et des adolescents?

Oui, la matière n’était pas au départ valorisée. Moi j’ai choisi cette discipline par vocation mais au fil du temps j’ai été déçue à cause du manque d’infrastructures et du matériel pédagogique, mais grâce aux élèves motivés qu’on avait, in faisait preuve de créativité pour le bon déroulement des séances.
Il faut dire que notre génération était la crème des enseignants. Nous avons su enseigner à nos élèves les valeurs de l’éducation physique et sportive, à savoir le respect de l’autre, le partage, l’entraide, le défi, la rigueur, la discipline…
Pour bénéficier d’un bon enseignement dans cette discipline, il faut d’abord former des professeurs qui ont déjà la vocation. Il faut également augmenter l’effectif des inspecteurs pour assurer le suivi.

Vous êtes actuellement coach sportif Comment définissez vous cette activité et quel est le rôle exact du coach sportif?

Vous savez, les professeurs d’éducation physique, les entraîneurs ont toujours été des coachs. Nous avons toujours été là pour nos élèves. Si je dois parler de moi-même, j’ai été la prof, la coach, la maman et l’éducatrice.
Je voulais donner et transmettre le meilleur de moi-même. Aujourd’hui, si je dois définir ce qu’est un coach sportif, je dirais c’est accompagner, écouter, identifier les besoins et aider à réaliser les objectifs.

Vous avez certainement votre point de vue personnel sur l’organisation et l’accompagnement dans certains clubs de sports et même dans certaines établissements scolaires privés. Est-il vrai que la méthode appliquée dans ces établissements laisse à désirer et n’est pas la bonne?

Comme je l’ai déjà dit, il faut revoir le recrutement du personnel sportif, à titre d’exemple des licenciés en droit, qui se retrouvent du jour au lendemain enseignants d’EPS, sans avoir la moindre notion sur le domaine. Le secteur n’investit pas suffisamment dans les espaces et le matériel, considérant la matière comme secondaire et non comme primordiale pour le développement physique et l’épanouissement de l’élève.
Concernant les clubs sportif, c’est une calamité vu que les coachs sont formés à la hâte, or l’encadrement nécessite un savoir-faire et un savoir-être.

En tant que femme qui a réalisé d’excellents exploits personnels comme celui d’atteindre le sommet du Kilimandjaro (et bien d’autres) pensez-vous que la majorité des femmes marocaines négligent un peu les vrais avantages de la bonne pratique de certaines activités sportives comme les ascensions des montagnes et les randonnées?

Si je suis ce que je suis aujourd’hui c’est que j’ai compris très tôt le rôle du sport dans la vie de toute personne. Le sport doit être intégré dans notre vie quotidienne depuis la petite enfance pour conserver un capital de santé, réduire le risque de souffrir de plusieurs maladies et problèmes de santé tel que l’obésité, améliorer l’humour et l’estime de soi, obtenir de meilleurs résultats à l’école et au travail.
Il faudrait que les parents s’impliquent et encouragent leurs enfants à être actifs. C’est surtout grâce aux parents que les enfants apprennent ce qu’est une vie active et saine. Et ce en participant en famille à des activités physiques régulières comme la randonnée qui offre de nombreux bienfaits aussi bien pour la santé mentale que physique. Elle libère la respiration, lutte contre l’obésité, réduit les risques cardiovasculaires et renforce le squelette et les articulations.
Je déplore que cette activité n’est pas pratiquée par les établissements scolaires. La randonnée permet à l’enfant, qui est habitué à vivre en ville, de découvrir la flore et la faune et de renouer avec la nature.
Moi, jai eu la chance de pratiquer très jeune le sport, j’ai touché à tout (handball, basket, voley, natation, danse moderne, judo, semi marathon et enfin les excursions).
Les femmes de tout âge doivent pratiquer cette belle et humble activité. La randonnée, oui, pourquoi pas escalader les montagnes, se lancer des défis qui pourraient améliorer la qualité de leur vie.
Actuellement très peu de femmes marocaines de 60 ans pratiquent cette discipline. Elles manquent de confiance en elles-mêmes, or le mental est très important.
En parallèle, la jeunesse féminine et masculine a pris conscience, ces dernières années, des bienfaits de cette activité.
D’après mon expérience, les organisateurs manquent de professionnalisme, surtout que le nombre des accidents ne cesse d’augmenter.
Être guide, c’est être un spécialiste de la montagne, c’est faire des études, connaître la flore et ma faune, en général avoir des notions en géologie et aussi en secourisme.
J’espère qu’un jour au Maroc on pourra former de vrais guides de montagne. En définitif, je crois en la jeunesse marocaine, inchallah les choses avanceront dans notre pays.
« Ose, fonce ne lâche rien » est ma devise de vie.

Propos recueillis par Abdeslam REDDAM