Joli reportage de Jeune Afrique qui a mis en exergue la relation du Roi Mohammed VI avec la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima et la Méditerranée. Extraits.
…Dans l’une des très rares interviews qu’il a accordées à la presse, en l’occurrence au Time, en 2000, «The King of Cool», comme l’a surnommé le magazine américain, déclare qu’il considère les palais royaux comme des «bureaux». À Rabat, après la naissance de ses enfants, le prince héritier Moulay El Hassan et la princesse Lalla Khadija, Mohammed VI s’est installé dans la résidence privée de Dar Essalam, qu’il a préférée au palais royal (Dar el-Makhzen), contrairement à son grand-père, Mohammed V, et à son père, Hassan II.
Mais s’il y a bien un palais qu’il a longtemps affectionné, c’est celui de Tanger, que Hassan II avait fait construire sur Jbel El Kebir («la grande montagne»), et qui surplombe à la fois la ville et le détroit de Gibraltar, au milieu des forêts de chênes liège et de pins. Moderne, simple, et malgré tout d’une beauté à couper le souffle, l’édifice est entouré de verdure. Des grilles en fer forgé blanches protègent ses fenêtres. Le palais, qui ressemble davantage à une résidence royale, est situé non loin du prestigieux hôtel Le Mirage et des Grottes d’Hercule. C’est d’ailleurs à partir du Mirage que le souverain emprunte un chemin privé, qui le mène à l’un de ses bateaux.
Le quartier, cossu et prisé, est souvent comparé à Malibu, en Californie. Au fil du temps, il est cependant de plus en plus difficile d’accès pour les badauds et les touristes estivaux. Pourtant, juste en contrebas du palais, vit un drôle de personnage, dans une sorte de bric-à-brac : Abdelghani, un artiste autodidacte, qui a sculpté un lion (symbole de la monarchie chérifienne) afin de rendre hommage au roi et qui a installé cette statue de sorte qu’elle soit visible depuis le palais…
L’amour de la Méditerranée
…Dès son accession au trône, en 1999, Mohammed VI a désenclavé la région, faisant de Tanger une vitrine de son règne, y lançant des chantiers structurants (le port de Tanger Med, des autoroutes, une marina, une zone franche, un grand hôpital universitaire…) et y attirant les investisseurs.
Ainsi, et pendant de longues années, le souverain a pris l’habitude de passer tous ses étés, du 1er juillet jusqu’au mois d’août, dans le Nord. À Tanger, bien sûr, mais aussi à Tétouan, M’diq ou Al Hoceima. C’est également au palais Marchane, à Tanger, ou au palais royal de Tétouan – classé au Patrimoine mondial de l’Unesco – qu’il a organisé de nombreuses fêtes du trône, des cérémonies de la Bay’a…
Dès l’arrivée des beaux jours, les villes de la région ont droit à un coup de neuf: les jardiniers municipaux fleurissent les ronds-points ; les trottoirs et les routes sont refaits ; les éclairages publics sont réparés… Autant d’indices qui signalent l’arrivée imminente du roi. Et, que ce soit les habitants, les résidents étrangers, les hôteliers, les restaurateurs ou les vacanciers, chacun éprouve un petit sentiment de satisfaction.
La côte nord-méditerranéenne n’en était pas moins une destination prisée depuis longtemps. Même sous le règne de Hassan II, une partie des notables de l’axe Casa-Rabat passaient leurs étés à Kabila (Tamuda Bay), Cabo Negro ou Martil, considérés comme la «Moroccan Riviera». La hype était déjà là, mais la présence de Mohammed VI a suscité un boom économique et créé un effet people. Le monarque met néanmoins un point d’honneur à préserver la région, notamment le littoral atlantique, de la spéculation immobilière.
Pourquoi un tel attrait pour le Nord, réputé pour sa beauté et pour son charme légèrement hispanique? Mohammed VI est un amoureux de la Méditerranée et des sports nautiques, en particulier du jet-ski. Au début de son règne, il n’était pas rare de le voir sur un scooter des mers ou au volant d’une Mercedes décapotable, et d’échanger quelques mots avec lui. Lorsqu’il amarrait son bateau dans la crique de Cabo Negro, des dizaines de jeunes sautaient dans l’eau en criant «Majesté, majesté!», dans l’espoir de lui parler.
En réalité, même s’il affectionne le palais de Rabat, Mohammed VI a jeté son dévolu sur une autre bâtisse: la villa de Lalla Fatima Zohra, sa grand-tante paternelle (disparue en 2014), située à M’diq, entre le Sofitel et d’autres résidences privées. Sa parente la lui avait prêtée pour un été, mais il a fini par la conserver. En échange, il a fait construire une autre villa à sa tante préférée. Grande sans être un palais, coquette sans être opulente, c’est une maison discrète que le roi a aménagée de façon très contemporaine et qui offre un accès direct à une plage privatisée…