Un des notaires les plus distingués et appréciés à Tanger, Maître Dahman El Mozariahi livre, dans cette intervieww ses avis sur divers sujets intéressant la profession, dont ces attributions que les adouls veulent aussi s’approprier.
Foncier, immobilier, garanties apportées aux investisseurs. Un tour d’horizon qui mérite la lecture.
Maître Dahman El Mozariahi, cela fait combien d’années maintenant que vous êtes notaire à Tanger? Et qu’est-ce qui a changé depuis?
Je suis notaire basé à Tanger depuis l’année 2000, donc cela fait 22 ans que j’exerce ce noble métier, après mes études et une période de stage de 7 ans durant lesquels j’ai pu avoir accès à des formations très solides.
Actuellement, la fonction de notariat est très bien développée au Maroc et assume un rôle essentiel dans les domaines du foncier et de l’investissement dans le royaume et aide notamment l’État dans la collecte des recettes.
Très récemment, l’ordre national des notaires au Maroc a mis en place une plateforme électronique très développée par le biais d’un logiciel de traitement et de gestion des dossiers, permettant aux notaires du Royaume de perfectionner la gestion des dossiers à l’interne des Études notariales, que ce soit au niveau de la rédaction des actes notariés, gestion des contrats, scan des documents et aussi au niveau surtout de la maîtrise de la comptabilité interne des dossiers des clients.
Ce même logiciel permet aussi l’accomplissement des formalités des actes notariés, à distance avec les administrations concernées, notamment l’administration fiscale (Enregistrement des actes, paiement des impôts et obtention des attestations fiscales) et aussi la conservation de la propriété foncière par l’inscription des actes notariés sur les livres fonciers à distance et en un temps très réduit par rapport à l’époque précédente et de nous éviter aussi les surprises qui peuvent brouiller le déroulement normal des inscriptions des actes sur les livres fonciers (apparition des charges foncières non existantes au moment de la signature de l’acte par les parties).
Je ne peux que confirmer et avec fierté, que nos instances représentatives ont réalisé un travail de qualité remarquable, que je leur félicite au passage, permettant au métier de notariat au Maroc de se placer parmi les meilleurs notariats du monde sur le volet surtout des formalités en relation avec les actes notariés. A titre d’exemple, pour une transaction immobilière normale (sans charges foncières sur le titre foncier) les formalités légales sont accomplies en moins d’une semaine.
Quelles sont les attributions des notaires les différenciant des adouls ?
La fonction de notariat est réglementée par la loi n°32-09 de 2011 qui a réservé à la profession plusieurs attributions dont les plus importantes reste la consignation des fonds.
Il s’agit d’une grande garantie donnée au notaire lui permettant de réussir sa mission, sachant qu’il est dans l’obligation du résultat vis à vis du client.
Cette mission est impossible à bien gérer sans les outils offerts par l’Etat, à savoir la réception des fonds chez la CDG (Caisse de Dépôt et de Gestion) en permettant aux notaires un double contrôle de gestion des fonds en amont et en aval.
Cette attribution distingue les notaires des autres professions. Je cite, bien sûr, les adouls qui n’ont pas le droit à la consignation des fonds.
Le notaire se retrouve ainsi très outillé pour traiter toutes les affaires dont il a la responsabilité de réussir auprès de ses clients.
Un autre point fort dans les garanties qu’apporte le notaire consiste dans l’accompagnement des investisseurs depuis la constitution de leurs sociétés, le bon déroulement de toutes les étapes en relation avec ces entités d’investissement, dont les transfert des actions, l’augmentation du capital, etc. On parle ici de tout ce qui touche la rédaction des clauses de tous les types de contrats nécessaires à ces investissements.
Il est aussi garant de la véracité du contenu de l’acte.
Et puis, l’autre distinction pour les notaires concerne la garantie et la confiance qu’ils apportent aux investisseurs étrangers. Ces derniers ont l’habitude de traiter, chez eux, leurs affaires dans des Etudes notariales, dans la confiance et la transparence. Ils n’ont aucune idée sur la dualité du notariat moderne et indigène (Adouls). Ces mêmes investisseurs, quand ils décident d’injecter des fonds et d’investir chez nous, ils demandent la même garantie dans les actes relatifs à ces investissements, qu’ils soient reçus et que leurs dossiers soient traités par les notaires.
Parlons un peu de la politique de l’État relative au foncier et l’immobilier. Quel est votre avis sur ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui. Quels sont les tops et les flops de ce secteur?
Depuis l’année 2000, l’État a mis en place trois programmes de logements. Le logement économique devenu logement social après 2008, le logement à faible valeur immobilière d’un montant ne dépassant pas 140000 DH, ayant connu un échec total depuis son lancement, et puis le troisième segment destiné au logement des classes moyennes et qui, lui aussi, pour multiplies raisons, n’a pas donné le résultat attendu.
Par contre, c’est le logement social qui a enregistré un grand succès. La différence avec celui de la classe moyenne est que le social a créé un équilibre entre les besoins des promoteurs immobiliers et de leurs clients, car pour ce segment, l’Etat a accordé des avantages fiscaux important aux promoteurs immobiliers (Exonération de tous les impôts et taxe) et a mis à leur disposition le foncier nécessaire pour construire les logements sociaux.
En plus, l’Etat a aussi présenté une aide sous forme de paiement à l’acquéreur d’une partie du prix de vente (prise en charge de la TVA sur prix de vente).
Concernant le segment des projets immobiliers pour la «classe moyenne», l’échec se justifie par le fait que là l’état a plutôt favorisé les acquéreurs plus que les promoteurs en leur réservant plusieurs exonérations.
Vingt ans plus tard, quelle est la situation de ce secteur?
Dans le projet de la nouvelle PLF 2023, le gouvernement a introduit de nouvelles mesures destinées à aider directement l’acquéreur marocain d’un logement au prix ne dépassant pas 300000 DH.
Pour en bénéficier, l’acquéreur doit respecter certaines conditions dont celle de ne pas être déjà propriétaire d’un bien immobilier, de ne pas avoir bénéficié des avantages accordés avant pour acquérir un bien immobilier, et s’engager à habiter son logement pendant au moins 4 ans.
Malheureusement, dans ce PLF 2023, le gouvernement n’a introduit aucune mesure en faveur du promoteur immobilier pour l’encourager à s’intéresser plus à ce segment d’habitat. Personnellement, je crois que le gouvernement a pensé que tous les avantages accordés ne sont que des dépenses fiscales et que finalement cela n’a pas donné les résultats escomptés.
A rappeler que pendant toutes les années passées, les aides accordées, notamment dans le segment du «social» ont dépassé 6 milliards de DH par an. Ces montants avaient pour but d’aider à la fois les couches sociales et les promoteurs à atteindre chacun leurs objectifs, soit un logement décent pour les premiers et des bénéfices pour les seconds.
Propos recueillis par A. REDDAM