Quand l’art devient orphelin de reconnaissance …
Quand la société trahit ses artistes …
Quand l’artiste est abandonné, laissé à son sort après une vie de création intense et généreuse …
Quelle douleur de se retrouver seul, sans soutien, marginalisé dans ses derniers jours, souffrant seul et en silence !

SOS! L’artiste-peintre Alami El Bartouli, cloué au lit et menacé d’expulsion !

Alami El Bartouli, peintre d’exception, figure aujourd’hui parmi ces nombreux artistes marocains oubliés. À l’aube de ses derniers jours, il est menacé d’expulsion du logement qu’il occupe depuis 65 ans à Tétouan. Est-ce ainsi que l’on rend hommage à un homme de talent, à un créateur qui a tant donné à l’art et à sa ville ? Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé. D’autres avant lui sont partis dans l’indifférence, comme si leur passage n’avait laissé aucune trace. Créateurs abandonnés, une mémoire effacée !
Notre première rencontre avec cet artiste remonte à 1990, lors d’un entretien publié dans le journal Libération1 , à l’occasion d’une exposition qu’il avait tenue à la Galerie d’Art moderne de Tétouan, du 3 au 14 mai de cette même année. Il y dévoilait des œuvres inédites, éclatantes de couleur, vibrantes d’authenticité.
Né à Tétouan en 1939 dans une famille modeste, Alami El Bartouli manifeste dès l’enfance une passion viscérale pour le dessin. Après des études primaires et secondaires dans sa ville natale, il part pour l’Italie, déterminé à suivre des études supérieures en archéologie romaine. Faute de moyens financiers et de bourse, il ne peut achever son troisième cycle. Contraint de rentrer au pays, il entame alors une carrière dans l’enseignement en tant que professeur d’arts plastiques au Lycée Qadi Ayyad de Tétouan.
Sur le plan artistique, il reconnaît une seule véritable influence : celle du maître espagnol Mariano Bertuchi2. Son œuvre est un hommage subtil et intense aux paysages, aux couleurs et à l’âme du Maroc.
Mais avant de percer dans les milieux artistiques, il traverse une longue période de maturation et de recherche. Il finit par développer une technique singulière, fondée sur « le Point » ou pointillisme3 – qu’il définit lui-même comme l’origine de toute création. «Toute écriture commence par un point», dit-il. “Le Point”, c’est la goutte de pluie qui donne la vie. C’est aussi, ajoute-t-il, l’image du sperme, symbole d’origine, d’essence et de perpétuation de l’être.
Son approche, unique, n’est pas passée inaperçue. Des visiteurs étrangers — allemands, anglais, latino-américains — découvrant son travail dans les années 90, furent émerveillés par l’originalité de sa méthode, qu’ils voyaient pour la première fois. Tous s’accordaient à dire que son art, par sa singularité et sa force expressive, ne ressemblait à rien de ce qu’ils connaissaient.
Aujourd’hui, son état de santé est préoccupant. Alité, moralement épuisé, il vit dans la détresse, dans l’indifférence générale.
Cet APPEL s’adresse à la société civile du Grand Tétouan, au ministère de la Culture, aux mécènes, aux amis des arts: venez en aide à cet artiste. Il a tant donné, avec passion et humilité, à l’art marocain. Ne permettons pas que le silence ensevelisse l’œuvre d’une vie.
Enfin, notre objectif à travers cet article est d’interpeller les consciences et de rendre hommage à un homme qui a servi sa ville natale, Tétouan, et son pays, le Maroc, avec amour, sincérité et abnégation. Un geste de reconnaissance et un soutien concret peuvent encore sauver son honneur et préserver sa dignité.

1-LIBÉRATION, du 1 Juin 1990, Le Point, c’est le commencement, p.18.
2-Né à Grenade en 1884,il est issu d’une famille originaire de l’île de Malte, ayant émigré à Grenade après l’invasion napoléonienne au XVIIIe siècle. Il réalise plusieurs voyages au Maroc tout au long de sa vie, passant par les villes de Sebta, Chefchaouen, Tanger, Al Hoceima et finalement Tétouan, où il s’établit jusqu’en 1955.
3Le pointillisme est un terme qui renvoie à un courant artistique et à une technique de peinture par touche théorisée par Georges Seurat dans les années 1880. Le pointillisme est la technique de prédilection des artistes du courant néo-impressionniste ce qui explique l’interchangeabilité des termes pour le désigner (…).
(Olivier Krakus, http:// olivier-krakus.com).