Mamans célibataires, veuves ou divorcées, elles sont des milliers de femmes qui affrontent, seules, des difficultés énormes. Une vie au bout de l’enfer !

Quelle définition peut-on donner à la monoparentalité féminine et à quel point est-elle présente au Maroc?

La monoparentalité féminine peu être définie comme étant un fait matrimonial et social qui a des conséquences diverses où il y a une femme seule, vivant sans conjoint, avec au moins un enfant à charge. Cette femme peut être une maman célibataire, une divorcée ou une veuve. Il s’agit, souvent, de femmes en situation difficile, en risque, qui sont affrontées à de nombreuses difficultés, dont  la pauvreté, la marginalisation et l’exclusion…
Au Maroc les familles monoparentales, notamment celles à monoparentalité féminine, représentent l’une des réalités familiales contemporaines qui ne cessent  de se développer depuis ces dernières  décennies. Cette situation sociale résulte, en majorité, de la séparation des parents, des  naissances hors mariages, de l’augmentation du nombre des divorcés et leur  précarisation  sociale.
Au niveau de la région Tanger-Tétouan, le recensement général de la population et de l’habitat de 2004 montre que les  mamans  célibataires ont enregistré une proportion de 12%.
D’après ces données statistiques on remarque que l’état matrimonial des femmes chefs de ménages, à l’échelle nationale et régionale, est en augmentation ; cette proportion  importante des ménages dirigés par des femmes non qualifiés, qui ont un faible niveau d’instruction, un faible accès au marché de travail, un revenu insuffisant ou quasi absent,  démontre la situation défavorable de ces femmes et leurs enfants.  Ces dernières souffrent, en effet, de nombreuses difficultés et contraintes d’ordre matériel, juridique, culturel, etc.

Quelles sont les difficultés majeures entravant la monoparentalité féminine ?

Il s’agit dabord de difficultés relatives à la représentation socioculturelle à l’égard de la monoparentalité féminine.
Le phénomène des mamans célibataires est un sujet qui commence à peine de sortir du tabou en raison de plusieurs facteurs à la fois religieux, culturels, traditionnels et sociétaux, dans le sens où la grossesse hors mariage est considérée comme une transgression de la norme religieuse et socioculturelle dans la société marocaine, ce qui pousse les familles à rejeter leurs filles en les considérant comme une honte et un déshonneur pour la famille.  Car « Une maman célibataire » ;  signifie encore une  déviance féminine menaçant le groupe dans son existence et  valeurs sacrées de la société.
Cette jeune mère se trouve dans l’obligation d’assumer sa responsabilité toute seule dès la période de grossesse, cependant le rôle de l’homme serait le plus faible possible, laissant la place dans l’imaginaire en tant que géniteur qui n’a pas d’existence.
Il existe aussi des difficultés d’ordre matériel  comme facteurs de stress.
Les femmes chefs de foyer vit dans des situations matérielles précaires quant au revenu à cause du chômage. A cause de leur pauvreté, ces femmes sont exposées davantage aux risques d’exploitation, de négligence, de manque des ressources, l’habitat dégradé ou surpeuplé…
Le chômage de ces femmes peut être dû à plusieurs facteurs, notamment la culture patriarcale, l’analphabétisme, l’absence de qualification ou même la préoccupation de la femme par son rôle reproductif.
Tous ces facteurs influent sur les possibilités d’insertion de ces femmes, chose qui pousse ces dernières à travailler de manière individuelle dans le secteur informel avec des revenus insuffisants.

Et sur le plan juridique existe-t-il là aussi des entraves?

Malgré les avancées enregistrées dans l’actuel code de la famille, la loi de lutte contre la violence à l’égard des femmes ( loi 103.13), il reste encore des difficultés et contraintes au niveau de l’enregistrement à l’état civil, l’enfant né d’une relation hors mariage, la pension alimentaire vu que le montant fixé par le juge ne sert pas à la scolarité, l’habillement, les soins de santé  de l’enfant, etc.
Si la femme a initié la demande de divorce en raison de discorde, elle se trouve dans l’obligation de perdre ses droits, à savoir la pension due pour la période de consolation (motaa).

Quelles actions faudrait-il renforcer pour assurer le soutien à la monoparentalité féminine et répondre aux exigences de la protection de droit de la femme?

Les actions qui ont été  menées par le tissu associatif ou par l’Etat dans le cadre de soutien de la monoparentalité féminine restent insuffisantes, c’est pour cela qu’il ait des recommandations et revendications proposées pour améliorer la situation socioéconomique et juridique des femmes chefs de foyer en situation difficile.
Parmi ces recommandations:
– Promouvoir l’emploi et accorder des crédits aux femmes  chefs de ménage en situation difficile,
– Mettre en place un système national unifié et intégré visant l’aide et le soutien de la monoparentalité féminine,
– Etablir des actions préventives proposées aux familles à risque,
– Adopter une approche multisectorielle en travaillant en collaboration étroite avec les autres acteurs et secteurs tels que les tribunaux et administrations communales, les directions, les hôpitaux, les institutions publiques, à fin de garantir une prise en charge digne pour ces femmes,
– Dévoiler au grand public et attirer l’attention de l’opinion publique, la société civile et l’Etat sur le sujet de  la monoparentalité féminine,
– Continuer l’accompagnement des femmes après avoir quitté le centre  d’hébergement avec leurs enfants notamment dans le cas des mamans célibataires,
– Augmenter le budget consacré par le gouvernement au Fonds d’Entraide Familiale, dans le but d’augmenter, par la suite, le nombre des femmes divorcées bénéficiaires de ce fonds,
– Accélérer l’exécution de jugement lié à la pension alimentaire,
– Accélérer la mise en ouvre du Protocole territorial de prise en charge des femmes victimes de violence, lancé par La présidence du Ministère public le lundi 15 mars 2020,
– Mettre en application les articles visant la protection et la prise en charge des femmes victimes de violences relatifs à la loi 103.13.

Propos recueillis par Abdeslam REDDAM