Je ne vous cache pas que cette chronique risque d’être un peu sévère, difficile et sec.
Commençons donc notre marche saharienne par les taux d’intérêts.

Imaginons que j’ai un revenu de 20.000 Dhs. A chaque fois que je le perçois, j’ai le choix soit de le consommer dans sa totalité soit d’en mettre une partie “de côté”. Si je suis une fourmi, je mets le maximum de côté. Si je suis une cigale, rien du tout. Donc le résultat de toutes les fourmis et de toutes les cigales me donne un “Stock d’Épargne” c’est-à-dire le montant que la population est prête à ne pas consommer.
En contrepartie, vous avez une catégorie de gens qui ont une idée très nette de ce qu’ils pourraient faire avec cette épargne s’ils y avaient accès. Exemple les entrepreneurs, toujours à court d’argent, l’État qui sait mieux que vous ce que vous devriez faire de votre argent et les nouveaux actifs …
Dans un monde idéal, le stock d’épargne se mettrait en face de cette demande d’épargne et un grand marchandage (Offre & Demande) aurait lieu pour déterminer le PRIX auquel le stock d’épargne serait égal à la demande d’épargne.
Si les taux baissent, j’épargne un peu moins et j’emprunte un peu plus, si les taux montent j’épargne un peu plus ou j’emprunte un peu moins jusqu’à ce que l’on arrive au moment magique ou l’offre d’épargne est égale à la demande d’épargne.
L’économiste suédois Wicksell appelait le taux d’équilibre entre l’offre et la demande d’épargne, le “taux d’intérêt naturel”. Il disait aussi, ce taux naturel est en fait un taux “théorique” qui peut ne rien avoir avec le taux que chacun peut observer dans le marché aujourd’hui.
Donc, il nous dit que le taux observable sur le marché et qu’il appelle “le taux de marché” peut être complètement différent du “taux naturel”, et ce pendant de longues périodes.
Si le taux de marché est trop bas par rapport au taux naturel, cela mène toujours à des spéculations financières débridées qui se terminent en général par des Krachs (c’est un peu la situation actuelle).
Et si l’argent est trop cher, avec le taux de marché au dessus du taux naturel, la croissance s’arrête nette et l’économie rentre en dépression.

Résumons:
Dans le fonds il y a 2 taux d’intérêts.
u Le taux naturel: Épargne = Investissement
u Le taux de marché, le taux auquel vous et moi allons avoir accès pour prêter ou emprunter de l’argent …
Plus les 2 sont proches et plus la croissance économique est à la fois stable et forte.
Plus les 2 s’éloignent et plus les variations cycliques deviennent fortes: la croissance faible et le chômage élevé, …
Pourquoi? Tout simplement parce que plus les 2 sont loin l’un de l’autre et plus le déséquilibre entre l’offre d’épargne et la demande d’épargne devient fort.
La différence ne peut être comblée que par une destruction ou une création de crédit et de dette qui risque de déstabiliser le système à terme.
Ces déséquilibres, un jour ou l’autre, doivent en effet être corrigés et cela se fait en général assez brutalement dans des crises financières. Actuellement nous vivons une manifestation d’un ajustement. Et donc, on doit penser à 3 choses:
u La où les taux d’intérêts sont.
u La où ils devraient être (qui vaut bien le mien).
u La différence entre les 2.
Maître Yoda (Guerre des étoiles) dirait, plus l’écart est grand, méfiant il faut.
Car le système dans lequel il opère est par nature de plus en plus instable puisque cette différence a été manipulée depuis bientôt 20 ans et ce dans presque l’ensemble des pays du monde…
L’écart entre le taux de marché et le taux naturel n’a jamais été aussi élevé. Le retour sur terre risque d’être tectonique, violent et brutal.
Et si on se demande d’où vient ce désir forcené que les hommes politiques et les économistes ont de manipuler sans cesse cet écart, et bien la réponses est simple: les effets à court terme, de ces manipulations, sont souvent bonnes et permettent donc de rester au pouvoir.
Après moi, le déluge …

M. JOUAHRI, comme disait M. René LARRE, ancien Directeur Général de la BRI (Banque des Règlements Internationaux), la Banque centrale des Banques centraux: Le principal désastre pour un banquier centrale est d’avoir une Âme sociale.
Passons au taux de change.
Le taux de change n’est rien d’autre qu’un PRIX de marché entre 2 monnaies.
J’ai beaucoup écrit sur ce sujet (voir mes chroniques dans La Dépêche du Nord). Je vais essayer de vous les remémorer.
Un pays, une Nation, c’est une volonté de vivre ensemble qui s’exprime par un contrat social accepté par l’ensemble de la population. Ce contrat social implique des échanges à l’intérieur de ce pays, organisés par un État (monopole de la violence légitime). Pour assurer ses missions régaliennes et procéder aux transferts (échanges) requis, l’État prélève des impôts. Pour se faire, il dispose d’une monnaie.
u La monnaie est l’expression financière de cette volonté de vivre ensemble.
u La volonté de vivre ensemble et la monnaie sont donc le recto et le verso d’une même réalité.
Le Ratio entre 2 monnaies s’appelle le taux de change.
Imaginons et raisonnons démographiquement et supplychainement (flux). Soit 2 pays, l’un décide de ne plus avoir d’enfants tandis que l’autre maintient sa fécondité à 2 enfants par femme, ce qui permet à la population de se maintenir à un niveau à peu prés constant.
Que va-t-il se passer dans le taux de change entre leurs 2 monnaies?
Le premier pays, celui qui ne fait plus d’enfants, va se retrouver avec une population jeune et en âge de travailler sans être “encombré” par tous ces enfants qui dans le fond coûtent très cher.
Sa balance commerciale va exploser à la hausse par rapport à celle du pays qui continue à faire des enfants et je dirais même mathématiquement que le premier pays n’aura plus de déficits budgétaires. Donc la monnaie du premier pays va monter pendant un long et bon bout de temps par rapport à la monnaie du deuxième pays et tout le monde vantera la qualité de la gestion du premier pays et condamnera l’incompétence des hommes politiques du deuxième.
Projetons-nous maintenant, 30 ans plus tard.
Ceux qui n’ont pas fait d’enfants prennent tous leurs retraites en même temps et une question se pose: Qui va payer leurs retraites?
Comme, nous le savons, les retraites d’aujourd’hui ne peuvent être payées que par du travail d’aujourd’hui, ce qui veut dire que le pays qui n’a pas fait d’enfants doit s’être constitué une espèce de créance sur le travail du deuxième pays en y achetant par exemple des entreprises ou des obligations d’État.
Et au fur et à mesure que ces créances se liquideront, la monnaie du premier pays baissera par rapport à celle du deuxième.
Donc nous aurons un cycle démographique du taux de change, d’abord en hausse pour le premier, ensuite en baisse et d’abord en baisse pour le deuxième, ensuite en hausse.
Maintenant, imaginons que de puissants génies décident de bloquer le taux de change entre les 2 pays.
La compétitivité “anormale” du premier pays, au début de la période, ne pourra être compensée par son taux de change qui monte, et donc l’économie du deuxième pays sera détruite et il n’y aura rien à acheter quand le basculement démographique se produira.
Bloquer le taux de change, c’est donc bloquer les mécanismes d’ajustement qui permettent aux économies de s’ajuster harmonieusement en fonction de ce que font les pays voisins.
Quand on connait les milliards de transactions qui se passent sur les marchés des changes tous les jours, on ne peut qu’être stupéfaits de la vanité des hommes politiques qui prétendent savoir ou devrait être le taux de change entre 2 Nations, c’est-à-dire 2 volontés de vivre ensemble.
Fixer le taux de change est vraiment le degré ultime de l’incompétence en économie mais aussi de la suffisance intellectuelle extrême.

Conclusion
À la question, pourquoi les choses vont aussi mal, partout. La réponse est toute simple.
Manipuler le taux d’intérêt, c’est intervenir dans le rapport que j’ai avec le TEMPS et donc détruire ma Liberté Individuelle puisque je n’ai plus la libre disposition de mon TEMPS.
Manipuler le taux de change, c’est attenter à ce qui m’unit au reste de mon pays, c’est-à-dire la volonté de vivre ensemble. Sans liberté des taux de change pas de Souveraineté Nationale et donc pas de Démocratie.
Si je n’ai plus de Liberté Individuelle et si je ne peux plus choisir librement avec qui je veux vivre, pourquoi l’économie de mon pays ou tout autre pays, devrait elle fonctionner ?
Une économie prospère n’existe que s’il existe des prix libres et tous les prix trouvent leur origine dans la combinaison entre taux d’intérêts et taux de change. Nos économies implosent parce que nous ne sommes plus libres, et voila tout. Suivez mon regard, une pensée pour la monnaie digitale.

Oussama OUASSINI 
L’homme qui murmure aux oreilles des Hommes d’État.