La violente réaction de la police locale de Sebta contre un groupe de citoyens espagnoles d’origine marocaine, sorti samedi soir célébrer la victoire de l’équipe nationale marocaine de football contre le Portugal, est devenue l’autre importante information qui circule dans le monde entier durant cette coupe du monde organisée au Qatar.
Alors que cette « joie » légitime des familles espagnoles d’origine marocaine vivant à Sebta devait passer presque inaperçue, l’atrocité de l’agression, dont les auteurs sont deux policiers, l’a convertie en une affaire d’ordre politique, rappelant la question de la marocanité de Sebta (et de Melilia). Un sujet que les autorités des deux pays, voisins et amis, évitent d’aborder.
Faire la fête sur une avenue du centre-ville de Sebta en utilisant des drapeaux du Maroc est un geste inacceptable pour certains membres de la police locale de Sebta. Les plus orthodoxes, ceux portant les idées racistes de l’extrême droite à Sebta dont le seul projet est de rendre insupportable la vie de la communauté musulmane d’origine marocaine de cette ville.
Peut-être que ces deux agents de la police locale ont vu dans ces drapeaux du Maroc une action leur rappelant que ce territoire est bel et bien marocain. Peut-être qu’après la défaite de l’Espagne, ils avaient aussi vu les images Photoshop d’Amrabet en mode « reconquista » et cru que c’est la vérité qui attend l’Espagne à partir de Sebta. Et c’est même trop bête de penser que c’est vrai puisque aucun marocain ne pense à ce sujet.
C’est sûrement scénario imaginé par les membres de la police qui pour mettre fin à cet acte (hors la loi) ont utilisé les matraques blessant plusieurs femmes et jeunes filles.
Plus bête encore, ce groupe de policiers croyait que cette intervention trop musclée n’allait pas être dévoilée, sauf que plusieurs témoins ont pu filmer toute l’agression policière et leurs vidéos ont fait le tour du monde en quelques minutes.
Le lendemain, toute la presse espagnole, dont celle de Sebta, a parlé de ce drame, incriminant fortement et unanimement cette violence et ses auteurs.
Les familles des blessées ont, bien sûr, porté plainte et le parquet a ordonné une enquête menée par la police nationale pour la constitution d’un dossier judiciaire qui s’annonce très chaud.
En plus du fait que ce groupe de femmes n’a commis aucune infraction nécessitant l’intervention de la police, car ce n’était pas du tapage nocturne (il était à peine 19 heures), la grave erreur des agents agresseurs se résume dans le fait que ces femmes et leurs enfants sont d’abord des citoyennes espagnoles, nées à Sebta et possédant tous les droits qu’assure la loi et la constitution espagnole à tous les autres citoyens de ce pays.
Mais l’inacceptable pour la police locale de Sebta était que ces femmes, fières de leurs origines marocaines, sortent dans les boulevards de la ville portant le drapeau du Maroc et scandant des phrases comme « Viva Marruecos ». C’était trop vexant, frôlant même l’humiliation, d’où ce recours aux matraques, à la violence excessive.
Le quotidien local El Faro de Ceuta explique ce qui s’est passé ce soir: « Dans l’une des vidéos diffusées, l’origine de tout est recueillie: un grand groupe de personnes descend la rue Ravelin célébrant la victoire au rythme des sons d’un tambour joué par un jeune. La police a estimé qu’il obstruait la voie publique et a procédé à son identification en l’éloignant des lieux. Ce geste a généré des tensions parmi les personnes présentes qui ne comprenaient pas pourquoi elles ne pouvaient pas continuer à célébrer la victoire alors que des véhicules circulaient dans la rue en agitant des drapeaux, en klaxonnant et qu’il y avait même des roquettes dans différents quartiers…
Les agents soutiennent qu’ils ont utilisé les matraques lorsqu’ils se sont retrouvés encerclés et après n’avoir pas pu mener une action policière telle que cette identification, une version qui heurte frontalement celle des femmes battues qui déclarent avoir reçu l’impact des matraques sans aucune justification et sans avoir provoqué un incident antérieur ou avoir submergé les agents pour générer une situation de tension. »
Finalement cette coupe du monde organisée au Qatar ne cesse de surprendre le monde entier. Sauf que pour les uns les surprises sont belles et pour les autres elles sont choquantes.
Et sortir les drapeaux du Maroc en plein centre-ville de Sebta est choquant pour la police locale au point qu’il lui a fait très peur, même si ce n’était que pour fêter une victoire après un match de foot..

A. Reddam