La World Travel Market (WTM) de Londres n’est pas une foire parmi d’autres. C’est la première scène mondiale du tourisme, le lieu où les pays se positionnent, forgent des alliances, signent des accords et définissent la narration de l’année à venir.
Et pourtant, une fois de plus, le Maroc est arrivé avec un stand… mais sans stratégie.
Un pavillon qui tourne en rond
Dans son communiqué officiel, l’Office National Marocain du Tourisme (ONMT) se félicite d’une participation “forte et ambitieuse” : un espace de 900 m², la présence de Royal Air Maroc, de la Confédération Nationale du Tourisme (CNT) et de plusieurs opérateurs privés.
Mais derrière le décor — henné, thé à la menthe et les mêmes brochures que l’an dernier — se cache une réalité embarrassante : le Maroc continue de se présenter au monde avec un discours daté, sans profondeur ni storytelling.
Les mots clés sont toujours les mêmes: authenticité, hospitalité, soleil et proximité. Des formules convenues qui pourraient s’appliquer à n’importe quelle destination méditerranéenne.
Aucune annonce, aucune initiative innovante, aucune campagne inspirante pour le marché britannique — seulement un copier-coller de la communication institutionnelle d’il y a dix ans.
Un pays moderne, une image figée dans le folklore
C’est là toute la contradiction marocaine : un pays qui construit des voitures électriques, investit massivement dans l’énergie solaire et co-organisera la Coupe du Monde 2030, mais qui continue de se vendre avec les clichés d’un Orient figé.
Le problème n’est pas le folklore — il fait partie du charme et de la richesse culturelle du Royaume — mais de réduire tout un pays à une carte postale exotique.
Pendant que des destinations comme l’Arabie Saoudite, le Portugal ou l’Égypte investissent dans des expériences immersives, des campagnes numériques et des stratégies de marque ambitieuses, le pavillon marocain semble resté bloqué dans le passé.
Aucune présence ministérielle forte, pas de conférences stratégiques, ni de vision partagée avec les grands opérateurs britanniques.
Et chaque après-midi, comme à chaque édition, les délégations désertent les stands pour une séance de shopping à Oxford Street.
Un marché britannique sous-exploité
Le Royaume-Uni est pourtant le troisième marché émetteur pour le Maroc, avec plus de 938 000 arrivées en 2025. Un chiffre honorable, mais en deçà du potentiel réel.
Le communiqué du ONMT évoque une hausse de 9 % des flux et une coopération accrue avec huit compagnies aériennes, dont Ryanair, EasyJet, British Airways et Royal Air Maroc.
Mais rien sur la segmentation, la fidélisation, les nouveaux produits, ni sur le positionnement des destinations émergentes.
Toujours les mêmes noms : Marrakech et Agadir, au détriment de Tanger, Dakhla, Essaouira ou Fès, qui pourraient incarner le Maroc contemporain, culturel et durable.
Ce que le Maroc devrait montrer au monde
Le Maroc de 2025 n’est plus un simple pays touristique. C’est un hub économique et culturel, un pont entre l’Europe et l’Afrique, une puissance régionale en pleine affirmation.
Son pavillon devrait raconter cela : l’audace, la créativité et la confiance d’un pays en mouvement.
Ce qu’il manque ?
•Des conférences de presse internationales sur la stratégie nationale du tourisme durable.
•Une campagne de marque mondiale centrée sur la jeunesse, la durabilité et le futur.
•Une présence régionale équilibrée pour montrer la diversité du Royaume.
•Des rencontres B2B structurées avec les grands tour-opérateurs et acteurs du digital.
Une marque-pays sans récit ne conquiert aucun marché
Le tourisme mondial est aujourd’hui une industrie d’émotions et de récits.
Les voyageurs cherchent du sens, pas seulement du soleil.
Et tant que le Maroc continuera à se présenter sans vision stratégique, leadership institutionnel ou communication unifiée, il restera spectateur d’un marché qu’il pourrait pourtant dominer.
Le Maroc n’a pas besoin d’un plus grand pavillon à la WTM. Il a besoin d’un récit fort, d’une stratégie claire et d’une ambition internationale assumée.
Le monde regarde vers l’Afrique. Le Maroc, lui, regarde encore vers ses vitrines de souvenirs.
Le jour où on remplacera le thé et le henné par une vision de puissance douce et d’innovation touristique, le Royaume ne se contentera plus d’être présent : il marquera l’histoire.

























