Tanger peut-elle devenir comme Barcelona? La majorité des populations locales diront que c’est impossible et même “inimaginable” de faire la comparaison entre les deux villes.
Pourtant, l’histoire assure que c’est à Tanger que la Sagrada Familia, chef-d’œuvre du grand Gaudí, allait être construite.
En effet, il y a plus d’un siècle, en 1892 pour être précis, Tanger aurait pu s’enorgueillir de voir s’ériger une œuvre maîtresse du grand architecte catalan Antonio Gaudí. En effet à cette date, l’ordre des franciscains caressa l’idée de faire construire une grande église par l’architecte en lui laissant le libre choix d’élaborer une conception architecturale très personnelle.
Pour des raisons financières, ce projet n’a pas été réalisé.
Quand on se balade dans le centre-ville de Tanger, on voit bien que les bâtiments historiques rappellent tous cet âge d’or de l’architecture espagnole dans la ville internationale. Sauf que la différence entre Tanger et Barcelone réside dans le fait qu’au moment de l’affirmation de l’élégance de la capitale catalane, il y a eu beaucoup de  décadence dans la politique de la gestion urbaine de Tanger. Une ville qui a avancé et une autre qui a reculé.
La question qui se pose aujourd’hui concerne la possibilité de prendre l’exemple catalan pour corriger les imperfections et rebâtir la ville sur des bases aussi solides que celles appliquées à Barcelone.

Environnement, tourisme et urbanisme

Les bons exemples à prendre sont assez nombreux. Parmi eux, celui des stratégies utilisées pour la protection de l’environnement est bon à copier.
Barcelone est une ville compacte, teintée de vert dans ses rues plantées d’arbres et ses parcs, avec une personnalité riche et une grande richesse botanique.
Autour de la ville se trouvent 12 espaces naturels de haute valeur paysagiste, écologique et culturelle, qui garantissent l’équilibre territorial et environnemental.
En effet, avec ces milliers d’arbres, des parcs et des jardins, la mer Méditerranée, un système de transport public efficace avec un faible impact sur l’environnement, ainsi qu’une offre d’activités culturelles, commerciales, de restauration et d’hébergement engagées et respectueuses de l’environnement font de Barcelone une destination durable très appréciée.
En ville, les piétons sont la priorité et les espaces réservés à la promenade à pied sont de plus en plus nombreux. La nature fait aussi partie de la ville. Les parcs et les jardins constituent une nature urbaine permettant de déconnecter, de respirer de l’air frais et de reprendre des forces. Des espaces en plein air représentant des petites oasis de verdure, d’eau et de faune et de calme en plein centre-ville.

Des poumons verts qui améliorent la qualité de l’air à Barcelone

Ces dernières années Barcelone a fait un effort pour étendre les poumons verts, en construisant et en récupérant des parcs, dans le but d’améliorer la qualité de l’air. Le Jardin d’Acclimatation en est un exemple; c’est un lieu idéal pour se promener à Barcelone à pied et pour respirer. Situé sur la montagne de Montjuïc, il contient près de 230 espèces de plantes différentes.

Les méfaits du boom touristique

Barcelone est la première ville du monde à avoir reçu la certification Biosphere, qui reconnaît sa condition de destination qui gère l’activité touristique de manière responsable. Et pourtant, les gens se plaignent!
Avec un peu plus de 170000 visiteurs par jour, la ville de Barcelone accueille le plus grand nombre de touristes étrangers qui choisissent l’Espagne pour leurs vacances. En chiffres, cela représente des centaines de millions d’euros qui boostent l’économie de la cité et de toute la région catalane. Mais les Barcelonais se plaignent de plus en plus de l’augmentation du nombre des visiteurs à leur ville, au point qu’ils ne cessent d’appeler les autorités locales à en trouver des solutions.
Pour sa part, Tanger, en terme de statistiques touristiques, reste très loin d’atteindre ces chiffres, même si elle a tous les atouts pour le faire d’ici 2030. D’où l’importance d’avoir une idée sur les projets que les autorités catalanes préparent pour minimiser les effets négatifs d’un tourisme qui pourrait devenir un danger potentiel pour le bien-être des populations locales, notamment en matière environnementale.

L’organisation urbaine

Dommage que l’urbanisme marocain ne s’est pas inspiré du plan Cedra Barcelonais
Le  Plan Cerdà est un plan de réforme, d’aménagement et d’extension urbaine de la ville de Barcelone proposé en 1860 par Ildefons Cerdà. C’est un plan hippodamien avec une structure quadrangulaire, régulière et ouvert et c’est à l’origine de la renaissance de la cité comtale et c’est cette stratégie de construction qui a rendu Barcelone si célèbre dans le monde entier.
Après avoir étudié attentivement la ville et ses habitants, Cerdà propose de construire l’Eixample selon un plan en damier strict, composé de pâtés de maisons de taille égale. De longues et larges rues traversaient les pâtés de maisons afin de faciliter le transport et la navigation. De plus, chaque pâté de maisons était conçu comme un octogone, avec des angles chanfreinés donnant l’impression qu’ils étaient « coupés ».
Selon Cerdà, ce détail permettra une meilleure circulation de l’air dans les rues, une meilleure visibilité dans les virages et permettra aux tramways de contourner facilement les angles des pâtés de maisons. De plus, les pâtés de maisons étaient tous orientés dans le sens nord-ouest-sud-est afin que chaque foyer reçoive suffisamment de lumière naturelle chaque jour.
L’une des autres caractéristiques de la conception pionnière de Cerdà était la création d’espaces verts au centre de chaque bloc. Ces jardins ont été conçus pour offrir des espaces de loisirs aux résidents et un endroit pour profiter de l’air extérieur loin des routes. L’intérêt de Cerdà pour les espaces verts est de nouveau au centre de l’attention de la municipalité de Barcelone.
En effet, la municipalité de Barcelone a annoncé son projet de créer des « super-îlots » : un ensemble de neuf îlots existants entre lesquels la circulation sera limitée au profit de zones piétonnes et d’espaces verts.

Design pour connecter l’être humain avec la nature

PlatinumBCN, un exemple d’architecture durable situé dans le district 22 et une des propositions de cette route des édifices durables. PlatinumBCN est le premier complexe d’édifices de bureaux en Espagne avec une certification Leed Platinum, en reconnaissance à la construction écologique et durable.
Il est remarquable parce qu’il a été construit en respectant la biodiversité de la zone avec plus de 1.390 m2 de zones vertes, et qu’en plus c’est un édifice intelligent et efficace, grâce à son architecture bioclimatique et à son ingénierie énergétique. Au centre du pâté de maisons, ouvert aux habitants, il fonctionne comme un poumon vert du quartier.

Circulation routière
Le plan de Barcelone pour devenir une ville sans voiture

Se basant toujours sur le plan Cedra, en 2017, Barcelone a commencé à se convertir en une ville piétonne. La ville veut ainsi repenser la mobilité au sein du célèbre plan d’Ildefons Cerdà, en limitant fortement la circulation automobile au sein des quartiers de la ville.
Depuis plusieurs années, l’air à Barcelone est tellement pollué que cela devient un réel problème de santé publique: environ 3.500 personnes meurent chaque année dans la région métropolitaine du fait du smog et des particules en suspension. C’est pourquoi, la ville a approuvé un plan de mobilité urbaine en 2015 qui a servi à multiplier les zones piétonnes.
L’idée de la ville consiste à repartir du plan de Cerdà pour à la fois limiter le trafic automobile et recréer des espaces verts ou des zones piétonnes.
Au travers d’un modèle appelé « Supermanzanas » (« Superblocs »), l’objectif est de définir un grand nombre de micro-quartiers où le trafic automobile sera réservé aux seuls résidents et où l’espace sera réaffecté aux piétons et aux cyclistes.
« Les superblocs sont destinés à mettre un terme à la prédominance de la voiture dans les rues, en affectant l’espace routier aux piétons, » explique Irene Capdevila de l’agence de l’environnement de la ville. « Ils conduisent à une baisse du trafic qui va certainement être visible en termes de pollution de l’air ou de bruit. »
Dans un superbloc, plusieurs pâtés de maisons sont reliés entre eux, et la circulation (des résidents) est détournée vers l’extérieur. A l’intérieur, les piétons et les cyclistes ont la priorité tandis que les résidents des blocs peuvent conduire à une vitesse lente (10 km/h). Ces quartiers qui avaient autrefois peu d’espaces verts seront aménagés avec des mini-parcs, des places et des jardins.

A. R.