Milton Friedman publia, en 1987, un article à mourir de rire dans le Wall-Street Journal. Le thème était : Dans sa longue carrière, il avait entendu et/ou lu un nombre considérables d’imbécillités dans les médias (écrits et visuels) lorsqu’ils parlaient d’économie. Mais ce n’était rien en comparaison de ce qu’il venait de lire ou d’entendre depuis le krach. Il n’allait avoir aucun impact économique ou financier à long-terme, ce que le futur confirma, bien entendu.
Pourquoi cette anecdote ?
Tout simplement parce que, lorsqu’un nouvel évènement important de nature économique se produit, la qualité des commentaires qui suivent est en général très faible, à l’inverse de la quantité des commentaires publiés.
Comme je le dis toujours, cher(e)s lecteur(trice)s, lire les commentaires économiques ou financiers dans la grande presse est extrêmement dangereux pour l’évolution à venir.
Or, il est en train de se produire l’un de ces évènements importants : l’inflation est de retour et bien entendu des commentaires plus oiseux les uns que les autres sont en train de sortir partout. Donc, dans ce papier, je vais vous expliquer d’abord ce qui n’est pas inflation, puis ce qu’elle est vraiment et enfin préciser les conséquences économiques et financières.
Démarrons par ce que l’inflation n’est pas.
L’inflation n’a rien à voir avec la hausse des prix.
• Imaginons que les prix de la nourriture explosent à la hausse parce que nous avons eu des récoltes désastreuses aux USA, en Russie et en Amérique Latine.
• Imaginons aussi que le détroit d’Ormuz soit miné et fermé par les Iraniens et que le prix du pétrole double
• Imaginons que les exportations Chinoises s’arrêtent net à cause d’une pandémie. Les ports ferment.
Je peux vous garantir que les prix un peu partout dans le monde monteraient très fortement.
Il y aurait une baisse provisoire du niveau de vie puisque le revenu réel du citoyen moyen baisserait, mais ce ne serait pas de l’inflation, car l’année suivante, les récoltes redeviennent normales, le détroit d’Ormuz réouvert par les marines américaines, russes et ou saoudiennes (c’est une blague) tandis que les exportations chinoises reprennent.
Donc, la hausse des prix sera temporaire après ils se normaliseront. (Exemple: les années 40 et le début des années 50).
Pendant un moment, nous avons des changements excessifs de prix, mais dès que la production reprend, tout rentre dans l’ordre et les prix se normalisent. Nous avons subit depuis le début du Covid de telles hausses et l’on peut espérer que les prix, pour certaines matières premières, qui sont considérablement montés (comme le bois ou les semiconducteurs par exemple) vont revenir à la normale d’ici peu.
Poursuivons par ce qu’est l’inflation.
Milton Friedman disait que: « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ».
Ce que sous-entend Milton, c’est que dans ce cas, les prix montent, et montent tous ensemble parce que quelque chose arrive à la monnaie.
Si quelque chose arrive à la monnaie c’est parce que l’Etat, pour une raison ou pour une autre, ne peut plus servir ou rembourser la dette qu’il a émise par le passé. L’Etat (ou sa banque centrale) va décider que sa monnaie ne sera plus une réserve de valeur (l’une des 3 fonctions essentielles de toute monnaie, après étalon de valeur et moyen d’échange).
Milton disait aussi: « l’inflation est créée ou stoppée par la Banque Centrale »
Vérifions: Depuis 80 ans, c’est le 3ème épisode de politique monétaire inflationniste de la part de la Fed.
1- De 1941 à 1955, guerre mondiale, début de la guerre froide, le rentier perd 52 % de la valeur de son capital en pouvoir d’achat. Autant de moins à rembourser pour l’Etat.
2- De 1966 à 1980, guerre du Vietnam, « Great society » de Johnson, arrivée des baby-boomers dans le marché du travail : le rentier voit son niveau de vie baisser de 20 % sur la période.
3- Depuis 2003, le rentier a vu son niveau de vie baisser de 20 % également mais c’est loin d’être fini.
A chaque fois que les taux réels sont négatifs, nous avons donc les débuts de la politique inflationniste et une accélération générale des hausses de prix à 12 mois, puis sur celle des hausses de prix sur 4 ans.
Tous les prix se mettent à monter en même temps.
Et contrairement à ce que disent beaucoup de gens, l’expérience des dernières années est tout à fait similaire aux périodes précédentes : Depuis 2003 des hausses inflationnistes structurelles sont interrompues par des baisses cycliques dues à des recessions comme en 2009, 2012 ou 2020.
Ce qui veut dire que les ménages les plus modestes voient leurs niveaux de vie baisser inexorablement lors des poussées inflationnistes. Donc suivre une politique inflationniste, c’est attaquer directement les plus pauvres dans la société, ce qui est tout à fait inacceptable.
Comme disait John Rawls: « un système est juste s’il permet à ceux qui sont tout en bas et qui y restent de voir leur niveau de vie monter en termes absolus au travers du temps. Une société où le niveau de vie des plus démunis baisse durablement est une société qui se prépare à des lendemains douloureux ».
C’est cependant là où nous en sommes.
Mon dernier point, le caractère toujours ruineux d’une politique inflationniste.
Une politique inflationniste est en effet toujours catastrophique, à l’arrivée. Et la question qui se pose, quelles sont les raisons qui peuvent pousser une banque centrale à y avoir recours alors que tout le monde sait que la fin d’une période inflationniste est toujours extraordinairement difficile?
J’avais posé à M. René LARRE, ancien Directeur Général de la BRI (Banque des Règlements Internationaux), la Banque centrale des Banques centraux: Qu’elle est le principal désastre pour un banquier centrale?
Il m’a répondu: « C’est d’avoir une Âme sociale ».
Pourquoi donc suivre une politique condamnée à l’échec ?
Les raisons sont nombreuses et non communément spéciales :
• L’incompétence. Le débat est ouvert.
• L’idéologie. Beaucoup d’hommes politiques ont un projet d’extinction du capitalisme. Ces hommes politiques ont donc automatiquement comme but de foutre la monnaie en l’air, façon la plus sûre de tuer le secteur privé. L’inflation est la façon la plus rapide de transférer les ressources productives du secteur privé vers l’Etat.
• La lâcheté. « La monnaie est l’égout collecteur des droits non gagnés », disait Rueff. La seule façon de continuer à distribuer des droits non gagnés est bien entendu de ne pas rembourser ceux qui ont prêté de l’argent dans le passé. (méthode dite de Ponzi ou de Madoff). Une pensée aux assurances vie.
• La corruption. Méthode employée par les grandes banques d’affaires depuis 2003, ceci pour s’emparer des biens.
• Le désir de maintenir en vie une entreprise ou institution qui devrait crever, en pratiquant des taux nominaux négatifs, ce qui est sans exemple dans l’histoire.
Et comme les taux négatifs sont un impôt sur l’épargne, imposer la création d’épargne revient à en diminuer le montant. Il y a donc moins de capital à investir à l’arrivée (épargne=investissement) ce qui fait que l’investissement s’effondre.
Et comme l’investissement s’effondre, la productivité suit avec le niveau de vie, mais aussi la capacité à rembourser la dette passée disparaît.
Et c’est comme ça que l’Argentine est passée du 2ème niveau de vie au monde en 1946 à l’un des plus bas aujourd’hui.
La route de la servitude est largement dégagée.
En avant toute !
Oussama OUASSINI, l’homme qui murmure aux oreilles des Hommes d’Etat