Tanger vue d’en haut, grâce aux vidéos filmées par des drones, n’a rien à voir avec la même ville vue d’en bas.
Le Tanger des drones est à couper le souffle, tout juste magnifique. Ces petits engins qui survolent la ville transportent des caméras dont les séquences enregistrées nous laissent scotchés.
Tanger est sublime vue d’en haut. Ses avenues sont propres et larges, ne présentant aucun danger d’accidents de la circulation. La beauté de sa corniche est surnaturelle. Ses oueds sont propres et leurs eaux étincelantes. Les zones vertes sont couvertes d’un gazon dont la verdure se marie parfaitement bien au blanc immaculé des immeubles. Et ses centaines de palmiers, si hauts, rappellent la grandeur de celui qui les a imaginés et imposés sur la plupart des boulevards et routes de la ville.
Tout est paradisiaque à Tanger quand on la voit par les caméras des drones. Les forêts sont vastes et protégées. Les plages sont propres et nettoyées. Les unités industrielles respectent l’environnement et ne déversent aucun déchet liquide non recyclé dans les oueds. A Tanger, il n’y a pas de pollution dans les vidéos des drones. Elle est invisible.
En bas, Tanger est une autre ville. Elle est dans sa nature, la vraie, sans maquillage, sans filtres. Elle ne ressemble en rien à ces jeunes filles de TikTok et des autres réseaux les présentant si belles, si magnifiques, ressemblant toutes à ces stars Barbie.
A Tanger, la vraie, les rues salles, les routes et trottoirs cassés ne sont plus à découvrir. Se balader dans l’ancienne Médina et sa Casbah permet de voir combien les murs blancs sont devenus si sales, comme si quelqu’un fait exprès de les salir chaque jour. Pourtant, on sent encore la fraîcheur de la chaux enveloppant ses bâtiments à peine réaménagés.
Passer devant le marché de poissons, la Plaza du gran socco, laisse un souvenir très fort chez les touristes et les locaux. L’odeur n’est pas seulement nauséabonde. Elle est dégoûtante.
Sur les plages de Tanger, heureusement que certaines associations et groupes de personnes organisent périodiquement des opérations de nettoyage pour ramasser les milliers de bouteilles de plastique qui polluent les baies.
Ces plages sont aussi polluées par les rejets des déchets chimiques d’une partie des usines industrielles versés dans l’oued de Mghogha. Une pollution qui fait de la ville la capitale nationale des moustiques durant une longue période de l’année, mais que les drones ne captent jamais en filmant Tanger d’en haut. Exactement comme ils ne captent pas la pollution de l’air que provoquent les gaz d’échappement des milliers de véhicules vétustes dont les embouteillages étranglent la cité.
Les caméras des drones ne captent pas non plus ces mendiants et ces délinquants qui deviennent un véritable danger public menaçant les habitants et les touristes, les femmes en particulier.
Elles sont incapables de filmer les ordures jetées par une grande partie des citoyens, inconscients du danger de cette action sur leur santé et l’environnement.
Quand on se balade à Tanger, on remarque que les parcs de jeux pour les enfants manquent terriblement et que ceux qui existent, à part ceux qui ont été récemment installés, présentent des équipements cassés et rouillés, mais qu’on ne voit jamais dans les reportages faits par les drones.
Dans les capsules des drones, on ne voit jamais, non plus, ces pauvres chiens tués à bout portant parce qu’il y en a marre de leur invasion et parce que personne n’a le temps pour leur bâtir un foyer.
Ces drones sont, par ailleurs, impuissants de filmer les principales avenues de la ville sombrant dans l’obscurité durant des semaines, comme c’est le cas actuellement de l’avenue Moulay Youssef.
A force de trop admirer et aimer Tanger sur Youtube et de lire les excellents commentaires sur la beauté du focus, les autorités locales se sont limitées à croire en cette version virtuelle. Elles la préfèrent à la version réelle, celle qui a pourtant servi à la commission de la FIFA pour donner une très mauvaise note à la ville.
A. REDDAM