Mostafa Akalay Nasser, directeur de L’ Esmab, UPF 

Le patrimoine bâti est une richesse incontestée, au niveau local, national et international, mais c’est un objet peu étudié en tant que tel par les spécialistes du patrimoine, juristes, artistes, économistes, les professionnels des musées et les urbanistes.
La protection du patrimoine bâti passe par le droit de l’environnement, national et international, et par le droit de l’urbanisme, offrant désormais de multiples instruments de protection de l’architecture et des paysages dont l’application peut s’avérer complexe.
Le patrimoine bâti est un élément primordial et souvent oublié du développement durable des villes. Il existe pourtant, au sein de nos sociétés en mutation, un «risque culturel» de se couper du passé et par la même de perspectives d'avenir.
Comme le dit Françoise Choay: «En transformant notre relation passive et névrotique avec le patrimoine en une relation dynamique et créatrice qui conduise, non plus au ressassement stérile du passé mais à sa continuation sous des formes nouvelles».

Parmi les médiateurs de culture perméables aux mutations, conscients de leur propre culture, le responsable du patrimoine apparaît comme la figure la plus emblématique, la plus ouverte aux rencontres. Si nous définissons la gestion du patrimoine comme pratique sociale et artistique, le chargé de mission du patrimoine culturel peut aussi apparaître comme un passeur, un médiateur, un traducteur d'une culture à une autre.
Invention moderne, l’idée de patrimoine est une création de la société occidentale soumise à ses propres conditions. Le mot latin patrimonium, celui- ci se traduit en arabe par turath, lequel renvoie à la notion d’héritage qui, elle, englobe tant l’héritage matériel que spirituel.
La tradition islamique considérant toute chose sur terre vouée à la finitude, l’homme n’est pas le centre de la terre et la vénération est attribuée exclusivement au divin.
Les hommes doués de savoir et de sagesse sont donc des véhicules du patrimoine à transmettre, mais celui-ci présente un aspect beaucoup plus abstrait que concret, fondé sur l’essence des objets, les savoirs, les modes et les rythmes de vie.
D’où la distance observée à l’égard des aspects matériels du patrimoine à transmettre et un rejet de toute manifestation de vénération d’objets ou de représentations imagées. L’icône par exemple, sacralisée dans la culture occidentale, est remplacée en islam par l’écriture sacrée qui devient alors « le corps visible du verbe divin » selon Tithus Burckhardt, (voir l’art de l’islam, langage et signification).
Comment s’approprier notre passé. Qu’est–ce que le patrimoine dans une société en quête d’identité et repères ?