« Il y a des cas qui me touchent, ils sont difficiles à digérer, ils me dépassent en tant que personne, en tant que femme et surtout en tant que mère… »

Traductrice/interprète au ministère de la Justice de Catalogne et vivant à Barcelone, la Tangéroise Ikram El Hlimi accompagne les immigrés mineurs dans leur quotidien qui n’est pas toujours une vie en rose. Une expérience qui mérite d’être racontée.

Vous êtes traductrice à Barcelone et vous travaillez beaucoup auprès des mineurs marocains et autres immigrés. A quel point, cette expérience est très importante pour vous, spécialement avec les sans-papiers?

Mon travail se compose de deux parties très importantes pour moi. L’une est la routine, aller travailler le matin, couvrir les services que j’ai, faire la partie administrative, finir mes heures et c’est tout.
L’autre est la partie émotionnelle, il y a des cas qui me touchent, ils sont difficiles à digérer pour moi, ils me dépassent en tant que personne, en tant que femme et surtout en tant que mère, beaucoup d’entre eux sont généralement des cas de mineurs ou les groupe appelé MENAS (mineur étranger non accompagné)

Quand on parle de régularisation des immigrés clandestins, jusqu’à où va le soutien social à cette catégorie, les mineurs en particulier ?

Voyons, cette question est très déroutante pour beaucoup de gens. La plupart pense que le problème des mineurs sans papiers est d’obtenir des documents. Or, le permis qui leur est accordé est droit de séjour sans droit de travail. Tant qu’ils sont mineurs, ils sont sous la tutelle de l’état, (tous : ceux qui ont la documentation en règle et ceux qui n’en ont pas) c’est-à-dire : Ils vivent dans un centre pour mineurs, ou dans des refuges. Ils ont droit à 3 repas chauds par jour, le droit à la santé publique, un traducteur et faire des études….
Le problème commence lorsque ces mineurs atteignent l’âge de la majorité et sont contraints de vivre seuls dans la rue.

Est-ce qu’il existe une vraie prise en charge de ces derniers par la suite ou la régularisation se limite à l’action administrative ?

La régularisation est une pure procédure administrative, car elle n’implique aucun type de solution au vrai problème, à quoi sert un titre de séjour pour le mineur sans droit au travail ?
Pour que ces jeunes ex-tuteurs puissent entrer dans le marché du travail, ils ont besoin d’un permis de travail. Pour le traiter, une condition essentielle est d’avoir une offre d’emploi de 40 heures par semaine, d’une durée d’un an et qui offre le salaire minimum interprofessionnel.
Les mineurs, une fois devenus majeurs (c’est-à-dire 18 ans et un jour), sont plus vulnérables que jamais : ils dorment dans des refuges où vont dormir des adultes, souvent avec des problèmes de drogue et d’alcool, ou avec un peu de chance, ils sont accueillis par des associations ou des églises où ils sont autorisés à avoir un toit et un soutien social et économique.
La question est pourquoi accueille-t-on des mineurs et les protège-t-on pour les exposer plus tard à vivre dans la rue ? De mon expérience de traductrice/interprète au ministère de la Justice de Catalogne, je peux vous assurer que j’ai été témoin de cas qui m’ont fait pleurer, un garçon qui vole un pantalon au décathlon parce qu’il n’a pas de vêtements et se fige mort parce qu’il dort sous un pont, ou voler un portable pour le revendre et acheter de la nourriture ou payer la chambre où ils habite… Cas et cas
J’ai connu des cas de garçons qui voulaient seulement que le juge ordonne leur transfert en prison pour qu’ils aient un toit et 3 repas chauds par jour.
Avoir 18 ans signifie que vous avez l’âge légal, mais cela ne signifie pas que vous pouvez déjà faire face à l’impuissance socio-économique.

Propos recueillis par Abdeslam REDDAM