Il y a plus d’une année, un reportage de La Dépêche mettait en évidence l’état déplorable d’une petite bibliothèque, toute neuve encore, située entre les quartiers Josafat et Hasnouna. Les fissures du bâtiment flambant neuf étaient tellement grandes et profondes donnant l’impression qu’il avait été frappé par des missiles.
A la délégation du ministère de la culture, on n’avait pas du tout aimé le reportage du journal au point d’avoir mené une enquête pour mettre la main sur la source de nos informations.
Mais le pire est quil n’y a eu aucun véritable projet pour réaménager cette pauvre bibliothèque. Jusqu’à aujourd’hui!
La photo prise par l’écrivain Tangérois Youssef Chebaa Hadri résume l’état dans lequel se trouve le secteur culturel à Tanger. Qu’un bazar utilise la terrasse du centre culturel Ibn Khaldoun, sis à la rue de la liberté et presque tout le temps fermé, est un message qui en dit long sur l’utilité de certains bâtiments gérés par le ministère de la culture.
Ces établissements, des galeries et des bibliothèques notamment, sont souvent vides ou très mal gérés quand ils sont en service.
L’importance de la photo de l’auteur de “Cherifa”, (très joli roman de Youssef Chebaa Hadri qui raconte l’histoire de Tanger et de son ancienne Médina), est ce lien qu’on fait directement avec son petit café littéraire à la porte de la Casbah.
Un espace resté fermé pendant longtemps, mais qu’il a su reprendre et lui redonner vie en s’appuyant sur la formule des cafés littéraires. L’idée a bien marché et ce petit espace, à quelques marches du café Baba, attire beaucoup de monde, des touristes et des jeunes étudiants, entre autres visiteurs.
Quand on voit ces tapis sur la terrasse du centre culturel Ibn Khaldoune, on se demande pourquoi la direction de la culture ne fait pas pareil en y créant un café littéraire. D’ailleurs elle a plus de moyens pour réaliser ce projet que Youssef Chebaa Hadri quand il a décidé de défier toutes les contraintes, surtout financières, pour ouvrir le café Cherifa.
Un ministère est bien plus riche qu’un simple citoyen, mais pas en idées et sûrement pas en volonté.
La problématique de la gestion des établissements de la culture à Tanger ne date pas d’aujourd’hui et elle s’aggrave. On se rappelle encore que c’était grâce à l’organisation de la journée mondiale du jazz, en avril 2023, que le palais des arts a enfin été inauguré. Un établissement qui abrite désormais plein d’événements, de rencontres, de concerts et soirées, mais qu’au fond ne possède toujours pas son propre programme annuel, ni un budget de fonctionnement. Aujourd’hui, le ministère de la culture se limite à “louer” le palais comme on loue une villa ou une salle de fête pour organiser une fête de mariage. Or, le palais ses arts, c’est beaucoup plus qu’une simple salle de fête.
Autre bâtiment souffrant de cette incapacité du ministère de la culture, la librairie Iqrae. Un monument dans tous les sens, mais qui reste fermé depuis quelques années. Là aussi, on évoque le manque du budget de fonctionnement et d’animateurs bien formés pour gérer cet espace.
La médiathèque Iqrae, qui est considérée comme la plus grande en Afrique est un espace unique en son genre comportant un auditorium de 250 places, une bibliothèque, ainsi que des espaces de lecture, d’exposition et de multimédia pour les malvoyants et les malentendants.
Située dans le quartier Boukhalef, cette médiathèque enregistre un retard énorme dans sa mise en service qui est d’autant plus aberrant qu’il a fait l’objet d’un rapport accablant de la Cour des comptes.
Une anomalie soulignée par la Cour des comptes
Abordant les projets du programme royal ” le Grand Tanger” ce rapport avait reproché à plusieurs responsables d’établissements de n’avoir pas mené une étude de faisabilité, causant ainsi des retards dans la délivrance des projets royaux réalisés dans la ville, dont ladite médiathèque.
Il est question aussi, relève le rapport de la Cour des comptes, de l’absence de socles scientifiques et d’objectifs basés sur des études préalables de faisabilité financière, économique, sociale et environnementale de ces projets.
Les juges de cette juridiction ont relevé également l’absence d’élaboration d’un système informatique qui garantisse la justice territoriale et réalise l’équilibre des domaines territoriaux ayant bénéficié des programmes inhérents à ces conventions. Il en a résulté l’impossibilité pour les parties chargées d’exploiter ces projets de les réceptionner pour les rendre opérationnels, comme c’est le cas pour la médiathèque Iqrae.
Quel sort attend le futur pavillon d’exposition et des arts?
Par ailleurs, on apprend également que le taux de réalisation du projet de mise à niveau de l’ancien marché de gros des fruits et légumes de Tanger, en vue de le reconvertir en un espace régional d’exposition et des arts, a atteint 80%.
Dans sa récente note d’information, la Commune de Tanger a précisé, que les travaux avancent à un bon rythme, faisant savoir qu’une enveloppe budgétaire de 63 millions de dirhams (MDH) a été allouée à ce projet.
Cette structure, qui s’étend sur une superficie de plus de 2 hectares, abritera un espace dédié aux ateliers d’arts vivants, une plateforme d’orientation, un cirque, un espace d’exposition, une salle de conférences et plusieurs dépendances administratives et de services.
Question: si les travaux de ce projet sont terminés en 2025, combien d’années faudrait-il attendre encore pour qu’il soit fonctionnel?
A. REDDAM