De la Calle au passé 100% espagnol durant les années 40 et 50, à une rue très mal fréquentée à partir de la fin des années 70, ce passage piéton avoisinant le jardin de Sour Maagazine, où des véhicules trouvent le moyen de s’y garer sans être envoyés à la fourrière, commence à retrouver son statut d’antan.
Sur une période de 15 ans, plus ou moins, cette rue, abritant de nombreux immeubles historiques, observe sa métamorphose tranquillement, comme un papillon qui quitte son cocon, sa chrysalide. Ces nombreux bars et cabarets mal fréquentés ferment l’un après l’autre. Le voisinage respire enfin, et les familles commencent, au moins, à rêver d’un sommeil profond durant la nuit, sans trop de nuisances, sans ce tapage nocturne et ces bagarres à l’aube… sans aussi ces odeurs nauséabondes de ce dernier pipi, ici et la, à la sortie des bars.
La rue Velasquez devient petit à petit propre et calme et ses espaces rez-de-chaussée sont repris par des gens plus sereins et soucieux de la protection de l’environnement local et de l’histoire de cette allée piétonne.
Stéphanie Gaou a fait le premier pas en créant sa librairie les insolites qui fête cette année son 15ème anniversaire. Pour son entourage, c’était une folie, une aventure qui allait se transformer en un échec plus que certain. Durant ces temps, ouvrir une librairie à Tanger était comme jeter son argent par la fenêtre, et le faire à la rue Velasquez était encore plus fou. Mais Stéphanie n’a écouté personne, sauf son instinct. Elle a réussi à transformer ce petit coin de cette rue si sombre en y allumant la première bougie. Une belle librairie que les curieux avaient commencé à découvrir avec étonnement, et par la suite, avec beaucoup d’amour et de respect à cette jeune française si audacieuse. Aujourd’hui, la librairie les insolites est une adresse incontournable pour les écrivains, les artistes, les philosophes et autres intellectuels.
Najoua Elhitmi, qui a habité durant longtemps la rue Velasquez, y est revenue également, comme artiste de renommée désormais mondiale, et y a ouvert sa galerie Zawia, l’une des plus belles galeries d’art actuellement à Tanger.
Ayant passé son enfance dans cette petite ruelle, Najoua porte dans son cœur ces souvenirs qu’on n’oublie jamais. Le bon voisinage entre ces familles espagnoles et marocaines, ces petits immeubles et leurs balcons fleuris et la propreté de toute cette zone du boulevard qui fait défaut aujourd’hui.
Armée de détermination et d’une volonté de fer, la jeune artiste fonce sans y penser deux fois et installe sa Zawia. Un énorme succès. La galerie organise d’excellents évènements artistiques et culturels attirant un grand public, ce qui représente forcément une influence très positive invitant d’autres intellectuels et artistes à s’installer à la rue Velasquez.
À côté, gérée par Bernard Liagre et Yann Tribes, Artingis, très belle galerie d’art et d’antiquités, propose une large sélection de livres anciens sur le Maroc. Les amoureux de la lecture pourront déambuler parmi les étagères remplies de vintage books, à la recherche de trésors littéraires oubliés.
Séduite par ce mouvement, l’artiste peintre Sanae Alami profite du moment et ouvre, elle aussi, son atelier où les visiteurs trouvent de belles créations artistiques. Des œuvres d’art dans différentes disciplines, notamment la peinture, la création de bijoux, la fabrication de meubles et d’objets décoratifs, etc.
La galerie de Sanae Alami est un espace dédié à la découverte de nouvelles formes d’art, à l’exposition de ses créations et à l’échange artistique avec d’autres artistes locaux et internationaux.
Et puis, dans cette belle rue Velasquez, il y a aussi un groupe de jeunes qui s’y sont installés dans le « Kiosk » repensant l’avenir de la ville et son développement urbain. Le Think Tanger, que préside Mary Rahma Homman, est un agence culturelle multidisciplinaire à but non lucratif. Une sorte de laboratoire des pensées fondé en 2016 et dirigé par Hicham Bouzid, qui vise à promouvoir la culture, la créativité et l’innovation sociale et urbaine au sein de la métropole de Tanger. En favorisant une approche participative qui encourage les différents acteurs – artistes, chercheurs, entrepreneurs et communautés locales – à collaborer activement, l’organisation souhaite propulser une dynamique d’intelligence collective pour façonner un urbanisme plus inclusif, plus créatif et plus humain.
Ce beau raz-de-marée culturel et artistique « dévaste » la rue Velasquez du bas vers le haut et tout le monde garde l’espoir qu’il arrive bientôt à la limite du boulevard Pasteur et le dépasse.
Reste un petit effort à faire: que les autorités locales y réalisent un projet de restauration des façades de ces beaux immeubles et de cette artère qui mérite un meilleur entretien.
Velasquez en serait très heureux. Les Tangérois aussi !