Le tissu économique du Maroc est constitué essentiellement de petites et moyennes entreprises, vivier de l’emploi du pays. La création et le suivi de ces entreprises, au travers des difficultés qu’elles peuvent rencontrer, intègrent encore insuffisamment l’environnement de conseils juridiques, économiques, financiers et comptables à leur disposition.

La défaillance des entreprises est un phénomène naturel. C’est une des conséquences de la compétition qu’elles se livrent entre elles.

RÔLE EN AMONT : MISE EN PLACE D’OUTILS DE DETECTION ET DE PRÉVENTION

La détection des difficultés est relativement simple. Les dirigeants les connaissent souvent et n’attendent pas les bilans de fin d’année pour faire le constat. C’est néanmoins souvent le conseiller extérieur qui est le révélateur de la situation critique et qui pourra provoquer les mesures nécessaires au redressement.

La situation comptable intermédiaire reste le principal outil utilisé par les Experts-comptables pour suivre l’évolution de l’activité des sociétés.

Cependant, à l’identique des états financiers de fin d’année, établis avec un décalage important de trois mois au plus tard, et surtout pour les petites PME-PMI, les situations intermédiaires sont présentées parfois tardivement et la prévention ne peut plus être d’actualité. Cet état de fait est par ailleurs souvent le résultat d’une carence dans l’organisation administrative des petites structures qui entraîne des délais complémentaires pour l’arrêté des comptes. Ainsi, une des missions incombant à l’Expert-comptable sera de mettre en place des procédures administratives et comptables afin de simplifier les modalités de prise en compte des flux de gestion. Une mauvaise organisation, voire une absence d’organisation, cas fréquents dans les petites entreprises, interdit toute surveillance fiable de l’activité.

Tableaux de bord

Les tableaux de bord doivent être des instruments essentiels de l’information comptable préventive. Ils se doivent d’être simples pour pouvoir être renseignés et suivis directement par l’entreprise. Ils peuvent ne présenter que les chiffres clés : chiffre d’affaires en comparatif avec le mois précédent ou l’année précédente, encours bancaires de fin de mois, encours client de fin de mois, encours fournisseurs de fin de mois, évolution des stocks.

Situations «flash»

Très utilisées par les Anglo-saxons, les situations «flash» ou résultats intermédiaires sont issus du principe suivant : connaissance des frais fixes abonnés sur l’année, évaluation d’une marge ou d’un coefficient moyen. Au vu du chiffre d’affaires réalisé chaque mois, on connaît instantanément le résultat estimé du mois considéré.

Ces états supposent cependant que le chef d’entreprise maîtrise les principaux flux de gestion de son activité (taux de marge, frais généraux…).

Situations de trésorerie

La trésorerie est souvent un bon indicateur de la santé de l’entreprise.

Analyse financière

L’analyse financière consiste à mettre sous surveillance un certain nombre de ratios (% de marge – % des frais généraux – % des frais de personnels…) et entretenir un suivi de leur évolution en fonction du niveau d’activité.

Toutes ces analyses permettent de déceler les premières difficultés. Cependant, ces outils contrôlent a posteriori une rentabilité effective dont les chefs d’entreprises se doivent d’avoir une «pré-appréciation» la plus fine possible. Ces instruments constatent ce qui s’est passé mais permettent aussi d’en déduire certaines tendances et donc de se tourner vers le futur par l’établissement de budgets.

Budgets

Par opposition aux précédents outils qui contrôlent ce qui s’est passé, les budgets essayent d’anticiper l’avenir. L’exercice est intéressant car il permet de demander aux entrepreneurs de se projeter «sincèrement» dans le futur, tant en termes de chiffre d’affaires que de marges ou de dépenses. C’est le cœur même du débat, puisque seul l’avenir d’une entreprise détermine ses chances de succès. Par la suite, le contrôle budgétaire permettra de mesurer et de dialoguer sur les écarts qui existent toujours entre la projection qu’on se fait de l’avenir et sa réalisation. Cette technique est nettement plus dynamique que les précédentes.

LIEN ENTRE LES OUTILS DE DÉTECTION ET LE SUIVI DES DIFFICULTES

Il ne suffit pas de connaître les risques ou de constater les difficultés naissantes de l’entreprise. Il est impératif de pouvoir, au vu des indicateurs mis en place, prendre les décisions nécessaires. Il est souvent aisé de constater les difficultés, mais peu sont capables de prendre des décisions face aux défaillances décelées sans l’aide d’un tiers extérieur à l’entreprise.

Premières mesures «internes»

Dans un premier temps, des mesures amiables internes peuvent être prises comme par exemple baisser les charges, rechercher des financements extérieurs, négocier les délais de paiement avec des créanciers, envisager un partenariat ou une cession, apporter des fonds propres.

Certaines de ces solutions seront suffisantes pour sauvegarder l’entreprise. Elles devront être prises rapidement et parfois même être anticipées «dès les premières douleurs». Cependant, l’entreprise reste impuissante face aux difficultés extérieures telles que les pertes de marché, les changements de réglementation, les défaillances des autres débiteurs… Les mesures décrites ci-dessus n’auront alors que peu d’impact et d’autres solutions devront être envisagées.

De plus, même face à des difficultés propres à l’entreprise, l’action de l’Expert-comptable reste néanmoins limitée. Il pourra diagnostiquer et se prononcer sur les chiffres, mais n’a aucune compétence pour apprécier ou donner un avis éclairé sur le métier même de ses clients.

La réflexion peut aussi se laisser guider par des questions d’ordre plus général qui conditionnent l’économie dans son ensemble. Peut-on et doit-on essayer de rétablir la santé d’une entreprise dépourvue de perspectives, qui ne maîtrise pas son métier, qui n’innove pas et qui ne se projette pas dans l’avenir ? Est-il raisonnable de vouloir à tout prix sauver ou redresser les entreprises défaillantes, au risque de rompre les règles de la concurrence avec les autres entreprises ? Est-il raisonnable de faire croire ou de laisser croire que le métier de chef d’entreprise est accessible au plus grand nombre ?

Quid des petites entreprises

Dans les petites structures, les problèmes sont vite posés. Pas assez de chiffre d’affaires, marges insuffisantes, coûts salariaux trop importants, difficultés structurelles de trésorerie… Il ne faut pas aller bien loin pour déceler les anomalies. Un simple coup d’œil aux comptes bancaires peut parfois suffire. Peu nombreux sont les employeurs capables alors de s’arrêter à temps. Il est facile de comprendre que le chef d’entreprise en difficulté a toujours la volonté, l’envie de poursuivre son exploitation, quelle que soit la situation. Il est d’ailleurs lui-même profondément concerné par les difficultés : cautions, perte de ses apports personnels.

Mohamed LAHYANI

Expert-comptable & Commissaire aux comptes diplômé d’Etat à Paris.

Membre de l’Ordre des Experts-comptables au Maroc et en France.

Fondateur du cabinet Audit & Analyse Tanger www.audit-analyse.com

Président de la commission Etudes Fiscales & Juridiques du Conseil Régional de l’Ordre des Experts-comptables de Tanger Tétouan Al-Hoceima.

Auteur de nombreux ouvrages en : fiscalité, audit, finance, comptabilité, évaluation des sociétés, consolidation, contrôle de gestion…