Après “Tout simplement humain” , Najib Arfaoui a rapidement trouvé une nouvelle inspiration pour nous offrir un roman qu’il faut absolument lire.
Najib Arfaoui est né à Tanger en 1943. En France depuis 1965, il a cultivé le plaisir d’écrire tout le long de sa carrière dans la banque. Il s’y consacrera assidument après son départ à la retraite. Najib Arfaoui a signé Tingis Café (L’Harmattan, 2017), Vers cette rive inconnue (Virgule Éditions, 2019), La fille de Dar Baroud (L’Harmattan, 2020), Au-delà du simple souvenir (L’Harmattan, 2021). Extrait.
“Ce fut une nuit agitée, hantée par un épouvantable cauchemar, mon cœur avait failli s’arrêter tellement le choc était violent. Ce rêve maudit m’était apparu peu avant les élections présidentielles, les sondages annonçant jour après jour l’ascension inexorable du candidat d’extrême droite Adolph. Je suivais cette campagne avec l’intérêt que j’ai toujours porté à la politique et cette fois, le danger était imminent. Le jeu électoral, qui était ouvert au début de la campagne, se resserrait dangereusement d’autant que la possibilité d’union entre les mouvements extrêmes était envisageable et permettrait de placer largement en tête leur candidat. Cette hypothèse prenait corps, devenait crédible, voire probable. Nous étions prévenus, les sondages évoluaient défavorablement. Sans doute, disions-nous, il s’agissait d’une sorte d’avertissement sans frais. Les Français sont des têtes brûlées. C’est un peuple révolté, prêt à tous les chamboulements. Nous nous rassurions croyant à la force de la raison, espérant que leurs intentions de vote exprimaient une bouderie, ce n’était que sautes d’humeur, facéties, postures, bref de la comédie, et le moment venu, tout rentrerait dans l’ordre, chacun retrouvant son esprit et sa lucidité. Nous cherchions à nous raccrocher à l’Histoire pour trouver des motifs d’espérer : était-il possible que le peuple de 1789, 1792, 1936, 1968, fier et enthousiaste, libre et généreux, râleur mais raisonnable, puisse se résoudre à vivre sous le joug de la discrimination et de la haine ?
Dans mon cauchemar, le pire se réalisa : ce dimanche de mai à 20h, sur les écrans de la télévision, le visage d’Adolph apparut, il était élu Président de la République Française, un tremblement de terre, une catastrophe qui me ruina l’âme…
…L’arrivée probable de l’extrême droite au pouvoir déclencha chez Naïm, un franco-marocain se considérant totalement intégré, une paranoïa , une crise identitaire où il lui sembla que les horizons s’étaient soudain déformés, laissant dans son être des irruptions de vide et des dévastations. Une peur sans nom s’empara de lui et l’empêcha tout simplement de vivre. Il perdit son Nord et engagea une rude bataille intérieure à la recherche de toutes ses identités perdues.
Ce travail, lui permettra-t-il de prendre racine quelque part?
L’amour d’ Agnès, le sauvera-t-il de l’égarement?…“