La société chargée de l’entretien des zones vertes à Tanger traite ces derniers comme étant des jardins privés.
En effet, s’il est conseillé de ramasser les feuilles mortes pour protéger le gazon et qu’il ne soit pas abîmé par manque d’oxygène, dans les zones vertes où il y a des arbres, ramasser ces feuilles donne un résultat contraire.

Plusieurs personnes veulent comprendre pourquoi, durant l’automne et l’hiver, le personnel chargé de la gestion des jardins et des zones vertes ramasse toutes les feuilles mortes qui tombent des arbres.
Pourtant, ce paysage automnal est l’un des plus beau à voir durant cette saison. Partout, dans le monde, ces feuilles restent là où elles tombent et c’est ce cycle naturel qui donne naissance d’autres arbres.
Mais à Tanger, la société responsable pense le contraire. Répondant à quelques questions de la Dépêche du Nord, un homme qui “balayait” une zone verte dans le centre-ville nous a déclaré que c’était sa mission. “Ces feuilles mortes sont des ordures qu’il faut enlever pour que le jardin reste propre”.
C’est exactement ce qu’on lui a appris à faire à la société.
Et que fait-on après avec ces tonnes de feuilles mortes? “On les ramasse dans de gros sacs pour les transporter dans un local dans la périphérie de Tanger. Là elles sont toutes broyées et remises dans d’autres gros sacs. Après, personne ne sait que fait-on de tout ça”, explique le même homme.
Oui, que fait-on de toutes ces tonnes de fueilles broyées? Sont-elles finalement jetées dans la nature? Si oui, on aurait dû les garder dans leur forme naturelle.
Ou sinon, ce produit est-il revendu à autrui? A qui et comment? Et est-ce que le cahier des charges donne le droit à cette société de faire du business en parallèle à sa vraie activité?
Quoi qu’il en soit, des feuilles mortes ne sont pas des ordures à ramasser. C’est l’un des paysages les plus beaux de l’année.

Ce qu’en dit la science

Voici pourquoi il convient de conserver les feuilles au sol, la litière jouant un rôle très important dans l’écosystème forestier. Pour commencer, elle protège le sol minéral de l’action directe de l’eau, amortissant la chute des gouttes de pluie qui séparent les particules du sol. Elle prévient aussi la compaction du sol et empêche le ruissellement des particules de terre.
Fonctionnant comme une grosse éponge, la litière stocke jusqu’à 15% de l’eau de pluie qu’elle restitue lentement, en permettant l’infiltration en profondeur.
Par ailleurs, la lente décomposition des feuilles mortes alimente le sol en matière organique, que l’on appelle humus. Lorsque l’humus est prélevé de manière répétée, une acidification du sol se met progressivement en place, qui modifie sa structure, empêchant, in fine, certaines essences d’arbres de s’y implanter ou d’y croître.
Enfin, la décomposition des feuilles d’arbres joue un rôle direct dans la libération des éléments minéraux que prélèvent les racines des arbres pour se nourrir. Dans une forêt où la litière est systématiquement prélevée, on perd 40 à 50% de la quantité d’azote, qui est un élément essentiel à la nutrition des plantes. Les feuilles des arbres sont donc moins riches en azote, se développent moins, en libèrent moins en tombant et c’est le début d’un cercle vicieux. Il en est de même du phosphore et encore d’autres éléments minéraux indispensables au cycle de vie de l’arbre.
Cela, sans évoquer le désastre que représente pour les insectes ou les champignons l’absence de couverture sous laquelle se développer et qui les nourrissent. De même que certaines plantes fragiles ne peuvent germer et pousser en l’absence d’une litière confortable. Ainsi, progressivement, en l’absence de feuilles mortes couvrant le sol, les arbres ont le plus grand mal à se développer mais aussi à produire des graines, tandis que celles-ci sont condamnées à mourir desséchées dès l’éclosion ou détruites par des pluies trop fortes.
La nature fait bien les choses, n’entravons pas son œuvre.
A. R.