La décision d’implanter un nouveau bureau thématique de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) au Maroc a pris de court une grande partie du secteur. Officiellement, cette initiative vise à soutenir le développement d’un écosystème touristique durable et structuré en Afrique du Nord. Pourtant, derrière les discours diplomatiques et les annonces officielles, ce choix révèle une stratégie politique bien plus complexe, fondée sur des intérêts croisés, des alliances discrètes et des faveurs échangées.

L’ouverture de ce bureau a été présentée comme un « vote de confiance » envers le potentiel touristique marocain. Et sur ce point, peu de doutes : le Royaume a su consolider sa position comme destination montante, combinant attractivité culturelle, investissements massifs et volonté politique. Mais au-delà de cette légitimité, une lecture plus fine laisse entrevoir un jeu d’influence où le tourisme devient un outil diplomatique, et non un simple levier de développement.

C’est dans ce contexte que les prochaines élections à la tête de l’OMT s’annoncent comme un véritable bras de fer diplomatique. Le secrétaire général sortant, Zurab Pololikashvili, entend rester en poste malgré les nombreuses critiques dont il fait l’objet. Pour cela, il mise sur une stratégie bien connue : garantir le soutien de certains pays clés, quitte à activer des réseaux d’influence bien au-delà du champ touristique.

Ces réseaux ont des noms : José Luis Rodríguez Zapatero, ancien président du gouvernement espagnol, et Joan Gaspart, figure bien connue de l’hôtellerie ibérique. Le premier conserve des liens étroits avec plusieurs États, notamment avec le Maroc, pays auprès duquel il aurait plaidé en faveur de la réélection de Pololikashvili. Le second, plus discret ces dernières années, revient sur le devant de la scène avec son appui affiché au secrétaire général.

Difficile, dans ce contexte, de considérer le soutien institutionnel à Rabat comme totalement dénué d’arrière-pensées. Selon plusieurs sources proches de l’OMT, le Maroc aurait été sollicité pour appuyer la candidature de Pololikashvili en échange d’une reconnaissance stratégique accrue, concrétisée par cette nouvelle antenne régionale. Une logique implicite de « je te donne mon vote, tu me donnes un siège », qui rappelle le fonctionnement habituel — mais rarement assumé — de certaines instances multilatérales.

Le paradoxe est flagrant : une organisation censée promouvoir le tourisme comme outil de paix, de coopération et de développement durable semble se transformer en instrument de manœuvres politiques. Si les efforts du Maroc pour renforcer son secteur touristique sont indéniables, ils ne doivent pas servir de monnaie d’échange dans une opération de survie personnelle d’un dirigeant contesté.

L’OMT se trouve aujourd’hui à un carrefour. Soit elle renforce son rôle technique, neutre et indépendant, au service de tous ses membres. Soit elle continue de s’enliser dans un système d’intérêts où le tourisme devient prétexte et non finalité. Il est temps que la gouvernance touristique internationale soit à la hauteur des enjeux du XXIe siècle.