Du 16 décembre 2023 au 16 janvier 2024

Mayday, Mayday, Mayday, la planète s’effondre, la diversité biologique se raréfie, les guerres se poursuivent devant notre impuissance et notre dégoût…
Il suffisait d’y regarder à deux fois et l’on aurait vu ce que jamais nous aurions voulu croire : l’œuvre si touchante, candide et joyeuse d’Abdelkrim Ouazzani constitue aussi un appel désespéré.
Les toiles sculptées montrent autant de monstres la gueule grande ouverte, prêts à dévorer leurs proies dont nous sommes ; des yeux grands ouverts nous scrutent avec la même acuité que les systèmes de télésurveillance et de reconnaissance faciale, sans jamais nous lâcher ; les êtres sont réduits à leur squelette, rongés par des pluies acides, quand les serpents des mythologies s’enroulent autour de la pomme de la connaissance ; des étrons – oui, c’est bien cela, des étrons – s’exposent sur la roue du destin qu’ils couronnent… Il aura suffit de quelques couleurs inédites dans la palette l’artiste, le marron, le brun, le bordeaux, quelques touches de noir inattendues, et Abdelkrim Ouazzani ose nous pousser dans ses alarmes ! La ligne directrice de cette exposition SOS… Mayday, qui se veut un appel au secours, demeure aussi ludique, légère et séduisante que ce qu’a toujours produit l’ami tétouanais, mais l’inquiétude qui habituellement sourd entre les lignes des sculptures filiformes, l’impression de soupçon – comme on évoque l’ère du soupçon -, l’anxiété dont on ne savait dire si elle travaillait bien l’œuvre ou non, ici affleurent jusqu’à être perceptibles. Ouazzani dévoile Ouazzani. Pour la première fois le plasticien laisse entendre que, finalement, tout n’est pas toujours aussi rose qu’on l’aurait voulu, même si le nuancier de son humeur demeure celle primaire de l’innocence et de l’optimisme. Il y a de l’ombre dans ces monstres heureux, et pas seulement celle projeté par le soleil chaleureux du ciel marocain. Abdelkrim Ouazzani nous le chuchote à l’oreille : SOS… Mayday, le naufrage, le naufrage, le naufrage, ici et maintenant, même s’il faut continuer à se persuader que le monde est bon et beau.

Philippe Guiguet Bologne

Vernissage le 16 décembre 2023 à 19h. 19, rue Jabha Watania, Tanger, Maroc. +212660724055.

Gallerykent19@gmail.com