Le 8 septembre 2021, le peuple marocain a déchu le parti politique en tête de la chefferie de son gouvernement depuis une décennie.
Depuis 2011 précisément, le Parti islamiste de la justice et développement, avait pris le pouvoir que le peuple, assoiffé de changement lui avait octroyé pour conduire une vraie réforme, au lendemenain des soulèvements populaires du printemps arabe. Hélas,10 années ont suffi à mettre à nu ce parti qui n’avait finalement de solide que ses paroles religieuses vieilles de 14 siècles, mais qui, au fond, n’a pas réussi à tisser un réseau de sympathisants à la fois leaders et formés en matière de gouvernance et de management de la chose publique pour se fondre dans le jeu démocratique de la scène politique. Et là, il va falloir analyser de près la sociologie électorale : Plusieurs péripéties ont fait figurer une détestable lâcheté politique couplée d’une effrénée quête de l’ascension sociale que le peuple n’a pas manqué de remarquer. À Tanger par exemple, lors du soulèvement populaire à Bni makada face à la cherté des factures d’Amendis, gestionnaire délégataire de l’eau et l’électricité de la ville , le PJD alors à la tête de la mairie et du gouvernement n’avait pas apporté de solution concrète à la population en souffrance, mis à part des discours démagogiques sans solution palpable au quotidien. Il aura fallu une intervention de la part du wali, représentant territorial de Sa Majesté le Roi, pour calmer les ardeurs et lancer des initiatives citoyennes comme Madinati Ajmal et les tournois de football pour les jeunes des quartiers défavorisés: une approche par le territoire pour réconcilier le citoyen avec son cadre bâti et lui donner de l’espoir. Tanger s’en est donc souvenue, a rendu la monnaie ce 8 septembre, et a eu sa revanche à travers ce vote sanction qui n’a offert aucun siège au PJD.
Tout au long de l’exercice de son pouvoir, le PJD n’a cessé de montrer ses limites et ses faiblesses notamment lors de la gestion de la pandémie, lors de l’affaire de mœurs de ses membres fondamentalistes (le couple adultérin). Ses prises de positions publiques ambiguës lui ont joué des tours comme lors de la normalisation avec Israël, au moment du hirak du rif, ou encore le cadeau empoisonné de la retraite de l’ex-chef du gouvernement Benkirane qui a décrédibilisé tout le parti et divulgué son sens du profit. En résumé, les mesures minute et le manque de leadership et de communication avec la base ont accentué ce désaveu collectif et cette impopularité et ce, même au niveau de tout le pays…
Mais ce qui est certain, c’est que ce parti n’est pas l’unique responsable de ce désaveu populaire excarbé. Rappelons que le RNI, parti vainqueur des élections de 2021, était un partenaire important dans la coalition gouvernementale de Benkirane et El Othmani. Il détenait les plus grands portefeuilles ministériels (Economie et Finances, Agriculture et pêche maritime, Industrie et Commerce, Jeunesse et sports, Tourisme , Justice…).
Le RNI a aussi dirigé ou participé à la plupart des gouvernements depuis 1972 et jusqu’au gouvernement de l’alternance de feu Abderrahmane El Youssoufi. Il est donc autant comptable du bilan gouvernemental que le PJD en interface. Mais la sociologie électorale fait que ce rejet ne soit ressenti qu’envers celui qui a été placé par le peuple et pour le peuple. Le blâme n’est donc prononcé qu’à l’encontre du PJD faisant fi de tout ce qui a été conduit de sain ou de bon à des degrés près comme la réforme de la caisse de compensation ou encore la retraite des fonctionnaires, et l’entente sur les prix des hydrocarbures…
Ce sont autant de questions que traite la sociologie du vote, qui est la branche de la sociologie politique qui étudie en particulier le vote et ses déterminants sociologiques, et dans ce cas précis ce vote sanction même avec un taux de participation de 50%.
Ce que appuie la théorie classique de la représentation (Manin, 1996) qui fait de l’électorat, à travers son vote, le juge rétrospectif du bilan des gouvernements, et donc des politiques qu’ils ont menées.
Dr. Soukayna BENJELLOUN