Le secteur touristique marocain franchit une étape stratégique majeure. Avec la publication de cinq arrêtés d’application de la loi 80-14 relative à l’hébergement touristique au Bulletin Officiel, le Ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie Sociale et Solidaire amorce une transformation structurelle du classement hôtelier. Objectif : aligner les standards nationaux sur les normes internationales, renforcer la compétitivité du pays et améliorer l’expérience client.
Une harmonisation nécessaire: vers une lecture plus claire du paysage de l’hébergement
Jusqu’à présent, le Maroc proposait une offre d’hébergement extrêmement diversifiée – riads, kasbahs, maisons d’hôtes, hôtels-clubs, résidences touristiques – mais sans classification homogène.
Désormais, tous les établissements seront classés selon un système commun en étoiles, quelle que soit leur typologie.
Une réforme qui apporte :
tPlus de transparence pour les voyageurs, avec une grille d’évaluation plus lisible et fiable.
tUn cadre uniforme pour les opérateurs, qui facilite la montée en gamme et la comparaison à l’international.
La qualité de service au cœur du dispositif: place aux visites mystères
L’une des grandes nouveautés réside dans l’importance donnée à la qualité du service rendu.
En partenariat avec l’Organisation mondiale du tourisme (ONU Tourisme), une grille d’évaluation extrêmement détaillée – jusqu’à 800 critères – a été élaborée.
Ces critères seront vérifiés à travers des visites mystères, menées par des auditeurs spécialisés, pour observer l’expérience réelle du client.
Autres points notables :
tLe classement ne sera plus permanent, mais révisé tous les 7 ans (5 ans pour les structures existantes), garantissant ainsi un suivi dynamique.
tLa formation des équipes devient un levier central de performance.
Une innovation pour les investisseurs: les Résidences Immobilières Adossées (RIA)
Le gouvernement introduit également un nouveau concept à fort potentiel: les Résidences Immobilières Adossées. Il s’agit de villas ou d’unités haut de gamme, intégrées à un hôtel 5 étoiles, vendues à des particuliers mais gérées comme des unités touristiques.
Un modèle qui offre plusieurs avantages :
*Répondre à une demande croissante d’expériences privatives
*Sécuriser les investissements immobiliers touristiques
*Diversifier l’offre haut de gamme tout en mutualisant les services
Ce concept rapproche le Maroc des destinations innovantes comme Dubaï, l’île Maurice ou la Thaïlande.
Une période de transition accompagnée
Les professionnels du secteur disposeront d’un délai de 24 mois pour se mettre en conformité avec les nouvelles exigences. Cette période sera mise à profit pour:
*Réaménager les infrastructures
*Former les équipes
*Mettre en place des processus internes de qualité
Une période transitoire jugée suffisante pour garantir une montée en gamme progressive sans rupture.
Et après? Encadrer l’hébergement alternatif et informel
Le ministère prévoit déjà l’extension de la réforme à trois nouvelles formes d’hébergement:
*Les bivouacs
*L’hébergement chez l’habitant
*Les structures alternatives (conteneurs, cabanes, etc.)
Ces arrêtés permettront d’intégrer l’informel dans un cadre légal clair, de poser des normes de sécurité, d’hygiène et de qualité, et de réguler l’offre, notamment sur les plateformes numériques.
Avantages et limites de la réforme
Avantages:
Amélioration de la lisibilité et de la confiance pour les touristes
Standardisation conforme aux exigences internationales
Accent mis sur la qualité de service réelle
Création d’un environnement propice à l’investissement touristique
Intégration progressive de l’hébergement alternatif dans le circuit formel.
Défis
Adaptation difficile pour les petites structures
Investissements lourds à court terme
Nécessité de contrôles rigoureux et indépendants
Risque d’augmentation des prix pour certains segments
Accompagnement nécessaire pour les opérateurs informels
Un Maroc plus compétitif, inclusif et durable
À travers cette réforme ambitieuse, le Maroc affirme sa volonté de devenir une référence régionale en matière de tourisme responsable et de qualité.
En plaçant l’expérience client, la transparence et l’investissement durable au cœur de sa politique touristique, le pays envoie un signal fort à ses partenaires économiques et institutionnels.
Si les mesures sont correctement mises en œuvre, accompagnées et suivies, le Maroc pourrait bien devenir un modèle de régulation intelligente du tourisme dans le monde arabe et en Afrique.
Abderrahim Ouadrassi

























