Dans un monde où chaque décision repose sur des données, le tourisme ne peut plus se permettre d’avancer à l’aveugle. Le Maroc, riche de sa diversité géographique, de son patrimoine culturel exceptionnel et d’un attrait international croissant, se trouve à un tournant décisif : passer d’un modèle traditionnel à un Modèle de Destination Touristique Intelligente (Smart Destination). L’enjeu n’est plus uniquement ce que le pays propose, mais comment il gère, comprend et anticipe les besoins des visiteurs à travers l’exploitation intelligente des données.
Pendant des années, le secteur touristique marocain s’est développé en volume. Aujourd’hui, le défi est de progresser en qualité. Et pour cela, la donnée est reine.

Le tourisme ne s’improvise plus: il se pilote
Chaque clic, chaque réservation, chaque avis publié par un touriste génère une donnée. Ces données massives (Big Data), si elles sont analysées et croisées efficacement, permettent de mieux connaître les profils des voyageurs, leurs comportements, leurs attentes et les périodes de décision.
Des pays comme l’Espagne ont mis en place des réseaux de destinations intelligentes, capables d’ajuster en temps réel les services de mobilité, les politiques de durabilité et la promotion territoriale. Le Portugal, avec son programme « Tourisme +Sustentável », digitalise son écosystème touristique pour une croissance équilibrée. Dubaï, quant à elle, personnalise l’expérience de chaque visiteur grâce à des plateformes de données connectées.
Le Maroc peut s’inspirer de ces modèles tout en les adaptant à sa propre réalité: des plages atlantiques d’Essaouira aux oasis du Sud, en passant par les médinas de Fès, Tétouan ou Marrakech.

Qu’est-ce qu’une destination touristique intelligente?
Être une destination intelligente, ce n’est pas une simple étiquette. C’est une stratégie d’avenir. Cela signifie que les décisions en matière de promotion, de développement durable, de sécurité, de formation ou de transport se basent sur des données fiables, partagées et actualisées en temps réel.
Un Maroc connecté pourrait alors:
t Anticiper les flux touristiques pour mieux répartir les services.
t Identifier les nouvelles tendances du voyageur moderne, avide d’expériences durables et authentiques.
t Protéger ses patrimoines fragiles, en régulant la fréquentation des sites sensibles.
t Stimuler l’innovation locale, en rendant les données accessibles aux PME et artisans.
t Renforcer les synergies public-privé, avec une gouvernance ouverte et collaborative.
Pour y parvenir, il faudra investir dans la formation, l’infrastructure numérique, la régulation éthique des données et la sensibilisation des acteurs territoriaux.

Des données pour la durabilité, de la technologie pour l’authenticité
La durabilité ne se limite pas à l’écologie. Elle est aussi économique et sociale. En utilisant les données de façon stratégique, le Maroc pourra diversifier les circuits touristiques, alléger la pression sur les zones saturées, encourager le tourisme rural, et assurer une meilleure répartition des retombées économiques.
La digitalisation bien pensée ne dénature pas un pays : elle le renforce dans son authenticité. Un visiteur guidé intelligemment vers les expériences locales aura plus de respect pour la culture, plus de lien avec la communauté et prolongera son séjour.

Le vrai saut de qualité est dans la donnée
Le Maroc dispose déjà d’une notoriété croissante, d’infrastructures solides et d’un potentiel humain considérable. Le moment est venu de franchir une étape supplémentaire : passer d’un tourisme d’observation à un tourisme de gestion intelligente et durable.
La décennie à venir distinguera les destinations qui utilisent la donnée comme levier de transformation, des territoires figés dans des logiques anciennes. Pour le Maroc, devenir une destination touristique intelligente est plus qu’une ambition : c’est une nécessité stratégique pour s’imposer comme un leader régional du tourisme responsable et innovant.
Parce que le voyageur de demain choisira moins en fonction du prix que de la valeur, de l’expérience et de la confiance. Et seule une gestion fondée sur les données peut répondre à ces attentes avec cohérence et efficacité.
Abderrahim Ouadrassi