Le récent rapport de la FIFA a mis en lumière une réalité déjà connue mais souvent ignorée : le Maroc manque dinfrastructures pour accueillir des événements de grande envergure. Face à cette constatation, une frénésie de construction sest déclenchée. Autorités et investisseurs semblent avoir trouvé une solution miracle : construire davantage dhôtels et accorder des licences exceptionnelles. Cependant, cette réponse précipitée ne fait que masquer le problème de fond et risque de créer de nouveaux obstacles à long terme.
Manque dHôtels ou Manque de Gestion ?
Certes, le besoin en hébergements supplémentaires est évident. Mais avant dériger de nouvelles structures, il est crucial de se poser la question : que faisons-nous avec les infrastructures déjà existantes ? Le Maroc regorge de bâtiments vides, souvent destinés à la spéculation immobilière. Chaque jour voit émerger de nouveaux projets alors que ceux déjà entamés restent inachevés. Le véritable problème nest pas la quantité dinfrastructures, mais leur gestion efficace et durable.
La véritable crise du tourisme au Maroc est une crise de gestion. Notre pays manque de professionnels formés à la gestion hôtelière. La majorité des établissements se contentent de suivre des modèles importés, avec des réceptionnistes qui répondent aux exigences minimales imposées par des plateformes comme Booking.com. Les grandes chaînes, souvent gérées par des groupes coloniaux français, dominent le marché avec leurs standards uniformisés et leurs commissions imposantes, laissant peu de place à une innovation locale.
Quant aux petits hôteliers, ils survivent tant bien que mal, en répondant aux besoins immédiats sans stratégie claire. Même nos écoles de tourisme, qui devraient être une fierté nationale, produisent des diplômés dont la formation manque de compétences pratiques. Des détails essentiels, comme le temps nécessaire pour préparer une chambre après un checkout, sont ignorés dans leurs programmes.
Le Chemin vers la Dignité Touristique
Le Maroc a besoin dun changement de paradigme. Au lieu de multiplier les constructions, il faut construire mieux. Cela passe par :
Créer des chaînes hôtelières marocaines : Il est temps que le Maroc développe ses propres marques, capables de rivaliser en qualité et en service avec les chaînes étrangères, tout en reflétant notre identité et nos valeurs.
Former des gestionnaires hôteliers : Il est urgent dinvestir dans une formation académique de qualité, alliant théorie et pratique. Nous devons aussi encourager les séjours à létranger pour apprendre des meilleurs et appliquer ces enseignements chez nous.
Renforcer la chaîne dapprovisionnement : Des produits alimentaires au mobilier, le Maroc doit devenir autosuffisant pour soutenir son industrie hôtelière. Cela créera des emplois et réduira notre dépendance aux importations coûteuses.
Subventionner la formation, pas les mauvaises habitudes : Plutôt que de financer des projets qui perpétuent une gestion inefficace, lÉtat doit soutenir des initiatives éducatives capables de transformer le secteur en profondeur.
Une Question Nationale
Le tourisme nest pas seulement un moteur économique ; il reflète aussi la dignité dun pays. Faire du Maroc une destination touristique de premier plan est un défi nécessitant une vision claire, une planification stratégique et un engagement collectif. Si nous voulons répondre aux exigences de la FIFA et, plus encore, à celles de notre propre dignité touristique, il est impératif de dépasser les solutions rapides pour construire un avenir solide et durable.
Le véritable enjeu ne réside pas dans le nombre dhôtels que nous construisons, mais dans leur gestion et les valeurs quils incarnent. Le Maroc a le potentiel de devenir une référence mondiale en matière de tourisme, mais cela nécessite de traiter ce défi comme une priorité nationale.
Abderrahim Ouadrassi