Le point de vue d’un notaire pour évaluer la situation économique et des affaires durant cette période d’incertitude, aide beaucoup les professionnels à se faire une idée des solutions à prendre pour agir avec garantie.
Fiscalité, affaires, immobilier, digitalisation… Maître Ghita Emtil nous livre ici ses avis.
Pour tout comprendre, voici l’interview qu’il vous faut lire.

Qu’est ce qui vous a le plus séduit dans le notariat ?

Depuis toute jeune, en plus d’avoir toujours aimé le contact humain, j’ai toujours aspiré à exercer un métier libéral.
De plus, de par mon éducation, on m’a transmis les valeurs de rigueur, de droiture et de responsabilité. C’est donc tout naturellement que je me suis orientée vers ce métier.
Le notariat est un métier profondément altruiste, qui nécessite beaucoup d’écoute et d’humanité. Et s’entendre dire merci à la fin, me rend fière d’accomplir mon métier.
De surcroît, le notariat est un métier extrêmement divers ; nous conseillons les clients et les accompagnons dans leur investissement, actes de libéralité (donation), Baux, vente de fonds commerce ….., le tout en les informant des meilleures retombées fiscales.
Mais le notaire n’est pas qu’un spécialiste de l’immobilier, il s’occupe d’un volet qui reste encore méconnu, celui du droit des affaires et de tout ce qui est relié aux droits des sociétés.

Comme de nombreux secteurs d’activité, votre profession a été touchée par cette crise. Jusqu’à quel point exactement ?

La crise sanitaire a touché tout le monde, mais à divers degrés, cela va sans dire.
Le deuxième trimestre 2020 était négatif, avec une reprise constatée vers le mois de Juillet de la même année et cela, entre autres, grâce à diverses mesures, fiscales notamment, permettant de dynamiser le marché de l’immobilier.
La loi de finances rectificative au titre de l’année 2020, a instauré , jusqu’au 30 juin 2021, la réduction des droits d’enregistrement pour les achats immobiliers.
La réduction est de 100% pour les actes portant première vente de logements sociaux et de logements à faible valeur immobilière, et 50% pour les actes portant acquisition à titre onéreux des terrains nus destinés à la construction de logements ou de locaux construits destinés à usage d’habitation sans que le montant de la base imposable totale ne dépasse quatre millions (4.000.000) de dirhams. La reprise de l’immobilier est aussi due aux taux de crédit bancaires immobiliers qui ont été maintenus et cela malgré l’augmentation du risque des dossiers clients , au vu du contexte de crise sanitaire.

Contexte oblige, le COVID-19 a changé énormément de choses dans nos vies. Après une longue période de confinement, les transactions immobilières, entre autres affaires, ont beaucoup baissé. Quelle lecture faites-vous de ce changement de votre point de vue de notaire ?

Nous sommes dans une période d’incertitude. Personne ne dispose d’une échéance relativement à la fin de cette crise.
Or pour investir, il faut disposer d’un minimum de confiance en l’avenir, mais aussi bien évidemment d’un certain pouvoir d’achat, ce dernier ayant été rudement percuté par les effets de la crise sanitaire.
N’oublions pas que la fermeture des frontières a aussi un certain impact sur cette baisse. Nous constatons en effet une baisse de la part des investisseurs étrangers ainsi que des MRE qui ne peuvent se déplacer. Des solutions existent certes, mais elles alourdissent les délais de traitement de ces dossiers.
Mais cette crise a aussi fait ressortir de nouveaux besoins.  Nous avons constaté qu’après la période de confinement, une certaine catégorie de clients oriente désormais son choix vers des maisons avec jardin (notamment dans le grand Axe Rabat/ Casablanca).
En ce qui concerne les personnes qui sont locataires, beaucoup pour des raisons d’acquisition de patrimoine ainsi que de sa transmission future à ses enfants , font recours à des crédits immobiliers, préférant ainsi payer des traites leur permettant d’accéder à la propriété, plutôt qu’un loyer.

Comment envisagez-vous la relance des secteurs reposant sur l’investissement en général et les transactions immobilières en particulier?

De plusieurs manières :
Il serait souhaitable que les mesures fiscales actuelles soient reconduites voire adoptées de manière définitive.
D’ailleurs il serait judicieux que l’agence Nationale de la conservation foncière emboîte le pas de l’administration fiscale, en faisant aussi bénéficier aux futurs acquéreurs d’une baisse sur les tarifs d’inscription des actes auprès de ladite administration.
Une autre mesure serait de faire baisser les taux de crédit immobiliers et que les établissements bancaires prennent un peu plus de risques en étant un peu moins rigoureux dans la sélections des dossiers.
Il faudrait aussi beaucoup plus de fluidité dans les délais administratifs, que ce soit dans les délais d’obtention d’autorisation de construire, de permis d’habiter, ou encore les délais de traitement des dossiers de crédit entre autres.
Enfin, il serait souhaitable que la fermeture des frontières accélère encore plus le processus de digitalisation des actes, notamment en favorisant la signature électronique pour les actes notariés.

Propos recueillis par Abdeslam REDDAM