Septembre 2019 était la dernière fois que la communauté chiite du Maroc s’est manifestée. C’était à l’occasion de la fête d’Achoura.
Achoura est un rendez-vous très sacré pour les chiites. A Tanger, cette communauté l’avez célébré dans un secret total pour ne pas attirer l’attention des autorités.
Comme à Casablanca et à Meknes, où ils sont très nombreux aussi, les chiites de Tanger s’étaient engagés à ne pas pratiquer leur rituel en public et à éviter de s’afficher sur les réseaux sociaux ou à intervenir dans les médias.
Cette année là, les rites du «Deuil et des conseils où l’on loue les vertus d’Ahlul Bayt» ont été tenues dans les villas et les maisons. Le chagrin sur «l’assassinat d’Al Hussein Ibn Ali» n’a pas dépassé les murs des salons.
Un cérémonial qui ne diffère pas des fêtes chiites en Iran et en Irak sauf que, chez nous, elles se déroulent dans un secret absolu où l’on «récite des invocations husseinites en organisant une cérémonie de condoléances, d’écoute et de chants religieux».
Mais nos chiites marocains ont évité l’auto-flagellation que leurs croyances les poussent à subir et se sont limités à l’organisation des conseils de condoléances marqués par le chagrin sur la «Bataille de Karbala». D’autres coutumes sont observées pendant cette journée comme l’habit noir, la réduction des repas et la multiplication des rituels de culte et de prières.
Depuis quelques années, il existe comme un pacte entre cette communauté et les autorités.
Les Chiites se sont engagés à ce que leurs dirigeants ne s’adressent pas aux médias à l’occasion des fêtes d’Achoura et à éviter les sites électroniques où ils ont pris l’habitude de s’afficher. Il se sont aussi abstenus de poster des messages sur les réseaux sociaux et n’ont utilisé que des applications peu connues et non soumises à la surveillance policière. Les chiites se sont engagés, en outre, à ne pas provoquer les autorités dans les grands rassemblements.
En contrepartie les autorités ont, ces dernières années «respecté leurs croyances» à condition qu’elles ne soient pas pratiquées en public. Mais liberté d’exercice ne veut pas dire absence de contrôle.
Plusieurs sources indiquent que les autorités surveillent les activités des chiites marocains à travers des rapports réalisés par des commissions chargées de détecter l’entrisme chiite au niveau des préfectures et des provinces. La surveillance est focalisée plus particulièrement sur la circulation des livres inhérents à l’idéologie chiite ou ayant des rapports avec l’Iran et le Hizbollah. Les mêmes sources soulignent que la conversion au chiisme commence à se propager d’une manière qui démontre l’existence de réseaux organisés travaillant dans un secret absolu, avec l’encadrement et la coordination de certaines factions résidant en Europe.
Que veulent les chiites marocains ?
C’est à Tanger que la communauté chiite marocaine a essayé de se faire-valoir.
Les chiites ont voulu une reconnaissance officielle et certains d’entre eux avaient créé une association à Tanger
Cette association baptisée « Messagers progressistes » a été constituée en 2016 pour « oeuvrer en faveur de la différence culturelle, ethnique et religieuse », rapportait le journal Al Massae. Formée par des personnalités de la mouvance chiite marocaine, la nouvelle association affirmait défendre la liberté religieuse au Maroc.
Issam Houssayni est l’activiste chiite le plus connu à Tanger. Houssayni se dit déterminé à mener avec ses frères « la lutte pacifique pour mettre en œuvre les principes de citoyenneté et de non-discrimination ».
La wilaya de Tanger avait nié en mars 2015 avoir autorisé à exercer “Al Khatt al Rissali”, qui comptait alors une vingtaine de membres. Ce groupe avait initié une manifestation à Rabat pour demander à être reconnu et respecté.